« L’agriculture paysanne est un projet révolutionnaire »

vendredi 29 mars 2024, par Gilles Sabatier

Dans le dernier numéro de Lignes d’Attac, nous publions un entretien avec Thomas Gibert, secrétaire général de la Confédération paysanne. L’occasion de revenir sur les perspectives du mouvement social agricole de janvier.

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible en adhérant ou en s’abonnant.

Pourquoi le mouvement social agricole de janvier a-t-il eu lieu précisément à cette période ? Et pourquoi des mobilisations ont aussi eu lieu dans plusieurs pays d’Europe ?

Il est toujours difficile de donner les raisons du démarrage d’un mouvement social. En France et dans d’autres pays la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été l’augmentation du prix du GNR (Gazole Non Routier). Le monde paysan est en crise depuis de longues années, les paysan·nes ayant de gros problèmes de revenu. Nous sommes tous dans le même système qui nous étrangle, il est donc normal que le mouvement soit international, même si les revendications s’appuient souvent, même en France, sur l’épouvantail des normes environnementales.

En quoi les revendications de la Confédération Paysanne diffèrent-elles celles de la FNSEA ?

La FNSEA avait 120 revendications, qui n’ont jamais été rendues publiques. Ce grand manque de transparence est dû à la cogestion du syndicat majoritaire avec le gouvernement, qui travaille comme un lobby agroindustriel. Ainsi nous n’avons rien obtenu de structurel quant au revenu parce que ce n’était pas dans les intérêts des dirigeants de la FNSEA.

Les deux principales revendications de la Confédération Paysanne sont l’obtention d’un prix minimum garanti, et la sortie des traités de libre échange. A propos du prix minimum garanti, la loi EGALIM n’oblige pas la grande distribution à payer la production des paysan·nes au dessus du coût de revient (coût de production + rémunération + couverture sociale). Or il existe une forte différence de couverture sociale avec le reste de la société ; la Confédération Paysanne estime que la couverture sociale fait partie du revenu.

Le gouvernement ne remet pas en cause la signature des traités de libre échange ; ainsi le traité du Mercosur va sans doute être signé, avec des clauses miroirs qui n’ont aucune efficacité, permettant juste d’imposer des normes environnementales dans les pays exportateurs ; or la concurrence se fait aussi sur des avantages comparatifs. Il faut comparer le taux de productivité des différents pays. Ainsi en Nouvelle-Zélande, du fait de l’étendue des prairies, le coût de production de la viande bovine ou des produits laitiers est très faible, et donc ce pays est avantagé.

Pour revenir au mouvement social paysan, à la différence du mouvement des retraites ou des gilets jaunes, le gouvernement a fait preuve de complaisance, voire à l’encourager du fait qu’il allait dans le sens d’une agenda libéral. Gabriel Attal a pu faire passer des choses qui n’auraient pu se dérouler dans un agenda politique normal, telles que la ré-autorisation des pesticides, et donc un nivelage des normes européennes pesticides vers le bas.

D’une manière plus générale ,quelle est la stratégie d’alliances que mène la Confédération Paysanne pour construire un rapport de force, dans le cadre de ses différentes luttes ?

Lors du mouvement paysan de janvier, il y a eu une volonté d’être seuls dans la lutte au niveau national, même s’il y a eu des exceptions dans certains départements, pour bien montrer que la Confédération Paysanne est une force paysanne crédible avec des revendications crédibles pour l’ensemble des paysans, contrairement à ce que proposent les dirigeants de la FNSEA. Mais en parallèle, la Confédération Paysanne est en train de construire des alliances avec les syndicats de salariés, sachant que les revendications sont les mêmes.

Mais d’une manière générale, le monde paysan étant minoritaire dans la société, et la Confédération Paysanne étant elle même minoritaire, nous avons une stratégie d’alliance large avec la société civile, les syndicats de salariés , et plus récemment les Soulèvements de la Terre. Généraliser l’agriculture paysanne est un projet révolutionnaire, il faut imposer des changements systémiques dans la société, et cela ne se fera que par un mouvement social d’ampleur, c’est la raison pour laquelle il faut des alliés.

Propos recueillis par Gilles Sabatier

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