Les deux mouvements contre le CPE et contre la LRU ont été emblématiques de la condition étudiante et de sa précarisation, même si apparemment tout semblait les opposer : le premier fut une révolte de la jeunesse étudiante et lycéenne, suivie rapidement par le reste de la population, contre un contrat institutionnalisant la précarité sur le marché du travail. Cette révolte, par son ampleur et sa durée, aboutit au retrait du projet. Le second dénonçait les réformes introduites dans la gestion des universités et dans le contenu des savoirs délivrés ; mais il fut largement perçu par l’opinion publique comme un mouvement de privilégiés, et souffrit d’un décalage temporel funeste entre la mobilisation des étudiants en 2007-2008 et celle des enseignants-chercheurs en 2009, le tout aboutissant à un échec cuisant.
I- Le néolibéralisme à l’assaut de l’université et de la recherche
Pourtant, les deux mouvements sont reliés par une commune prise de conscience : celle de l’extension de la logique néolibérale à toutes les sphères de la société, qu’elle vise à faire tomber des protections encore existantes sur le marché du travail, ou qu’elle s’en prenne à l’accès au savoir. Dans les deux cas, il s’agit bien en effet pour le capital de mettre en œuvre une partition sur le marché du travail, entre une minorité de plus en plus étroite de travailleurs intellectuels hautement qualifiés et bien payés, et la masse du « précariat » ou « cognitariat », constitué des autres travailleurs intellectuels, ramenés, quel que soit leur niveau d’études, à une condition d’extrême précarité et, de plus, de soumission totale aux desiderata des firmes.
Les effets ravageurs de la LRU – qu’une fois arrivé au pouvoir François Hollande a conservée – se font maintenant pleinement sentir dans toutes les universités : en échange d’une certaine autonomie de gestion, celles-ci subissent des coupes budgétaires historiques, et doivent, avec moins d’emplois, dégager un équilibre budgétaire sinon des marges de rentabilité, relever les frais d’inscription, chercher des financements auprès des entreprises, notamment multinationales. Il en résulte une importante dégradation des moyens de fonctionnement de l’université et une précarisation sans précédent des enseignants. Du côté de la recherche, il en va de même, avec des réductions considérables des budgets publics, des fusions et regroupements forcés de laboratoires, une remise en cause de la liberté et de l’autonomie de la recherche publique, la menace de disparition de disciplines entières…
Ainsi voit-on de plus en plus clairement se dégager la logique qui prime dans ces réformes faites au nom de l’austérité, mais aussi de façon trompeuse au nom de l’excellence. C’est toute une conception d’un bien public commun, gratuit et ouvert à tous, répondant à l’intérêt général, le savoir, qui se voit reniée et remplacée par une optique marchande : le savoir doit devenir source de profit, s’acheter pour son acquisition, et se vendre au plus offrant une fois constitué. C’est une logique de soumission de la connaissance à une compétition internationale forcenée répondant aux diktats d’un capitalisme financiarisé, et donc de privatisation plus ou moins rapide de la recherche et du savoir, mis au service du capital.
Du mouvement contre le CPE en 2006 aux mouvements contre la LRU en 2007 et 2008
Le mouvement contre le CPE est parti de quelques militants étudiants assez isolés au début, mais, une fois lancé, il a rapidement pris de l’ampleur. Le caractère explicitement discriminatoire du CPE – un contrat précaire caractérisé par la longueur, de deux ans, de la période d’essai pour les jeunes de moins de 25 ans – est apparu largement aux yeux de la population comme une atteinte non seulement à la jeunesse, ainsi vouée à la précarité, mais comme une atteinte plus large au socle du droit du travail. Ainsi, de manifestation en manifestation, la mobilisation n’a cessé de s’élargir à des couches de plus en plus larges de la population, jusqu’au retrait, dans la confusion [1], du CPE par le gouvernement de Villepin. Certes, la précarité n’en continuait pas moins, mais il s’agissait de la première victoire remportée par un mouvement social depuis longtemps.
Lorsque, à peine élu président de la République, Nicolas Sarkozy fit adopter, en plein été 2007, la LRU, cette attaque majeure contre l’université publique, libre et gratuite passa pratiquement inaperçue. En effet, la loi était d’une extrême généralité linguistique, elle fixait des cadres, des principes, apparemment consensuels, de bonne gouvernance, d’évaluation de l’enseignement prodigué, de compétitivité européenne et internationale, et de mobilité internationale. Dès lors, cette loi, qui donnait tout pouvoir aux présidents d’université sur la gestion du personnel, ouvrait l’université au contrôle des entreprises privées, instaurait inégalités et concurrence entre universités, fut dans l’ensemble assez bien accueillie par les professeurs et directeurs de recherche, au nom de l’efficacité et de la compétitivité internationale et d’une autonomie annoncée.
Ainsi, à l’automne 2007, lorsque la minorité agissante et politisée des étudiants déclencha un mouvement contre la LRU, ils eurent un grand mal à en expliquer les dangers à leurs camarades, et se heurtèrent à l’opposition et aux sanctions des enseignants-chercheurs. Pourtant, ils s’appuyaient sur l’expérience et les réseaux constitués dans la lutte contre le CPE, ce qui leur permit de livrer rapidement une analyse solide de la loi et de ses conséquences prévisibles [2]. Le mouvement, avec occupations et blocages d’universités assez largement en France, a tenu plusieurs semaines, réussissant une jonction avec la grève des cheminots à l’automne 2007. Malheureusement, il n’a réussi à entraîner ni les enseignants – sauf une minorité –, ni les salariés, et n’a pu se coordonner avec un mouvement lycéen décalé dans le temps, car surtout actif au printemps et à la rentrée 2008. À cela s’est ajoutée la fracture au sein de la jeunesse entre les étudiants, perçus à tort comme des privilégiés, et la jeunesse des classes populaires, non présente à l’université et donc peu concernée par son avenir, et, de plus, frappée de plein fouet par la précarité et le chômage. Aussi, notamment avec la fin de la grève des cheminots, le mouvement anti-LRU a donné des signes de faiblesse avant Noël 2007, pour s’éteindre au premier trimestre 2009, faute de relais.
La grève historique des chercheurs début 2009
Début 2009, lorsque paraissent les décrets d’application de la LRU, notamment le décret de réforme du statut des enseignants-chercheurs, celui de la mastérisation réformant la formation des enseignants et le décret sur le contrat doctoral, les enseignants et chercheurs prennent conscience des dangers de ces décrets et se lancent dans un mouvement de résistance sans précédent par son ampleur, sa radicalité et sa durée.
Comme le rappelle Bernard Paulré, professeur à Paris I, « Le mouvement des enseignants contre la LRU s’est déclenché très rapidement dès décembre, une fois connus les décrets d’application, et bien que disparate dans sa composition, il fut très rassembleur, car il y a eu un tollé contre l’idée de modulation des heures de cours et de recherche, contre l’évaluation systématique et quantitative, contre l’assujettissement des carrières à la politique de l’université dont le président déciderait seul. Lors de la première Coordination nationale des universités le 2 février 2009, dans une Sorbonne pleine à craquer, est votée la grève totale et illimitée jusqu’au retrait des trois décrets – et ceci malgré de vifs débats entre ceux, dont une majorité d’étudiants, qui veulent tout de suite demander l’abrogation de la LRU, considérant que les trois décrets incriminés en sont la traduction directe, et ceux – notamment les enseignants de droit et d’économie – qui veulent se contenter de demander l’abrogation des décrets. Jean-Louis Fournel, de « Sauvons l’université », propose une caisse de grève pour les IATOSS qui seront beaucoup plus facilement pénalisés s’ils font grève, demande de prendre position sur la recherche et le contrat doctoral, et appelle à trouver des formes d’action originales pour éviter la grève classique.
De fait, le mouvement aura une inventivité remarquable : cours donnés en plein air dans la rue, sur des places publiques, boycott des expertises, retenue des maquettes de mastérisation et des notes, coordinations locales interprofessionnelles, etc. Bien que les enseignants en grève aient eu quelques difficultés à susciter la solidarité d’étudiants qu’ils avaient souvent sanctionnés en 2007-2008 lors de leur premier mouvement, des étudiants ont à nouveau occupé et bloqué les universités, rejoints par les doctorants et, pour la première fois, par les personnels BIATOSS (administratifs et techniciens), restés jusque-là à l’écart des mouvements précédents, et dont l’emploi devenait beaucoup plus précaire avec la réforme. Malheureusement, ces derniers furent peu soutenus par le reste de la communauté universitaire, et les jonctions concrètes dans la lutte entre enseignants-chercheurs, étudiants et personnels sont restées insuffisantes.
Trois mois après le démarrage de la grève des enseignants-chercheurs, début février, le gouvernement, jouant sur l’angoisse des étudiants à l’approche des examens, n’avait toujours rien lâché, mis à part quelques leurres. Les médias, sauf exception, n’informèrent pas des motifs profonds du mouvement, à savoir la menace portée contre l’université publique et indépendante des pouvoirs et des entreprises. Une large part de la population y a vu un combat corporatiste et professionnel, et n’a pas saisi que la LRU remettait en cause un bien commun, l’accès de tous à l’université et au savoir, et l’indépendance de l’université par rapport aux puissances économiques dominantes. Au final, le mouvement, se heurtant à un refus total de toute concession par le gouvernement, en fut réduit à annoncer une poursuite de la mobilisation à la rentrée.
Malgré ce relatif échec, la prise de conscience des enseignants et chercheurs a été, elle, sans précédent et extrêmement massive. Écoutons Isabelle This-Saint-Jean, présidente de « Sauvons la recherche », début mai 2009 : « Nous sommes dans un moment historique, où il faut mettre un coup d’arrêt aux réformes engagées à l’université et dans la recherche. Nous avions élaboré, depuis nos États généraux de la recherche en 2004, des propositions alternatives crédibles. Nous sommes face à un gouvernement très libéral qui met en place toutes les structures pour un pilotage très étroit de la recherche par le pouvoir politique, avec une recherche qui ne serait plus décidée par les membres élus de la communauté scientifique, mais par des personnalités extérieures nommées par le gouvernement. À cela s’ajoutent la disparition programmée du CNRS, la création de deux agences, l’ANR et l’AERES, l’effondrement des crédits récurrents à la recherche, avec, dès le budget 2008-2009, la suppression de 900 postes dans notre secteur : une véritable provocation, au moment où les universités ont des besoins croissants, et où les jeunes se détournent de la recherche du fait de l’accumulation de postes précaires qu’on leur propose. En France, les docteurs ne trouvent pas de débouchés dans la recherche privée, incapable de prendre le relais de la recherche publique. Rien n’est fait pour inciter les entreprises à recruter des jeunes docteurs. Le mouvement actuel est la continuation d’une mobilisation construite dès 2004 avec le mouvement de la recherche en 2003-2004. »
II- En toile de fond, la généralisation de la précarité et le non-accès libre au savoir
La toile de fond de ces mobilisations et révoltes étudiantes est la montée de la précarité et son institutionnalisation pour les jeunes générations arrivant sur le marché du travail à partir des années 1980-90, d’une part, et le revirement opéré dans nos démocraties néolibérales sur la conception du savoir et le rôle qui lui est attribué, d’autre part. Le diplôme, même s’il reste un marqueur des différenciations sociales, ne protège plus contre le chômage, la précarité, la déqualification. Les jeunes générations ressentent vivement le déclassement qui les menace par rapport à la situation de leurs parents : bien que plus diplômés, un grand nombre de trentenaires et de quarantenaires se retrouvent dans l’incapacité de maintenir la position sociale de leurs parents. Ainsi, comme le souligne Camille Peugny [3], en 2003, 25 % se trouvaient déclassés, contre 18 % en 1983. La massification scolaire et universitaire a entraîné une dévalorisation des diplômes et un accès plus sélectif à l’emploi qualifié [4], tandis que la probabilité d’accéder à un emploi stable diminue fortement : entre 1983 et 2008, la part des jeunes sortis de l’école depuis moins de cinq ans en CDI passe de 58 % à 49 %, tandis que celle des titulaires d’un contrat précaire passe de 12 % à 30 %. Depuis, ces tendances n’ont fait que s’aggraver.
Au même rythme que la démocratisation scolaire, s’est opérée et renforcée une partition entre l’université et les grandes écoles, et le déplacement des inégalités à des niveaux plus élevés de scolarité : au barrage que constituait le baccalauréat s’est substituée, pour les jeunes les moins dotés socialement, une « élimination différée », selon l’expression alors utilisée à propos du secondaire par F. Oeuvrard [5]. Ainsi, si le taux d’élèves arrivant au baccalauréat a beaucoup progressé, grâce à la création des baccalauréats technologiques et professionnels, le pourcentage d’enfants d’ouvriers obtenant un bac d’enseignement général, de 11 % dans les années 1960, n’est passé qu’à 22 % (contre 72 % pour les enfants des classes supérieures) et ils ne sont que 4 % des étudiants en doctorat [6].
Enfin, les universités françaises sont le parent pauvre de l’Éducation nationale, avec une dépense publique de 6 800 euros par étudiant, contre 9 000 en moyenne dans les autres pays de l’OCDE, comme le note encore Romuald Bodin : « en 2003, un étudiant coûtait en France 7 890 euros à l’État, contre 8 546 en Allemagne, 8 746 au Royaume-Uni, 9 909 aux Pays-Bas, 10 330 au Danemark et 11 847 en Suède. »
Face à ces transformations, à l’aigu besoin de renouvellement de la pensée et des perspectives d’émancipation, les forces traditionnelles de gauche ont plus qu’un train de retard, figées dans une vision passéiste, ou au contraire, pour leurs fractions modernisées et social-libérales, prêtes à accepter toutes les réformes de régression au nom de la nécessaire modernisation et adaptation à une économie mondialisée de concurrence généralisée de tous contre tous. Si l’ensemble des partis politiques de gauche et d’extrême gauche ont dénoncé le CPE et participé à la mobilisation en 2005, ce ne fut pas le cas lors du mouvement étudiant contre la LRU, qui s’est retrouvé isolé par l’acceptation de cette réforme par le Parti socialiste et sa courroie de transmission en milieu étudiant, l’UNEF.
De nouvelles luttes se développent contre la précarité
Comme l’explique très bien Christopher Newfield dans le n° 39 de la revue Multitude, « le problème des industries de la connaissance n’est donc pas de savoir comment lever des armées de travailleurs de la connaissance. Bien au contraire, il consiste à savoir comment limiter leur nombre et contrôler leur production. […] Cela passe par une forme de tri qui est apparu dans les années 1990, en même temps qu’un grand nombre d’étudiants qui avaient grandi avec des ordinateurs arrivaient sur le marché de l’emploi, avec des goûts et des compétences parfaitement en phase avec les besoins des industries liées à la construction et au développement de l’Internet ». Ce tri, appelé knowledge management, distingue trois types de compétences : les compétences massifiées, dont les possesseurs sont interchangeables ; les compétences « leviérables », qui exigent une éducation supérieure et qui apportent une valeur ajoutée évidente à l’entreprise, mais dont l’offre est cependant relativement abondante ; et, enfin, les compétences appropriables de manière exclusive par la firme. Selon le knowledge management, il ne faut véritablement cultiver que ces dernières, et il faut éliminer la seconde catégorie ou en réduire drastiquement les coûts.
Dans le même numéro, Davy Cottet, Jon Bernat Zubiri-Rey et Patrick Sauvel montrent le lien entre l’émergence du cognitariat et les réformes universitaires, en France comme dans les autres pays : « Les tendances globales du capitalisme après la reconversion industrielle des années 1980 ont porté l’information et la connaissance au centre des rapports de production de la nouvelle économie. […] Dans ce contexte, la conception de l’université comme espace relativement autonome de production et de transmission des savoirs rentre en décadence, pour devenir progressivement une institution potentiellement mise au cœur des modes de régulation et des rapports de production capitalistes. » On passe ainsi de l’université de masse à l’université-entreprise, dont il s’agit d’accroître la productivité. « Cela se traduit par l’introduction des logiques issues de l’ordre économique capitaliste, tant dans le fonctionnement et la composition des instances que dans les missions même des universités […] avec pour conséquence la précarisation de l’ensemble de ses acteurs. »
Cette remise en cause du statut et des rétributions des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a fait que se poursuivre depuis les mouvements étudiants et universitaires des années 2007-2009. Les CDD représentent près des trois quarts des embauches, et les « réformes » au nom de la « modernisation du marché du travail » se succèdent, du « CDD de mission » pour les cadres et ingénieurs, lancé en 2008, à la rupture conventionnelle qui permet de contourner le droit du licenciement, au doublement ou triplement des périodes d’essai, le tout étant parachevé par les lois Macron et Rebsamen, imposées par le 49.3, sans vote l’été en 2015.
La précarisation du personnel enseignant et administratif dans les universités est devenue extrême, avec des jeunes enseignants en fonction depuis la rentrée, mais ni recrutés ni payés en janvier de l’année suivante, avec des professeurs remplacés par des maîtres de conférence, ceux-ci remplacés par des PRAG (professeurs agrégés du secondaire), doctorants mis aux tâches de secrétariat sans paiement et étudiants en personnel d’appui… Ainsi les employés administratifs et techniques de Paris 8, de même que les vacataires non payés et sans contrats depuis la rentrée ont-ils fait grève du 19 janvier à mi-avril 2015, et ont obtenu une prime mensuelle unitaire pour tous par les vacataires (50 à 60 euros nets). Le même type de lutte a été mené par les vacataires dans d’autres universités, notamment à l’université de Lyon 2, où ces derniers ont obtenu le remboursement de leurs frais d’inscription et l’ouverture de discussions paritaires… Quant aux AVS (auxiliaires de vie scolaire), qui assurent des tâches importantes cette fois dans l’Éducation nationale, ils tentent de s’organiser, compte tenu de leurs conditions de travail proches de l’illégalité.
Quel est l’avenir des sciences sociales et de l’accès au savoir ?
En conclusion de leur ouvrage percutant La grande mutation ; Néo-libéralisme et éducation en Europe, paru en 2010 chez Syllepse, Isabelle Bruno, Pierre Clément et Christian Laval [7] écrivent une appréciation du mouvement de 2009 que nous partageons : « La mobilisation engagée en janvier 2009 dans les universités françaises a été sans précédent par son ampleur et sa durée. Elle n’a pourtant pas suffi à mettre un coup d’arrêt aux réformes néolibérales menées dans les secteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. On peut néanmoins lui reconnaître d’autres mérites, dont l’ouverture d’un débat public et contradictoire sur les fonctions sociales de l’université. Un autre apport de cette mobilisation a été l’introduction de la dimension européenne dans les réflexions sur les transformations actuelles et les résistances qu’elles suscitent à travers le continent. La référence à l’Europe est (enfin) devenue incontournable dans les discours militants et peut-être demain dans les travaux académiques. » Et les auteurs citent les nombreuses manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs pays européens depuis la mise en œuvre de la politique néolibérale dans l’enseignement supérieur et la recherche [8]. Cette jonction entre les luttes dans les différents pays européens est nécessaire, car la logique et les politiques appliquées à l’université et à la recherche sont étroitement coordonnées de la part des gouvernements européens et découlent toutes du Processus de Bologne. Mais les réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche se déroulent à des périodes différentes dans les différents pays, ce qui rend difficile une lutte commune.
Laissons la conclusion à Davy Cottet, Jon Bernat Zubiri-Rey et Patrick Saurel : « À travers la confrontation des intérêts propres à chacune des catégories impliquées dans les derniers mouvements, se construit peu à peu l’idée d’un intérêt commun, participant ainsi à ce que l’on pourrait définir comme l’émergence d’une conscience des travailleurs cognitifs, le cognitariat, d’où la nécessité de développer des pratiques coopératives et contre-hégémoniques qui permettront de renverser la tendance dominante du capitalisme cognitif [9] ».