« Je voulais que justice soit faite », entretien avec Geneviève Legay

vendredi 31 mai 2024, par Raphael Pradeau

Interview de Geneviève Legay, gravement blessée lors d’une charge de police pendant la mobilisation des gilets jaunes. Cet échange s’est tenu en mars 2024, suite au procès de Rabah Souchi, le commissaire responsable de la charge qui a blessé Geneviève Legay.

Ce texte est tiré du numéro d’avril de notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible en adhérant ou en s’abonnant.

Comment s’est déroulé le procès, est-ce que tu étais soulagée que ce procès se tienne et satisfaite de la manière dont il s’est tenu ?

Depuis le jour de l’agression policière, le 23 mars 2019, je voulais que justice soit faite. Ça fait presque cinq ans que j’attendais ce procès, donc j’étais soulagée qu’il arrive enfin. Au procès, j’y suis allée confiante et déterminée. Je savais que j’étais dans mon droit, manifester est un droit constitutionnel.

Je trouve que le procès s’est déroulé à-peu-près correctement, même si j’aurai voulu aller plus loin, quand j’ai commencé à dire des choses sur Macron, la juge m’a dit « il n’est pas là » et m’a stoppée. Je voulais dire qu’en disant qu’à 73 ans j’aurais dû rester chez moi, ils m’a retiré ma citoyenneté quelque part. J’avais toujours dit que je le dirai à la barre et je n’ai pas pu.

Je reste sur ma faim du fait que seul le commissaire Souchi soit devant le tribunal, j’aurais aimé que toute la chaîne de commandement soit poursuivie, jusqu’à Macron, Castaner, le préfet...

Qu’est-ce que ça t’a fait qu’il y ait tout ce monde qui soit venu te soutenir, et qu’est-ce que ça t’a fait qu’il y ait d’autres victimes de violences policières présentes ?

Je tiens à dire que, si Attac ne m’avait pas aidé financièrement, jamais il n’y aurait eu de procès. Toutes ces personnes qui se sont déplacées à Lyon, ça m’a fait chaud au cœur et je les remercie chaleureusement, ainsi que le collectif de Lyon, Attac Rhône et Alpes Maritimes qui ont permis la tenue de la journée à la Bourse du Travail de Lyon... et bien sûr toi, Raphaël Pradeau, qui étais porte-parole d’Attac France en 2019.

Qu’en est-il des autres petites gens ? Il y a une grande inégalité devant la justice, c’est incroyable. Tout le monde ne peut pas avoir un procès. Tous les gens qui ont participé financièrement, je les remercie grandement ! J’ai toujours voulu que cette « Affaire Legay » soit un procès qui serve pour d’autres victimes de violences policières, qui fasse jurisprudence si je gagne, que ce soit utile pour toutes les personnes qui n’ont pas accès à un procès.

Les famille de victimes et des victimes qu’on avait invitées et qui ont assisté au procès étaient satisfaites. Elles ont pu intervenir au meeting, elles étaient très contentes qu’on les ait invitées et d’avoir pu s’exprimer, avec l’espoir que cela servira leur cause et celle de toutes les victimes de violences policières et qu’elles pourront un jour être reconnues comme victimes.

Il vient d’être nommé directeur adjoint de la police municipale niçoise, quelle est ta réaction ?
(NDR : Rabah Souchi a démissionné de la police nationale quelques temps après le procès)

Je trouve que c’est d’un grand mépris de la part du maire de Nice, Estrosi, de ne même pas attendre le délibéré et de l’avoir embauché prématurément. Je suis écœurée. C’est un mépris parce que beaucoup de gens auraient préféré qu’il quitte la police. Personnellement j’ai pu lui parler au tribunal, puisqu’il n’arrêtait pas de dire qu’il avait des valeurs humaines, je lui ai dit « je vous ai entendu, je vous conseille de vous recycler loin de la police ». Dans cette société où rien ne va dans le bon sens, c’est pas étonnant que Estrosi le recycle en lui offrant cette porte de sortie.

Comment te sens-tu avant le verdict, quels sont tes espoirs et tes craintes ?

Il faudrait que le tribunal suive a minima ce qu’a demandé le procureur. Après un réquisitoire très bon et juste, la peine demandée est très faible : 6 mois de prison avec sursis. Alors il faudrait au moins que le tribunal suive le procureur. Et j’espère même que ça sera plus. Tous « mes soutiens » espéraient plus ! Je suis ambivalente, dans le sens où je me demande si la justice serait vraiment rendue. La peine demandée est faible, est-ce qu’elle va être au moins suivie par le tribunal ? Si c’est oui, faudra t-il s’en contenter ? Mais ça peut être non. Justice va-t-elle être faite ?

Propos recueillis par Raphaël Pradeau

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