Cette pétition interpellait les décideurs politiques européens afin d’exiger 1/ de mettre fin aux dispositifs de justice parallèle permettant aux multinationales de poursuivre les États (ISDS, ICS, etc.) ; 2/ d’inscrire dans le droit européen des obligations contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement ; 3/ de soutenir les négociations en vue de l’adoption au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU) d’un traité allant en ce sens.
Le travail d’interpellation et de plaidoyer mené tout au long de l’année a permis d’obtenir des engagements écrits qui seront sans doute utiles dans le futur. Ainsi le désormais commissaire européen au Green New Deal [2] et à la lutte contre le changement climatique Frans Timmermans (également numéro 2 de la Commission), a dit qu’on pouvait « compter sur lui » pour la mise en œuvre des exigences de cette campagne. En France, 56 eurodéputé·e·s ont pris des engagements en la matière [3]. Par ailleurs, cette campagne a été l’occasion de faire travailler conjointement des organisations et réseaux qui n’avaient pas l’habitude de le faire. D’un côté, se trouvent les groupes engagés depuis des années contre les accords de commerce et d’investissement ; de l’autre, des organisations qui bataillent pour un renforcement des dispositions régulant l’activité des multinationales. Entre ces deux pôles, quelques organisations, dont Attac ou les Amis de la Terre, essaient de tenir les deux bouts. Espérons qu’elles seront désormais plus nombreuses à le faire afin d’accroître la sensibilisation de l’opinion sur le caractère nocif des tribunaux d’arbitrage et de l’impunité dont jouissent les multinationales.
Au-delà du travail de plaidoyer, cette campagne visait également à faire grimper et rendre visible la colère sociale contre les multinationales, qui sont les grandes gagnantes de la mondialisation et des politiques de libéralisation. Il existe des causes structurelles auxquelles il faut s’attaquer : l’évasion fiscale, par exemple, n’est pas le résultat de quelques brebis galeuses qu’il faudrait remettre dans le droit chemin, tout comme les seuls comportements individuels ne sont pas suffisants (bien que nécessaires) face à la crise écologique. En s’appuyant sur des exemples précis illustrant le caractère insoutenable des activités des multinationales, Attac France s’est impliqué dans cette campagne pour dénoncer les décideurs politiques qui leur déroulent le tapis rouge et pour faire des propositions de régulations contraignantes. Les dizaines d’actions organisées pour mettre « hors service » Amazon, BNP Paribas et Total les 12 et 13 octobre [4] et contre Amazon et son monde à l’occasion du Black Friday les 29 et 30 novembre [5] ont permis de mettre à l’index conjointement l’irresponsabilité des gouvernements et celle des multinationales face à la crise écologique, sociale et fiscale.
Cette campagne visait également à faire grimper et rendre visible la colère sociale contre les multinationales, qui sont les grandes gagnantes de la mondialisation et des politiques de libéralisation.
Vingt ans après la « bataille de Seattle » qui avait conduit écologistes et syndicalistes à bloquer le sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et à donner une visibilité médiatique internationale à ce qui allait devenir le mouvement altermondialiste [6], les aspirations collectives visant à « reprendre le contrôle » sur les sphères économiques et politiques sont toujours aussi fortes. La question du démantèlement publiquement organisé de certaines multinationales, à commencer par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), est désormais ouvertement posée aux États-Unis. Sans doute est-il donc de la responsabilité du mouvement altermondialiste, et notamment d’Attac, de s’appuyer sur une opinion publique toujours plus convaincue de la nécessité de désarmer le pouvoir de nuisance des multinationales pour qu’un souffle nouveau et une nouvelle espérance voient le jour.