L’affaiblissement des gains de productivité du travail depuis plusieurs décennies a affecté les marges des entreprises, dans les pays dits développés ou émergents. Face à cette situation, les entreprises peuvent faire le choix d’augmenter leurs prix pour augmenter leurs taux de marge. Elles le font quand elles sont sûres de ne pas perdre des parts de marché et que leurs concurrentes font de même.
C’est exactement ce qui s’est produit courant 2021 : les firmes, au sein de certains secteurs comme l’alimentation, l’énergie, etc., ont réussi à s’entendre implicitement entre elles sur une augmentation de leurs prix. Cela s’est fait aux dépens des salaires réels qui ont baissé dans la valeur ajoutée brute des entreprises. Cette baisse remonte aux années 1980 et au tournant néolibéral : aujourd’hui la part des salaires est inférieure de 4 à 5 points de pourcentage par rapport à son niveau de la période pré-néolibérale alors que les profits des sociétés du CAC40 affichent des profits records1. La crise sanitaire, économique, sociale et écologique a augmenté la dégradation de la condition salariale et les remises en cause des droits des travailleurs (retraite, protection sociale, services publics).
Dans une situation où la croissance est très faible et l’inflation forte, les hausses successives des taux des banques centrales ne résoudront pas le problème. Les superprofits des entreprises sont en priorité transformés en dividendes et rachats de leurs propres actions pour satisfaire les actionnaires plutôt qu’en investissements. Il est grand temps de mettre les politiques publiques au service de la bifurcation écologique, d’augmenter le pouvoir d’achat des salaires et des retraites faibles, de les indexer sur l’inflation, et de revaloriser les métiers et d’augmenter les salaires dans les secteurs à prédominance féminine pour promouvoir l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.
Esther Jeffers