Le Livre noir des banques

mercredi 8 avril 2015, par Laurence Scialom *

La lecture de cet ouvrage co-écrit par des membres d’Attac et de Basta ! est une charge sans concession sur les dérives multiples des banques que la crise n’a pas éradiquées. On a même le sentiment que certaines pathologies se sont exacerbées, comme le caractère systémique des établissements ou leurs connexions avec le shadow banking. Volontairement polémiste, militant, parfois provocant, cet ouvrage repose pourtant sur des données et analyses très sérieuses, tant académiques qu’issues de grandes institutions internationales, type FMI ou BRI, ou d’ONG comme Finance Watch, Oxfam ou Tax Justice Network. Les angles d’attaque – au plein sens du terme – sont nombreux : coûts du sauvetage des banques, pression des lobbies, dangerosité de certaines innovations financières, emprunts toxiques, trading à haute fréquence, évasion fiscale, hypertrophie et danger des marchés dérivés, conflits d’intérêt, etc.

La simple lecture des titres de parties et de chapitres donne le tournis. S’y côtoient nombre de sujets cruciaux pour la stabilité financière et porteurs d’enjeux sociétaux majeurs comme le rôle des banques dans la spéculation sur le prix des matières premières agricoles ou le rôle de la finance dans le financement – ou non – de la transition énergétique et dans la lutte contre l’appauvrissement de la biodiversité ; mais aussi des sujets moins « systémiques » comme les comportements abusifs sur les frais bancaires.

C’est justement cette accumulation d’arguments uniquement à charge, sur des questions dont les niveaux de gravité sont très différenciés, qui laisse parfois un sentiment mitigé. Devant ce réquisitoire qui attaque sur tous les fronts, le lecteur peut avoir tendance à penser : ce n’est pas possible, ils exagèrent nécessairement ! Bien que le livre soit très informatif et clair, structuré par des analyses souvent solides et accessibles au non-spécialiste, le fait qu’il ne dresse qu’un bilan totalement à charge sur le comportement des banques peut finir par nuire au propos, alors que celui-ci est souvent très pertinent et parfaitement fondé. Il aurait probablement été bienvenu d’avoir un chapitre sur « la banque autrement est possible », afin que le lecteur sache qu’une autre banque et finance coexiste avec celle que nous décrit l’ouvrage, même si elle demeure tout à fait marginale. Une finance plus éthique, plus proche des besoins économiques et sociaux et engagée sur les grands enjeux sociétaux et environnementaux de la planète, tente de se développer [1] à l’ombre des géants bancaires sur lesquels se focalise l’ouvrage.

Cette petite bouffée d’espoir n’est pas accordée au lecteur, et même la BCE, qui pourtant à certains moments de l’histoire récente a été le seul acteur palliant le manque de vision et de courage politique des États en proposant l’union bancaire et en tentant d’alléger certaines conséquences de cette crise financière majeure, n’est présentée que comme un soutien pernicieux aux banques. En bref, cet ouvrage souligne avec force les évolutions mortifères de la finance et l’incapacité du politique à tirer les leçons d’une crise qui pourtant a laissé les finances publiques exsangues et les États totalement démunis s’ils devaient de nouveau faire face à une crise financière majeure. Et on se dit en refermant le livre noir des banques que cette hypothèse est loin d’être exclue.

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