Entretien - David Dufresne : « Twitch est une zone autonome temporaire »

lundi 25 juillet 2022, par Attac France

Ancien journaliste devenu auteur, réalisateur du film « Un pays qui se tient sage », David Dufresne touche à tous les nouveaux formats. Le dernier en date : Twitch, où il tient une émission deux fois par semaine, intitulée « Au Poste ». Quel est l’intérêt de cette nouvelle plateforme ? Entretien.

Cet entretien est le premier texte d’une série estivale, « les invités d’Attac ». Elle reprend des interviews et présentation de mouvements parus dans notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible en adhérant ou en s’abonnant.

Qu’est-ce que cette plateforme appelée Twitch ?

Twitch, au départ, c’est un lieu d’insomniaques, de joueurs de jeux vidéo. C’est une plateforme qui a été créée par et pour des joueurs, qui vont jouer en direct et qui vont être encouragés ou commentés par des spectateurs. Cette plateforme a été rachetée par Amazon en 2014.

Twitch est proche de YouTube Live : c’est une multiplication de chaînes audiovisuelles. La plateforme a beaucoup grossi, au point qu’aujourd’hui, on trouve des émissions de jeux vidéos, mais aussi plein d’autres choses. Il y a notamment un canal qui s’appelle discussion, dans lequel on va trouver un certain nombre d’émissions de société, politiques, etc.

En France, on a notamment vu des journalistes arriver sur cette plateforme récemment. Le plus connu, c’est Samuel Etienne qui fait une revue de presse tout à fait convenable sur Twitch.

Quel est l’intérêt de Twitch ?

L’immense intérêt de Twitch, de mon point de vue, c’est qu’il y a un côté à la fois parole libérée qui rappelle les radios libres des années 1980, ou encore le début du Web du milieu des années 1990 avec l’interaction, c’est-à-dire le tchat. C’est extrêmement important de mon point de vue : il y a une interaction entre celui ou celle qui présente, éventuellement les invités et le tchat, les gens qui posent des questions, qui commentent, etc.

C’est ça la grande force de Twitch, plus encore que Youtube, parce que Twitch permet de modérer de manière beaucoup plus intéressante les échanges, on peut mettre des liens, on peut faire tout un tas de choses. Quand c’est réussi, ça crée une intelligence collective.

Qui s’empare de cet espace de discussion ?

C’est plutôt la gauche radicale et peut-être l’extrême droite, bien que je ne regarde pas trop de ce côté. Pourquoi ? Parce que cette parole-là est complètement oubliée des médias dominants et il faut bien qu’elle s’exprime. Donc elle s’exprime ailleurs : sur les réseaux sociaux, sur Twitch.

J’ai toujours été passionné par les nouveaux modes d’expression, donc, dès qu’il y a des espaces qui s’ouvrent, j’essaie de comprendre comment ils fonctionnent et ma façon de le faire, c’est de l’expérimenter plutôt que de l’analyser. Twitch permet à la fois de défricher et d’avoir une parole qui n’est pas corsetée.

Twitch peut-il prendre de l’ampleur dans le débat public ?

Non, on est plutôt sur des lignes de discussion qui s’ouvrent, dans quelque chose qui est de l’ordre du défrichage. En ce qui concerne les émissions sociales ou politiques, on parle de centaines ou de milliers de gens, c’est peu.

Cependant, une émission suivie par 1 000 ou 2 000 personnes, c’est plus qu’un amphi, c’est parfois plus qu’un meeting. Et c’est un public qui est très concentré et concerné. On s’adresse à des gens qui sont capables d’écouter des émissions d’une heure, deux heures, qui sont capables d’interagir, d’apporter leur expérience, leur savoir faire.

D’une certaine manière, je dirais qu’il faut faire attention parce qu’il y a un seuil critique au-delà duquel on passe à autre chose. On passe dans une autre logique que celle-ci. Pour moi, Twitch constitue un peu ce que l’auteur Hakim Bey avait appelé les « zones autonomes temporaires ». Ça durera le temps que ça durera, ce n’est pas forcément un mouvement de foule, mais il y a l’idée de renouveler le militantisme, les actions.

Quel est votre objectif avec votre émission « Au Poste » ?

C’est de continuer la discussion, le débat, sur des questions qui me sont chères : les libertés publiques, les libertés fondamentales, les libertés individuelles et par extension, c’est un peu une vision des choses.

Je m’appuie beaucoup sur le travail de gens qui écrivent des bouquins, parce que le fait que des gens passent des mois, voire des années, sur un sujet, ça vaut le coup de s’y attarder. Donc, l’émission aborde les questions policières et judiciaires autour de la liberté, autour de l’engagement, etc.

Elle est plutôt, en règle générale, de bonne humeur. Parce qu’en fait, on est content de s’y retrouver, et aussi parce que c’est moins dur d’assister au désastre collectivement que tout seul.

Propos recueillis par A.L.

P.-S.

Deux fois par semaine, retrouvez David Dufresne en direct sur sa chaine Twitch : https://www.twitch.tv/davduf

Crédit photos : capture d’écran de l’émission A l’affiche sur France 24 (2 oct. 2020)

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