Cour suprême : des attaques historiques contre les droits des Américain·es

vendredi 14 octobre 2022, par Esther Jeffers

Ces derniers mois, la Cour suprême des États-Unis a statué sur plusieurs dossiers importants et pris des décisions graves pour les droits fondamentaux. Il semble peu probable que le bloc extrêmement conservateur et réactionnaire de la Cour s’arrête sur sa lancée.

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible en adhérant ou en s’abonnant.

Vendredi 24 juin 2022, en rendant l’arrêt Dobbs vs Jackson Women’s Health Organization, la Cour suprême a invalidé l’arrêt historique Roe vs Wade qui reconnaissait l’interruption volontaire de grossesse comme un droit protégé par la Constitution américaine. Au même moment, elle a consacré le droit de porter une arme en public. Le 30 juin, elle a rendu une décision visant à limiter les prérogatives de l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA) et à limiter les moyens de l’État fédéral de lutter contre les gaz à effet de serre.

La Cour comprend huit juges et un président, nommés à vie par le Président des États-Unis après avis du Sénat. Elle décide si les lois des États-Unis ou celles des différents États sont conformes à la Constitution, dont elle est l’interprète ultime. Ses jugements sont sans appel. Depuis 1790, date à laquelle la Cour suprême des États-Unis s’est réunie pour la première fois, elle a statué sur des dizaines de milliers de controverses juridiques et ses décisions ont toujours eu un impact important sur la société américaine.

Ainsi, durant la période 1953-1973, la Cour suprême a pris des positions qui ont eu des effets cruciaux. En 1954, dans Brown vs Board of Education, les juges de la Cour suprême ont statué à l’unanimité que les écoles à ségrégation raciale étaient inconstitutionnelles. En 1962, en rendant l’arrêt Engel vs Vitale, la Cour suprême a établi que les écoles publiques ne peuvent pas avoir des prières pour les élèves. En 1971, dans sa décision New York Times vs États-Unis, elle a élargi la liberté de la presse et permis au New York Times et au Washington Post de publier les Pentagon Papers, un rapport du gouvernement américain sur l’implication des États-Unis dans la guerre du Vietnam. Enfin, Roe vs Wade (1973) est la décision de la Cour suprême qui a donné aux femmes à travers les États-Unis le droit d’avoir un avortement au cours du premier trimestre de la grossesse.

Si ces exemples illustrent l’importance des décisions de la Cour suprême, il ne faut pas se tromper. Ces droits et ces acquis sont le reflet de la lutte pour les droits civiques, les mobilisations contre la guerre du Vietnam, les mobilisations des femmes pour le droit à l’avortement et à la contraception. Ce sont les luttes et les mobilisations qui ont permis de changer la vie de millions d’Américain·es.

Aujourd’hui, la Cour suprême est entre les mains d’une majorité conservatrice, réactionnaire et religieuse, qui ne représente pas les convictions de la majorité des citoyens. En prenant la décision d’invalider l’arrêt Roe vs Wade, elle a démontré qu’elle n’était pas une garante des droits des femmes. Ce n’est pas la première fois que son présumé rôle de « protectrice des droits » est mis à mal et que l’étendue du pouvoir de juges, nommés à vie par des présidents et nullement élus, pose la question de la démocratie aux États-Unis.

D’ores et déjà, une dizaine d’États ont voté d’interdire l’avortement, parfois sans exception même en cas d’inceste, de viol ou de danger pour la santé de la mère. Au total, l’avortement risque d’être interdit ou fortement restreint dans 21 États sur 50. En revanche, dans une vingtaine d’États, le droit à l’avortement restera protégé. Les résultats des élections de mi-mandat en novembre 2022 pourraient changer la situation et mener à des nouvelles protections, restrictions ou interdictions totales.

Il est vrai que, dans certains États, il était déjà très difficile pour une femme d’interrompre une grossesse non désirée. Le nombre de cliniques pratiquant des avortements était déjà très insuffisant. Une grande partie de l’Amérique rurale est un « désert » en termes d’avortement. Les lois anti-IVG ne se traduiront pas par une réduction ni une disparition des avortements, elles les rendront simplement plus dangereux. Les déplacements et l’intervention étant coûteux, le retour aux pratiques clandestines est inévitable. Les conséquences sur la santé des femmes sont graves. Elles sont encore plus désastreuses sur les femmes issues de minorités. Dans le Mississipi, qui est l’État le plus pauvre du pays, 38 % de la population est noire mais 75 % des avortements concernent des Afro-Américaines.

La grande leçon est que le droit des femmes à l’avortement et à la contraception n’est jamais un droit définitivement acquis, il faut se battre pour le préserver. Mais cela est vrai pour tous les droits fondamentaux, qu’ils soient sociaux ou environnementaux. Seule la lutte et la mobilisation permettent de les préserver et de les étendre. Le combat continue…

Esther Jeffers

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