Le Capital comme économie et théorie de la société moderne

mardi 6 janvier 2015, par Jacques Bidet *

La collaboration entre philosophes et économistes me semble nécessaire pour clarifier cette part de notre héritage théorique, toujours présente dans la pensée critique, bien au-delà de ceux qui se réclament du marxisme. La question se trouve aujourd’hui publiquement posée. J’en prendrai comme symptôme un petit fait académique. Le programme de l’agrégation de philosophie comporte traditionnellement un axe majeur : l’étude de deux philosophes. Cette année, c’est Platon et… Marx, notamment le Marx du Capital, Livre 1. Du jamais vu. Un texte d’économie, livré à l’ardeur de toute une génération de jeunes philosophes. C’est dans l’air du temps : des cercles d’étude de Marx apparaissent un peu partout dans les universités. On voir ressurgir l’imbroglio des relations entre économie, sciences sociales, philosophie et politique.

Dans ce registre, diverses questions sont manifestement à l’ordre du jour parmi nous. En premier lieu, celle de l’écologie, qui mobilise entre autres une grande partie des énergies d’Attac. Elle figure désormais l’horizon de toute pensée humaine ; et ce qui vient de Marx compte dans le débat. Une seconde question, assez connexe, est identifiable comme celle de la valeur. Là aussi, Attac m’apparaît comme un foyer de réflexion, à commencer par toutes les discussions autour du PIB. Sur un plan théorique plus général, c’est la question de la relation entre richesse et valeur. Il y a là, à mes yeux, plusieurs problèmes suscités par les avancées mêmes de Marx, mais auxquels il n’a pas su trouver de réponse. Elles concernent notamment, comme on le sait, cette part du travail social qui ne se résout pas en production de marchandises en vue du profit : cela reste en dehors de son programme théorique, en rapport problématique avec ses concepts propres. Des travaux comme ceux de Jean-Marie Harribey me semblent des jalons importants sur un terrain qui n’est peut-être pas encore entièrement déblayé. Une quatrième question est celle de la mondialisation : y a-t-il des classes, des appareils d’État à l’échelle du monde ? Etc. Voir les travaux du groupe ONU d’Attac. Mais cette intervention va tourner autour d’une quatrième question : celle de la structure sociale aujourd’hui, en référence à la théorisation présentée par Marx dans Le Capital. Elle a évidemment quelque rapport avec celles qui précèdent. Elle part d’une collaboration entre un économiste et un philosophe, Gérard Duménil et moi-même,

Altermarxisme [1], paru en 2007, cherche à se réapproprier et à transformer la théorie du Capital en vue de l’interprétation du monde contemporain, notamment son analyse des classes sociales. Ce livre marque le point de départ d’un débat entre les deux auteurs, qui poursuivent leurs travaux respectifs, à la fois convergents et divergents, en fonction d’une hypothèse qui leur est commune mais s’enracine dans des disciplines différentes. Ce sont ces deux types d’usage de Marx, pris dans un cas comme économiste et dans l’autre comme théoricien de la société moderne, que le précédent article voudrait confronter.

Nous partagions une idée directrice : dans la société contemporaine, l’ordre social, économique et politique est à comprendre à partir d’une relation faite d’affrontements et d’alliances entre trois forces sociales primaires, alors désignées (provisoirement et par compromis) comme les « capitalistes », les « cadres et compétents » et les « classes populaires ». L’ancienne cohésion entre les deux premières s’est affaiblie à partir des années 1930 sous la poussée de la troisième ; et elle s’est reconstituée dans les années 1980, sous l’égide de la première, sous la forme du néolibéralisme. L’analyse marxiste traditionnelle, prépondérante dans la gauche « radicale », peine à identifier ce rapport triangulaire de classe, et tend à rester figée sur un clivage binaire entre les capitalistes et le reste de la société, vaguement retraduit dans le registre politique droite/gauche. À nos yeux, cela ne permet pas de rendre compte de la trajectoire historique en cours ni de formuler une perspective stratégique d’émancipation. Les « classes populaires », si elles veulent briser ce bloc dominant, n’ont d’autre choix que de chercher à forger entre elles une union assez puissante pour parvenir à une alliance « hégémonique » (c’est-à-dire leur permettant d’exercer une influence prépondérante) avec les « cadres et compétents » contre les capitalistes. Ce sont là des thèses à la fois socio-analytiques, historiques et stratégiques. Elles récusent une analyse politique conduite à partir de la scène politique, où se confrontent droite et gauche. Elles font apparaître que ce que l’on appelle généralement aujourd’hui « la droite » et « la gauche » correspond, pour une part du moins, à deux volets de la domination de classe, qui ne sont cependant pas mises sur le même pied – et c’est précisément la raison de « l’alliance » (hégémonique) préconisée. Elles en appellent à une analyse de classe pour fonder une politique de gauche. Une analyse théoriquement renouvelée.

Une autre convergence concerne l’usage qui peut être légitimement fait du Capital. Cette œuvre, considérée comme fondamentale pour l’interprétation de la société contemporaine, est prise dans son ensemble, même si, pour des raisons disciplinaires, l’analyse philosophique se concentre davantage sur le Livre I. On suppose naturellement qu’elle comporte du vrai et du faux, et qu’elle doit travailler avec beaucoup d’autres ressources théoriques. On n’y cherche pas une lumière immédiate. Mais plutôt un corps de concepts et une construction théorique propres à faire apparaître quelles analyses, économiques, politiques et culturelles, doivent être entreprises si l’on veut comprendre les mécanismes et tendances de la société contemporaine, les pratiques des capitalistes, celles de leurs partenaires et de leurs adversaires, les luttes de classes.

Une divergence manifeste entre eux vient de ce que, dans ces trois forces sociales primaires, l’un identifie trois classes et l’autre deux classes, la classe dominante comportant deux « pôles » distincts. Il en découle naturellement quelques conséquences. On argumentera ici, pour l’essentiel, la démarche du philosophe en la différenciant de celle de l’économiste – sans oublier que, sur cette œuvre classique, bien d’autres programmes de travail philosophique sont concevables.

Plutôt que d’aborder de front cette divergence, on considérera ici ce qui en est la cause. La thèse soutenue est qu’elle ne tient pas à ce qu’une approche serait économique et l’autre philosophique, mais à une différence d’objet théorique. On sait que, dans la préface à sa Critique de 1861, Marx présente ce qu’il appelle le « fil directeur » de sa recherche. Esquissant en quelques formules restées célèbres les éléments de son « matérialisme historique », il avance, pour l’interprétation des sociétés humaines le schème de l’édifice composé d’une « infrastructure » économique (elle-même articulation de « forces productives » et de « rapports sociaux de production ») et d’une « superstructure » politique, juridique et idéologique. Le propos, au fond n’est pas si original : il s’agit, en quelque sorte, de comprendre chaque type de société comme « phénomène social total », sous la forme d’une interrelation entre ces diverses composantes. Il suggère cependant une tension entre l’idée que c’est l’infrastructure qui porte le tout et l’idée que le juridico-politique est immanent aux « rapports sociaux de production ». Tout se passe comme si l’économiste se reconnaissait pour tâche de revisiter l’infrastructure, et le philosophe de reprendre la question de la relation entre ce que Marx désigne respectivement comme infra- et superstructure. [2]

1. Programme économique et programme philosophique

L’analyse en termes de « capito-cadrisme »

Je commencerai cependant par une esquisse, extrêmement schématique, de l’approche de Gérard Duménil (GD), qui est aussi celle de Dominique Lévy (DL), en m’inspirant du premier chapitre de leur dernier ouvrage, The Crisis of Neoliberalism.

Ils partent d’énoncés marxistes assez classiques. Les classes sociales sont des groupes sociaux qui se définissent à partir de leur position dans les rapports de production : d’un côté, les capitalistes, qui possèdent les moyens de production, et de l’autre, les prolétaires, qui produisent. Mais, ajoutent-t-ils, au XXe siècle, la « socialisation de la production » est devenue plus complexe, rendant l’économie plus instable. Face à cette situation, deux sortes d‘institutions sont apparues, notamment à la suite des grandes crises, celle de 1893 et celle de 1929. Soit, d’une part, une révolution de la propriété capitaliste : la propriété collective en sociétés par actions, les grandes banques liées à ces sociétés, le développement managérial. Et d’autre part, une révolution macroéconomique d’inspiration keynésienne qui aboutit à un contrôle central de la production. Dans ce contexte émergent deux nouveaux acteurs historiques : la finance, soit la classe capitaliste en tant qu’elle est dotée de ses institutions financières, les cadres, qui contrôlent les activités productives et financières, et indirectement l’administration centrale. Ceux-ci forment une classe intermédiaire, qui accapare une part du surplus, monopolise une éducation supérieure et se distingue par un style de vie particulier – s‘y rattachent certaines professions intellectuelles partageant plus ou moins ces privilèges. On aboutit donc à un modèle tripolaire : capitalistes, cadres et classes populaires.

Émerge ainsi un nouveau mode de production, désigné comme le « cadrisme », qui manifeste le caractère parasitaire de la classe capitaliste, et que l’on retrouve sous divers régimes, démocratiques ou dictatoriaux, notamment sous la forme du socialisme bureaucratique. Les sociétés contemporaines relèvent d’un « capito-cadrisme », en transition vers un « cadrisme » (leur dernier ouvrage propose de nouvelles analyses en ce sens, soulignant l’emprise croissante des cadres sur l’économie mondiale dans la période néolibérale). La marche vers le socialisme suppose un compromis entre les cadres et les classes populaires, visant à éliminer d’abord la propriété capitaliste, et une radicalisation de la démocratie. Elle passe donc par ce que GD et DL appellent un nouvel « ordre social », c’est-à-dire par une nouvelle relation de pouvoir entre les trois forces sociales. Cette notion renvoie à une phase d’une durée de quelques décennies, brève au regard de l‘histoire multiséculaire du mode de production capitaliste. Plus précisément, le capito-cadrisme a connu trois ordres sociaux successifs, séparés par quatre crises structurelles (1893, 1929, 1970, 2007), liées les unes (1893, 1970) à une baisse du taux de profit, les autres (1929, 2007) à un cataclysme au sein du système financier, mais toujours aussi aux luttes populaires contre la classe capitaliste, dans le contexte de relations mouvantes entre les trois forces sociales en présence. Le premier, 1893-1929, conjugue hégémonie de la finance et compromis entre cadres privés et publics. Le second, 1930-70, voit la montée de l’alliance entre les cadres et les classes populaires, et l’affaiblissement des revenus et pouvoirs capitalistes. Le troisième (1970…), accentué par l’échec de l’expérience soviétique, repose sur une alliance entre cadres et capitalistes sous l’hégémonie de la finance. C’est là l’ordre néolibéral, marqué par la dérégulation, l’ouverture des frontières aux mouvements du capital, la dégradation de la protection sociale et de la condition des travailleurs, etc. Il réitère le type d’hégémonie expérimenté en 1893. On notera que cette analyse diffère de celle proposée par la théorie de la régulation : elle insiste sur l’existence d’une tendance historiquement orientée (montée des cadres), elle conteste le rôle prévalent accordé à la distorsion entre salaire et productivité dans l’analyse des crises.

Au total, on passe ainsi d’un schème binaire (capitalistes/prolétaires) à un schème ternaire (capitalistes/cadres/classes populaires), qui suit une évolution définie. Avec la montée de la socialisation de la production au cours du premier XXe siècle, les cadres s’autonomisent, jusqu’à devenir capables, après-guerre, de créer de vastes institutions publiques et de conduire une macropolitique fiscale et monétaire. Le néolibéralisme ouvre une nouvelle phase de socialisation, sous une forme privée ou échappant aux pouvoirs nationaux ; les cadres financiers y prennent le pas sur les cadres techniques. Ce nouvel ordre social ne renverse cependant pas la tendance historique : la dépense publique compte toujours autant dans le PIB, et les cadres améliorent encore leurs positions manifestant que les capitalistes ne peuvent rien sans eux… Mais il va à contresens d’une évolution sociale progressiste et des exigences croissantes d’une organisation de la production. Reste à savoir si les cadres seront capables d’un retour à l’hégémonie. Et sur la base de quelle alliance : avec les capitalistes ou avec les classes populaires ? Cela dépendra de la puissance des luttes populaires. Mais aussi de l’aptitude des cadres des institutions publiques à reprendre un certain contrôle de la politique économique.

Cette analyse se lie à une conception de l’État non pas comme pur agent d‘une classe dominante, mais comme complexe d’institutions constituant les hiérarchies et alliances au sein d’un ordre social. Dans l’après-guerre, les classes populaires jouent un rôle important dans les institutions étatiques ; mais les capitalistes gagnent aussi du terrain à mesure que le marché, qui est aussi un mode de socialisation, en fait reculer de plus anciens. La « socialisation » est, au total, un phénomène à plusieurs dimensions : accroissement de la taille des unités de production et complexification de leurs interrelations, concentration du capital, développement de la coordination centrale, au plan de la finance mais aussi des fonctions de transport, santé, recherche, etc. Elle requiert un niveau croissant d’organisation, y compris dans les institutions financières. Même si les capitalistes ont constamment tendu à développer des institutions de coordination privée (banques, bourses, etc.), l’État a toujours été, dans ces processus, un acteur décisif en tant qu’État de classe. Sous le néolibéralisme, la soi-disant « fin du politique » n’est que l’expression de la monopolisation du pouvoir par les classes supérieures.

Deux registres théoriques

Cette fresque impressionnante – qui saisit la dynamique du capitalisme sur un siècle et demi – s’appuie notamment sur une lecture du Capital. Cette « critique de l’économie politique » véhicule en effet, positivement, une économie politique, que GD et DL non seulement utilisent, mais aussi complètent et éventuellement corrigent. Comme on le sait, il ne s’agit pas d’un système à visée intemporelle. Marx situe son objet dans un contexte historiquement défini, et défini par une articulation spécifique entre des formes économiques, juridico-politiques et idéologiques spécifiques. C’est à ce point que se situe le décalage entre la lecture et l’usage qu’un économiste et un philosophe peuvent faire du Capital. Il y a en effet, dans cette œuvre, deux niveaux de discours. Une part des énoncés – dont les Livres II et III presque en leur entier – relève d’un savoir d’économiste. D’autres développements, notamment au Livre I, sollicitent l’intérêt analytique et critique de diverses autres disciplines : sociologie, histoire, droit, philosophie. Au total, à mes yeux, le Livre I présente, outre son contenu économique propre, l’esquisse partielle d’une théorie d’ensemble de la société moderne comprise dans sa structure de classes. Dans la préface de Critique de l’économie politique (1861), la structure de classe capitaliste se trouve définie par la relation entre une « infrastructure économique » – articulation entre un type de « forces productives » (une technologie) et de « rapports de production » (c’est-à-dire de propriété, d’échange, d’organisation du travail, d’information, d’appropriation et de répartition) – et une « superstructure », où se définissent les conditions institutionnelles juridico-politiques et idéologiques de ces rapports de production, en tant qu’ils sont des rapports de classe, c’est-à-dire d’affrontement, d’exploitation et de domination. Cette vision en termes d’édifice, prescrit d’étudier les sociétés non pas à partir de leurs institutions politiques ou culturelles, mais à partir des « conditions matérielles d’existence » qui en forment « la base ». Mais – et c’est là, à mes yeux, le point décisif – la métaphore architectonique ne peut cacher qu’en réalité le « superstructurel » est immanent à « l’infrastructurel » : le juridico-politique est immanent à l’économique. Ainsi, dans la société moderne – comme Marx le souligne au chapitre 7 du Livre I, qui définit le salariat en référence à la Philosophie du droit de Hegel – les personnes exploitées et dominées le sont-elles, du moins dans l’espace de l’État-nation, dans un cadre juridique qui est censément le même pour tous et les déclare libres et égales. Fiction, certes, mais qui possède une redoutable effectivité : des effets réels, du reste contradictoires, de domination et de provocation émancipatrice. Une puissante réalité, donc. C’est parce que Marx situe son œuvre économique dans un tel contexte, le contexte réel de l’activité économique moderne, qu’il échappe à l’idéalisme d’une théorisation abstraite et intemporelle de l’économie.

C’est en ce point en effet que se situe la difficulté qui nous occupe : ces deux ordres d’énoncés – ceux de la théorie d’ensemble et ceux de la théorie économique – se formulent dans le même tissu conceptuel. Les producteurs échangistes dont il est question dès le premier chapitre sont donnés comme libres et égaux dans l’interaction d’échange (même s’ils sont sous le poids de contraintes inégales) : un tel énoncé met en jeu le concept juridico-politique de liberté et d’égalité. L’économiste peut argumenter qu’il s’en tient pour sa part à la dimension économique, aux concepts et énoncés économiques, en ce qu’ils constituent la trame du Capital et forment entre eux un véritable système, qui, comme tel, exclut toute autre considération. Conscient qu’aucun fait réel n’est jamais purement économique, il ajoutera que son savoir doit se conjuguer avec d’autres : historiques, politiques, culturels, etc. Il me semble assurément légitime de raisonner ainsi. Mais que l’on ne peut en rester là. Car Marx, en inscrivant sa théorie économique dans cette architectonique infra/superstructurelle, se donne en même temps comme objet cette société moderne elle-même, qu’il appelle capitaliste ou bourgeoise. Il l’appréhende comme un phénomène historique d’ensemble, dont il cherche à produire une théorie d’ensemble, capable d’en décrypter la dynamique et les mouvements, de telle sorte que les acteurs concernés puissent envisager d’agir pour le transformer. Et cette théorie d’ensemble n’est pas agencée par simple conjugaison de théories diverses, l’une économique, l’autre politique, etc. Les concepts constitutifs et énoncés premiers, qui forment la trame même de son discours proprement économique, sont de nature économico-politique. C’est de cette façon que Marx répond à une contrainte théorique propre à une théorie générale de la société : penser le divers, c’est le penser dans son unité. Telle est aussi la voie que je me propose de suivre.

Je me rallie volontiers aux exigences « scientifiques » de l’économiste. Les mécanismes économiques ont leur logique propre et leur analyse suppose des concepts spécifiquement économiques. Il y a ainsi, dans Le Capital, une théorie proprement économique qui se forme de façon purement analytique à partir des concepts premiers de valeur et de plus-value, de l’ensemble catégoriel qui les constitue (jusqu’à cette fameuse « transformation de la valeur en prix de production », qui manifeste les limites de l’usage qui peut être fait du concept dit de « valeur-travail »). Mais ce complexe systématique ne peut être produit que par l’abstraction des composants juridiques, politiques, idéologiques qui appartiennent à ces mêmes concepts, tels qu’ils se donnent dans la « théorie d’ensemble » de la société moderne esquissée dans Le Capital. Ce sont les mêmes concepts, mais déchargés de leur dimension politique. Ainsi, par exemple, au Livre I, est-il parfaitement possible de suivre un cheminement purement économico-analytique, de la Section 1, Valeur, à la Section 3, Plus-value, dans lequel n’intervient aucun de ces processus « dialectiques » par où se font jour des implications anthropologico-politiques plus larges. Les introductions au Capital proposés par les économistes sont fondées à se formuler dans cette conceptualité purement économique. Les énoncés seront du type : la valeur est déterminée par le temps de travail socialement nécessaire, le salarié travaille plus longtemps que le temps de travail compris dans la production de ses biens-salaires. De même peut-on, au Livre II, suivre les métamorphoses de la valeur au long du cycle du capital et aussi les conditions d’une reproduction en bon équilibre, en accroissement, etc. Et encore, au Livre III, la transformation du taux de plus-value en taux de profit. Lorsque l’on fait ainsi abstraction de la dimension juridico-politique, et sociale en ce sens, on manifeste le caractère spécifiquement économique de cette forme de savoir, qui est la condition de sa scientificité particulière. La capacité démonstrative du travail de GD et de DL me semble tenir à ce qu’ils se tiennent rigoureusement sur ce créneau, tout en situant par ailleurs le phénomène économique dans son contexte social et politique. Ils résistent aux mélanges de genre précipités qui entachent trop souvent les discours inspirés du marxisme (notamment quand des économistes à vocation de prophète cherchent un « supplément d’âme » dans le répertoire des philosophies qui disent la domination ou l’émancipation).

À mes yeux, pourtant, cette scientificité économique n’épuise pas l’objet du Capital. Marx, qui pratique certes l’économie (et aussi l’histoire, une autre sorte particulière de savoir), a également ouvert un autre chantier, sur lequel il assume les charges d’une théorie générale de ce qu’il appelle, dans sa préface à la seconde édition, la « société moderne ». On peut en juger à l’examen des concepts qui structurent l’exposé du Capital. Ayant référé la valeur à la « dépense de force de travail », il est conduit à conclure que son acheteur, le capitaliste, va « consommer » cette force de travail, qui est à « sa disposition », mais dont pourtant le travailleur ne cesse de « disposer », puisqu’il peut la vendre à un autre. Le salarié est « libre », mais sa liberté est affectée par ce rapport de production dont il n’est pas « libre » de sortir. Dans cette terminologie, on reconnaît aisément toute une cohorte de concepts sociologico-politiques qui engagent des notions de droit et de non-droit, de domination et de résistance, de liberté et de soumission, etc., c’est-à-dire un champ, ouvert à l’infini, d’investigations théoriques. Tout cela se trouve inclus dans la relation capitaliste, notamment en ce qu’elle reste, en même temps, une relation marchande, un paradoxal rapport entre libres et égaux. Le propre de l’économie de Marx est d’être, au sens le plus rigoureux (quoique non traditionnel) du terme, une « économie politique ». La relation salariale marchande est politique : elle se détermine dans une « lutte séculaire » pour la journée « légale » de travail, s’imposant dans l’instance étatique, par quoi se jouent la « dépense de la force de travail » et la longévité du travailleur. Cette détermination appartient à son concept. En tout cela, Marx manifeste une ambition proprement philosophique, qui est tout à la fois de critiquer les savoirs (l’économie classique, la philosophie politique bourgeoise), et aussi de les relier entre eux. Non pas de conjuguer éclectiquement diverses théories, mais de collaborer à une théorie d’ensemble, qui manifeste comment divers savoirs – économie, sociologie, droit, histoire – s’intègrent, se bornent et se critiquent les uns les autres. La théorie marxienne d’ensemble ne se présente pas comme une totalité philosophique (même si Marx engage au long de sa recherche une philosophie qui présente une certaine cohérence – mais ce n’est pas ici le sujet). Et il ne s’agit pas non plus seule­ment d’une sociologie (à quoi on pourrait par exemple comparer celle de Bourdieu), car l’économique en est un élément constitutif, et aussi la perspective politique. Selon la métaphore de « l’édifice » social, Marx travaille proprement à une théorie d’ensemble, à une théorie générale de la société moderne et de ses transformations au cours des temps modernes. Son programme de recherche s’inscrit sous une haute exigence : penser notre temps, c’est-à-dire, autant que cela est possible, le penser selon ses diverses dimensions dans un même corps théorique. Il travaille à l’unité théorique que requiert une pratique d’émancipation partageable par tous, comme rationnelle et raisonnable.

Les philosophes, sociologues, historiens n’ont pas manqué de s’engager dans cette voie. Ils ont produit de multiples commentaires du Capital, souvent fort éclairants. Le problème est qu’en l’occurrence il ne suffit pas de commentaires : il s’agit de savoir ce que vaut cette « théorie générale » : ce que l’on peut y reconnaître comme vrai ou comme faux. Et cela n’est pas seulement l’affaire des économistes. C’est l’affaire de tout l’éventail des sciences sociales ; et l’analyse philosophique, pour autant qu’elle s’intéresse à la relation entre elles, pousse à prendre les problèmes de plus haut, et à les déployer dans un temps plus long. Pour GD, c’est depuis la révolution managériale qu’une troisième classe est apparue, celle des cadres. Pour moi, c’est la « forme moderne de société » qui comporte comme telle, dans sa structure même, trois forces sociales primaires et non de deux, comme il apparaît dans Le Capital, et dans le marxisme standard. Je maintiens pourtant (on verra en quel sens) l’idée marxienne d’une division de classe qui clive en deux l’ordre social.

En dépit de ce décalage, il est vrai, nous sommes parvenus, dans Altermarxisme, à une certaine convergence : il n’y a pas, à nos yeux, seulement une classe de capitalistes face à un ensemble de salariés et autres, mais il existe une tierce entité constitutive, dont la position dominante ne tient pas à la détention de capital. Nous l’avions nommée « les cadres et compétents ». C’est là, dira-t-on, un secret de polichinelle ; car la sociologie politique s’est depuis longtemps intéressée au pouvoir de ces « élites ». Il reste cependant à savoir si le phénomène peut être analysé à la Marx, en termes de rapports et de luttes de classe, et dans la perspective d’une stratégie d’émancipation. C’est ce que nous tentons de faire, de façon différente. GD et DL avancent une économie qui fait corps avec une théorie des classes sociales. La prise en compte du phénomène « cadriste » les conduit à une analyse renouvelée des processus d’accumulation, de crise, d’hégémonie, des dynamiques et des stratégies, à une reconstruction de l’histoire économique du dernier siècle, à un diagnostic débouchant sur des préconisations macro-économiques et sur un pronostic à long terme. Je tente, pour ma part, d’interpréter l’existence d’un tel triangle de classe sur la longue durée des « temps modernes » (qui s’esquissent à partir du second Moyen-Âge), et d’identifier sa signification sociale et politique, sur la base d’un remaniement de la conceptualité de Marx telle qu’elle se donne dans sa théorie d’ensemble. Plus précisément, je me propose de refonder l’édifice, de repenser les rapports infra/superstructurels (pour le dire dans la langue de Marx) qui constituent la structure de classe.

Reconstruire l’édifice marxien selon la procédure marxienne

la pousser plus loin qu’il ne le fait. Marx invite à penser le procès social de production dans son ensemble à partir de la considération des deux sortes de « division du travail », ou de coordination rationnelle du travail à l’échelle sociale, comme l’ont dit les institutionnalistes : d’une part, le marché, et d’autre part ce qu’il appelle lui-même « l’organisation », die Organisation (Grundrisse, 1, 27). Il analyse celle-ci dans la fabrique, mais, quoiqu’il n’envisage jamais ce point, il est clair qu’elle gouverne aussi l’administration en général. Le marché coordonne par rééquilibrage a posteriori (toujours anticipé, bien sûr) entre des agents indépendants, l’organisation coordonne par agencement a priori des fins et des moyens, sous une même autorité. L’économie moderne est en effet toujours une certaine articulation des deux. Marx désigne le marché et l’organisation comme les deux « médiations » (Vermittlung, Grundrisse, 1, 27), dont la première débouche sur le capitalisme, et la seconde, qui se développe dans le capitalisme (au sein de l’entreprise), annonce cependant son dépassement inéluctable sous la forme d’une « planification concertée ». La fécondité de l’analyse de Marx tient à ce qu’elle s’organise autour de cette dualité antagonique des médiations. Son erreur tient au fait que celles-ci coexistent structurellement, constitutivement, dans la forme moderne de société, instrumentalisées en deux facteurs de classe, qui convergent dans le rapport de classe moderne. De ce fait, si celui-ci mérite le nom de « capitaliste », on doit cependant lui adjoindre un autre qualificatif. GD et DL ont choisi celui de « cadrisme », notamment pour identifier un processus qui se développe au XXe siècle. Ils en tirent des enseignements précieux, portant sur l’émergence d’un régime de compromis dit « social-démocrate » après la crise des années 1930, sur l’interprétation du néolibéralisme et de sa crise. Je les suis sur ce terrain. Mais, s’agissant des fondements et des mutations des régimes d’hégémonie, je propose une approche pour une part différente. Pour reconstruire la structure de classe, je me tourne en effet vers la procédure suivie dans Le Capital. Marx, on le sait, ne parvient à ce point qu’à la section 3 du Livre I, consacrée à la plus-value, c’est-à-dire à ce mécanisme par lequel se reproduit le clivage de la société en deux classes, l’une étant toujours à nouveau en position d’exploiter l’autre. Il est remarquable qu’il ne puisse en venir à cette question qu’à partir de l’analyse de la relation marchande, comprise comme un rapport de production, pourvu de sa logique propre, entre producteurs-échangistes indépendants en concurrence sur un marché. Ce tableau idéal d’une logique marchande de production en elle-même rationnelle suppose des traits juridico-politiques : propriété privée, liberté de choix de production et d’échange qui met à cet égard les partenaires en position d’égalité (et la critique qu’en formule Marx en termes de « fétichisme » est une variante subtile de l’argument philosophique classique de la servitude volontaire). On passe au concept de capitalisme dès lors que l’on suppose – ou que l’on constate – que certains seulement disposent de moyens de production et que les autres ne peuvent donc que vendre leur « force de travail ». Ceux-ci entrent dans un rapport capitaliste, dont le « présupposé » demeure la relation (de « libertégalité ») marchande, laquelle ne disparaît pas dans la relation salariale, mais s’y trouve instrumentalisée en rapport de classe, sous forme d’exploitation et de domination. Le capitalisme se trouve ainsi défini comme une instrumentalisation de la raison marchande. La structure est l’instrumentalisation d’une « métastructure » rationnelle. Ce rapport marchand, libre, égal et rationnel, est le présupposé de la structure. Mais c’est la structure capitaliste qui, par sa dynamique d’accumulation de plus-value, marchandise toute chose, jusqu’à la force de travail : elle universalise l’ordre marchand qu’elle instrumentalise en rapport d’exploitation. Pour exprimer ce concept marxien, j’ai proposé le terme de « métastructure », compris comme présupposé posé de la structure capitaliste. Il représente cette fiction active, cette chose à la fois « réelle et irréelle » dont parle Marx. L’exploité est interpellé comme libre, égal et rationnel. On comprend qu’il entre en lutte. Le terme de « métastructure » est nouveau, mais l’idée en est, dans son principe, cent pour cent marxienne…

Mais l’idée marxienne de la métastructure est incomplète, parce que sa théorie de la structure est incomplète. Pour élargir la matrice structurelle, et faire apparaître cette autre force d’en haut, il suffit pourtant de suivre la même procédure qui a été la sienne. Il faudra simplement

Métastructure comme déconstruction de infra/superstructure

Au plan de l’analyse historique, le travail de Foucault, notamment autour de Surveiller et punir, fait massivement apparaître, même si ce n’est pas là sa terminologie, que « l’organisation » n’est pas un pur produit de la manufacture ni de l’industrie, et qu’elle se développe de façon fulgurante simultanément dans d’autres grandes institutions sociales (de classe) : hôpital, armée, école, prison. Cela suggère qu’on n’affronte pas dans son ensemble le rapport moderne de classe en partant de la seule production capitaliste. Il me semble dès lors nécessaire de reprendre le problème structurel – toujours au sens de structure de classe – dans son ensemble. L’École de Francfort a parlé de « raison instrumentale ». Je crois plus adéquat de parler d’une « instrumentalisation de la raison », comprise selon ses deux « médiations » sociales de marché et d’organisation, qui ne peuvent se faire valoir comme rationnelles et raisonnables que sous le contrôle de la relation communicationnelle « immédiate », dans la forme supposée démocratique de l’État-nation. On se trouve ainsi reconduit à une configuration qui traverse la philosophie politique et les sciences sociales modernes : cette bipolarité économique du marché et de l’organisation est corrélative de l’entre-chacun et de l’entre-tous politique, liberté des Anciens et des Modernes. J’ai exposé ailleurs ce « carré métastructurel », notamment dans L’État-Monde. Je veux simplement souligner ici que c’est cette analyse métastructurelle qui permet de décrypter la structure, d’identifier le fondement de la dualité des « forces d’en haut », c’est-à-dire, à mes yeux de la bipolarité structurelle au sein de classe dominante. Elle permet d’identifier deux forces sociales dominantes, étroitement mêlées l’une à l’autre, mais inégales, incomparables, et qui le sont parce que s’y attachent deux sortes dissemblables de privilèges reproductibles, un pouvoir-propriété sur le marché et un pouvoir-savoir dans l’organisation – qui se reproduisent, selon des voies différentes, dans leur exercice même. C’est pourquoi il y a, à mes yeux, une seule classe dominante et non deux, car cette classe n’existe que du fait de la relation de convergence-divergence entre ces deux pôles, qui détermine tout à la fois sa puissance et sa fragilité historique : briser ce pouvoir de classe, c’est briser en deux cette classe dominante, et tel doit être l’objectif de la classe populaire.

Le « capito-cadrisme » proposé par GD et DL formule, selon des modalités conceptuelles différentes, une perspective analogue, mais différente à divers égards. Le terme de « cadre », en référence à la grande entreprise, a sa valeur heuristique propre pour l’interprétation de l’histoire économique et politique du XIXe au XXIe siècle. Le choix de concepts tels que « cadres », « classe ouvrière », est scientifiquement justifié : c’est ainsi qu’E. P. Thompson a pu écrire une « histoire de la classe ouvrière anglaise ». Mais, même si on en élargit le champ aux administrations de tous ordres, le terme de « cadres » me semble insuffisamment général pour désigner un phénomène qui est coextensible à l’ère moderne [3]. Pour exprimer une telle généralité, j’en suis venu pour ma part, quoique tout vocable ait ses inconvénients, à parler de « compétents-dirigeants », en strict parallèle au « pouvoir-savoir » de Foucault. Non pas ceux qui sont compétents. Mais ceux qui ont (reçu) compétence. Ceux dont le savoir se fait valoir en pouvoir. Ceux à qui on a donné compétence, dans le cercle (des cercles) de la reproduction-préservation de tels privilèges. Cela vise bien sûr les managers auxquels les capitalistes donnent compétence pour diriger. Mais les agents ainsi définis ne sont pas seulement identifiés par la place qu’ils occupent : ils le sont d’abord par leur capacité sociale à l’occuper, par leur compétence (culturellement produite) à recevoir compétence. On comprend ainsi pourquoi cette autre force d’en haut traverse les sphères de l’économie, de la finance, de l’administration, de la culture, de l’information, de l’armée, etc. : de la direction des affaires à la direction des âmes et à la gestion des désirs. C’est à partir de là, me semble-t-il, que l’on peut appréhender dans toute son ampleur le contexte stratégique d’une politique d’émancipation.

L’approche métastructurelle indique en effet, en même temps, pourquoi il faut parler au singulier de l’autre classe, la classe populaire. Je l’appelle aussi « fondamentale » pour signifier qu’elle ne peut être non plus définie par le fait qu’elle est exploitée (dans la perspective d’une histoire des sociétés qui serait comprise comme histoire des modes d’exploitation, ce qui semble être la ligne de GD), ni même qu’elle travaille, labour class. Elle produit, elle chante, elle invente (les inventions sont le fait de gens ordinaires, qui soudain se révèlent exceptionnels). Elle pense. Son unité tient à ce que ses membres se trouvent toujours reliés aux deux facteurs de classe, marché et organisation. Son fractionnement tient à ce qu’ils le sont à des degrés divers, selon que prédomine la dépendance hiérarchique (fonctionnaires) ou la subordination marchande (indépendants, paysans), ou une position où les deux facteurs sont plus fortement associés (salariés du privé). Quant à l’exclusion, la pauvreté moderne, elle signale un rejet hors des réseaux du marché et/ou du tissu organisationnel. Et cela vaut aussi pour les clivages horizontaux au sein de cette « classe fondamentale », qui séparent ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès à ces cercles professionnels qui se sont acquis une certaine emprise sur leur existence marchande (garantie de salaire, etc.) et organisationnelle (conditions hiérarchiques de travail, etc.) – ce que l’on appelle des « acquis » précisément. Cette configuration métastructurelle définit tout à la fois les déterminants primaires (sur lesquels bien d’autres viennent se greffer) de la fragmentation de la classe populaire et ses ressources de solidarité – les fondements de sa puissance multitudinaire.

Au total, donc, nous n’employons pas le mot « classe » tout à fait dans le même sens. GD et DL, on l’a vu, l’utilisent, de façon assez classique chez les marxistes, au sens de groupe social, référé à leur place dans les rapports de production, d’où dérivent d’autres caractères (style de vie, etc.). Je le comprends pour ma part au sens de clivage propre à la « forme moderne de société », clivage dans lequel émergent et se constituent des groupes sociaux historiquement variables, tels que le patronat industriel ou la « classe ouvrière ». Marx analyse le rapport de production capitaliste comme un processus qui coupe structurellement en deux la société et reproduit cette coupure. L’analyse de classe a ainsi pour objet un processus général de division qui se perpétue : là où les ouvriers diminuent en nombre relatif, les « classes » existent toujours et tout autant. Il y a, à mes yeux, un clivage primaire entre les deux classes, qui tient à la cohésion du couple marché/ organisation, et deux clivages secondaires, qui dérivent de la différence entre marché et organisation, d’une part entre les deux « pôles » de la classe dominante et d’autre part entre les trois « fractions » de la classe fondamentale. Nos deux approches ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Mais elles relèvent d’un décalage dont je ne puis ici envisager toutes les conséquences.

Mais il me faut encore aller plus loin. La « refondation métastructurelle » que je propose comporte quatre autres dimensions, par quoi elle se distingue pour une part de l’approche de GD, quoique l’on puisse chaque fois discerner certaines interférences, que je voudrais aussi faire apparaître. La première concerne la question de ce qu’il faut considérer ici comme « production ». La seconde, la périodisation des temps modernes. La troisième, la perspective politique. La quatrième, la relation entre structure de classe et système-monde.

Il me restera donc, dans une seconde partie, à faire le bilan des convergences et des discordances entre nos deux approches. [4]

Notes

[1Jacques Bidet et Gérard Duménil, Altermarxisme, Un autre marxisme pour un autre monde, Paris, PUF, 2007. Ce livre s’adresse à un assez large public, mais il se fonde sur les recherches que les deux auteurs mènent parallèlement depuis plusieurs décennies, et qui se prolongent depuis lors dans diverses publications. Gérard Duménil a publié, avec Dominique Lévy, de nombreux ouvrages de théorie économique qui ont reçu un large accueil dans le monde anglo-saxon et sud-américain. Parmi leurs derniers livres : Capital Resurgent. Roots of the Neoliberal Revolution, Harvard University Press, 2004 ; The Crisis of Neoliberalism, Harvard University Press, 2010 ; et La grande bifurcation, Paris, La Découverte, 2014. Jacques Bidet, sur le versant de la philosophie des sciences sociales, a notamment publié aux PUF Théorie générale (1999), Explication et reconstruction du Capital (2004) et L’État-Monde (2011) ; son Foucault avec Marx est paru à La fabrique, Paris, en novembre 2014 ; la suite est à paraître sous le titre Le néolibéralisme et ses sujets.

[2Une première version de ce texte est parue en italien sous le titre «  Il Capitale  : un’economia del capitalismo in una teoria della società moderna. Dialogo con Gérard Duménil », traduit pas Riccardo Antoniucci, Guido Grassdonio et Francescoo Toto, in Consecutio Temporum, Hegeliana, Marxiana, Freudiana, n° 5, roct. 2013.

[3J’y reviens dans Foucault avec Marx, à paraître à La fabrique, en janvier 2015.

[4La seconde partie de ce texte sera publiée dans le prochain numéro des Possibles.

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