« Ecoterrorisme », comment l’État réprime les écologistes

jeudi 13 avril 2023, par Séverine Schulte

Le réchauffement climatique causé par un capitalisme devenu incontrôlable est entré dans une phase d’accélération mettant en péril les conditions de vie sur terre.

Face à l’urgence et à l’inaction coupable de l’État, les militants écologistes se rassemblent et luttent avec détermination, n’hésitant pas, dans certaines circonstances, à utiliser le sabotage. En retour, le gouvernement n’a d’autre réponse que d’amplifier la répression dans le but de décourager et punir le mouvement.

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible en adhérant ou en s’abonnant.

Lors de la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline fin octobre 2022, la présence démesurée de 1700 gendarmes et policiers pour 7000 manifestants et la répression qui a suivi ont été justifiées par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin au nom de la lutte contre l’« écoterrorisme », suscitant une vive indignation.

Qualifier des actes de terrorisme permet en effet à l’État de mettre en œuvre une procédure pénale d’exception : gardes à vue prolongées, perquisitions, techniques spéciales d’investigations, vidéosurveillance, infiltrations, etc..

Alors que le grand rassemblement international contre les mégabassines du 25 mars 2023 s’est vu interdit, le porte-parole du collectif « Bassines non merci » a été placé sous contrôle judiciaire et interdit de territoire à Sainte-Soline et à Mauzé-sur-le-Mignon, les lieux mêmes du rassemblement où près de 30 000 militants se sont réunis.

La manifestation a donné lieu à un déchaînement de violences policières : des milliers de grenades et des tirs au LBD ont causé plus de 200 blessures importantes dont 40 avec des plaies, des fractures, et deux personnes se sont retrouvées entre la vie et la mort. Le projet de dissolution des Soulèvements de la Terre a été annoncée, dans la foulée, par le gouvernement.

Cette stratégie d’intimidation et de répression sévère est calquée sur celle des États-Unis. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le FBI considère en effet que toute attaque contre des biens ayant des motivations politiques relève du terrorisme, justifiant ainsi une répression systématique.

Selon David C. Rapoport, professeur de Sciences politique, « L’écoterrorisme sera la prochaine grande vague de terrorisme à laquelle l’Amérique du Nord devra faire face. » D’où la nécessité revendiquée par l’État de renforcer et de former les forces de police. La lutte héroïque des militants écologistes d’Atlanta pour la défense de la forêt de Welaunee et contre Cop-city, futur centre d’entraînement de la police, est à cet égard une lutte cruciale.

Très récemment Eric Dénecé, directeur du centre français de recherche sur le renseignement et auteur en 2016 de L’écoterrorisme ; de la contestation à la violence, introduisait ainsi une formation donnée à l’école nationale supérieure de la police : « Nos sociétés sont impactées par un triple phénomène : la perte de repères, l’accroissement du temps libre (sic !) et l’impact du numérique. En réaction, dans un souci d’action immédiate ou par un activisme assumé, des individus s’approprient de nouvelles causes à défendre comme l’altermondialisme, l’écologie, le droit des animaux. Un des grands enjeux actuels est l’analyse psychologique des étapes menant à la radicalisation, de plus en plus rapide, qui pose un défi, auxquels les systèmes de renseignements et de sécurité doivent répondre. »

Ainsi, l’État français, au lieu de prendre en considération le bien-fondé des causes défendues par les militants écologistes pour y apporter des solutions, préfère intimider systématiquement les activistes en demandant aux RG de les espionner et de les ficher au nom de la lutte contre une supposée « radicalisation ».

En outre, depuis janvier 2022, le dispositif de Contrat d’engagement républicain (CER) votée par la majorité présidentielle dans le cadre de la loi dite « séparatisme », exige que les associations s’engagent « à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public », sous peine d’être privées de subventions. Avec le CER l’État fait peser une lourde menace financière sur les associations prônant la désobéissance civile, notamment Alternatiba, et resserre un peu plus son étau sur le mouvement écologiste.

L’État use donc d’un éventail de dispositifs qu’il reconfigure pour traquer ceux qu’il désigne à sa guise comme les « ennemis intérieurs ». Ainsi l’état d’urgence mobilisé en 2015 pour lutter contre la perpétration d’attentats terroristes, est utilisé trois semaines plus tard contre des militants écologistes dans le cadre de la COP 21, certains étant même assignés à résidence.

Comme le dit très bien Vanessa Codaccioni, historienne et politologue, spécialiste de la justice pénale, de la criminalité et de la répression, dans un article de Socialter paru en mai 2022 : « l’appareil et les institutions de répression ont toujours besoin de cibles pour continuer à exister, à travailler et donc conserver une légitimité. La désignation d’ennemis intérieurs est ensuite fort utile pour les hommes politiques au pouvoir : elle leur permet de fixer une barrière entre ce qu’il est possible de dire et de faire d’un côté, et ce qui est inacceptable de l’autre. Pour le dire plus simplement : dès l’instant que vous êtes gênant, vous êtes réprimé. Un mouvement qui n’est pas réprimé est un mouvement qui ne gêne pas le pouvoir. »

Séverine Schulte

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