Bluewashing 3.0 : le Forum économique mondial de Davos capture l’ONU, et personne ne s’en aperçoit

lundi 20 janvier 2020, par Oliver Classen

L’été dernier, l’Organisation des Nations unies (ONU) a conclu discrètement un vaste partenariat avec la plus grande organisation de lobbying au monde : le Forum économique mondial (WEF pour World Economic Forum). La société civile monte désormais au créneau contre cet accord qui entérine la primauté de l’économie sur la politique et dépouille l’ONU de son rôle de garante internationale du respect des droits humains.

Pour le 50e anniversaire du WEF, Klaus Schwab [1] a offert à son bébé le plus beau cadeau qui soit. Un rêve de longue date devient réalité pour le fondateur du WEF : le 13 juin dernier, le WEF et l’ONU ont signé un « cadre de partenariat stratégique », qui vient miner encore la légitimité et l’autorité de l’instance internationale, déjà mise à mal par MM. Trump et consorts, et offre aux multinationales une influence directe sur de nombreuses commissions et programmes. Fait presque aussi scandaleux que ce putsch du secteur privé contre le multilatéralisme étatique, celui-ci a été orchestré à l’écart des regards du public : aucun grand média n’a encore analysé le contenu et les conséquences de ce document qui, fait révélateur, n’est disponible que sur le site web du WEF... Les quatre pages du « protocole d’accord » semblent susciter un tel inconfort que le service de presse de l’ONU s’est contenté de publier une photo de la cérémonie de signature à New York.

En route vers une ONU de type « public-privé »…

Le quatrième pouvoir a ignoré ici un moment historique de la « corporate capture », entendez l’intrusion systématique d’acteurs économiques dans les institutions politiques, et ses conséquences toujours plus grotesques. Dans cette dangereuse redistribution des pouvoirs, le club de Davos joue depuis longtemps un rôle moteur. Avec sa « Global Redesign Initiative », le WEF a déjà posé, il y a dix ans, la pierre angulaire de l’accord récemment signé. Ce document de 600 (!) pages présentait un nouveau modèle de gouvernance basé sur des processus dits multipartites, ne se souciant guère d’une quelconque légitimation démocratique et garantissant aux entreprises un rôle déterminant, voire prépondérant. Le spectre d’une ONU de type « public-privé » semble désormais se matérialiser, pas à pas, par cet accord de coopération qui couvre l’ensemble des questions sociopolitiques actuelles, du changement climatique à la numérisation, en passant par la santé et l’égalité hommes-femmes.
Public Eye critiquait déjà le « blanchiment d’image » [2] des multinationales à travers les institutions internationales après l’annonce – à Davos, évidemment – par l’ancien secrétaire général de l’ONU du « Pacte mondial ». Ce tigre de papier sert encore aujourd’hui de voile de pudeur pour les multinationales et a grandement entaché la crédibilité de l’ONU.

… et personne ne s’y intéresse ?

Antonio Guterres, qui pose aujourd’hui aux côtés de Schwab dans le New Yorker, est à nouveau confronté à cette question. Et même officiellement, dans une lettre de protestation [3], par laquelle plusieurs centaines d’ONG demandent au secrétaire général de l’ONU de mettre un terme, immédiatement et sans condition, à l’alliance fatale « avec des acteurs dont les activités alimentent – ou ont même contribué à créer – la crise existentielle que traverse notre planète ». Sans l’attention du public, cet appel pourrait aisément rester sans réponse.

Oliver Classen, porte-parole de l’association Public Eye

Présentation de Public Eye

Depuis cinquante ans, l’association Public Eye (anciennement « Déclaration de Berne ») porte un regard critique sur l’impact de la Suisse et de ses entreprises sur les pays pauvres et propose des mesures concrètes pour y remédier.
Cette organisation est née en 1968, suite à la publication de la « Déclaration de Berne », texte programmatique demandant au Conseil fédéral suisse de s’engager pour garantir des relations plus équitables entre la Suisse et les pays pauvres. Les 1 000 premiers signataires s’engageaient notamment à consacrer 3 % de leur revenu à la coopération au développement, tout en demandant au Conseil fédéral d’en faire autant. De ce mouvement est né la première ONG de développement indépendante de Suisse, « la DB », rebaptisée « Public Eye » en 2016.
Aujourd’hui, grâce à un important travail d’enquête, de plaidoyer et de campagne, Public Eye dénonce les injustices et les violations des droits humains qui trouvent leur origine en Suisse, notamment du fait des entreprises multinationales qui y sont basées. Public Eye compte aujourd’hui 25 000 membres.

https://www.publiceye.ch

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