L’affaire Geneviève Legay : un combat pour les libertés publiques

jeudi 30 mai 2024, par Raphael Pradeau

Jeudi 11 janvier à Lyon, s’est enfin tenu le procès du commissaire Rabah Souchi, pour avoir ordonné une charge illégale ayant entraîné les graves blessures de notre camarade Geneviève Legay le 23 mars 2019 à Nice, lors d’une manifestation de Gilets Jaunes.

L’affaire Geneviève Legay est un symbole de la remise en cause du droit de manifester en France, qui est pourtant un droit constitutionnel. Cette affaire illustre un recul important des libertés publiques en France ces dernières années.

Ce texte est tiré du numéro d’avril de notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible en adhérant ou en s’abonnant.

Il a été reproché à Geneviève Legay de participer à une manifestation interdite. Or, la Cour administrative d’appel de Marseille a fini par reconnaître en 2022 que cette manifestation du 23 mars 2019 n’aurait pas dû être interdite. Il n’y avait aucune raison de l’interdire parce que toutes les manifestations précédentes à Nice avaient été pacifiques.

Malheureusement, on l’a vu ces derniers mois, les interdictions préfectorales de manifestation deviennent une pratique très courante et deviennent un prétexte pour réprimer les manifestants, peu importe les conséquences, et peu importe si une dame qui n’a strictement rien fait à part revendiquer le droit de manifester, se retrouve au sol, la tête en sang.

Quand les manifestants sont arrivés sur la place Garibaldi, ils ont été immédiatement nassés, ce qui est une autre manière de les empêcher de manifester. Alors que la nasse est de plus en plus systématiquement pratiquée, la France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour une nasse à Lyon en 2010, la CEDH estimant qu’elle constituait une violation des libertés de circulation, de réunion et d’expression.

La charge qui a grièvement blessé Geneviève n’avait aucune raison d’avoir lieu. Comme l’a dit le capitaine de gendarmerie, qui avait refusé les ordres illégaux de M. Souchi, il n’y avait aucune raison de mener cette charge, qui était disproportionnée étant donné que la foule était calme. De plus, quand Geneviève est tombée au sol, le commissaire Rabah Souchi a empêché les street medics de lui porter secours. Dix secouristes bénévoles ont été menottés et ont passé 10h en garde à vue ! Pourtant, la seule fonction des street-medics est de porter secours aux blessés, et pas seulement aux manifestants : parfois ce sont des policiers qui sont secourus.

Dans cette affaire, on retrouve un grand nombre de similitudes avec d’autres affaires de violences policières. Tout d’abord, c’est la victime qui est accusée d’être coupable. Le maire de Nice Christian Estrosi, le procureur de la République Jean-Michel Prêtre et le président de la République Emmanuel Macron ont reproché à Geneviève d’avoir participé à cette manifestation, en disant que c’était de sa faute. M. Estrosi a même dit qu’il faudrait ouvrir une deuxième enquête pour savoir pourquoi les manifestants sont venus ce jour-là ! On renverse la charge de la preuve. On se souvient également que M. Macron avait encouragé Geneviève à faire preuve de « sagesse », alors qu’elle n’a fait que manifester pour défendre un droit constitutionnel.

Il est également choquant de voir que dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres affaires de violences policières, l’institution a fait bloc pour défendre M. Souchi et les policiers, pour dire qu’il n’y avait pas eu de violences policières. Le soir-même de la manifestation, le maire de Nice avait déclaré que Geneviève avait trébuché, et, du procureur au président de la République, tous ont fait bloc pour protéger M. Souchi et l’institution policière, en niant que Geneviève avait été touchée par un policier. On se souvient d’ailleurs que, alors que son pronostic vital était encore engagé, Geneviève avait reçu par trois fois la visite de policiers venus lui faire avouer qu’elle avait été bousculée... par un cameraman.

Enfin, dans cette affaire comme dans tant d’autres, il a été fait gravement obstacle au dévoilement de la vérité. Grâce à un lanceur d’alerte (le seul à avoir été sanctionné par l’administration policière), Mediapart avait révélé que l’enquête a été confiée à Hélène Pedoya, la compagne de M. Souchi. S’il n’y avait pas eu le travail de journalistes, notamment de Pascale Pascariello de Mediapart, s’il n’y avait pas eu le travail des avocats et le soutien, notamment financier, d’Attac, il n’y aurait jamais eu de procès. La version officielle aurait été que Geneviève avait trébuché et que c’était bien de sa faute si elle a été blessée.

La seule tenue du procès du commissaire Souchi était donc déjà une victoire. Ce fut un procès historique, tant il est rare qu’un donneur d’ordres soit poursuivi dans une affaire de violences policières. « Cet ordre a été donné de manière ni nécessaire, ni proportionnel, ni conforme à la réglementation », a déclaré le procureur, demandant 6 mois de prison avec sursis contre le commissaire Souchi, dont l’avocat a plaidé la relaxe. Vendredi 8 mars, il a été condamné à 6 mois avec sursis : c’est une étape importante contre l’impunité des violences policières. Mais le combat n’est pas fini, car il a fait appel !

Raphaël Pradeau

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