Lyon-Turin : grand projet inutile et imposé

lundi 15 septembre 2014, par Daniel Ibanez

Un texte de Philippe Mühlstein sur l’évaluation des GPII et du projet Lyon-Turin en particulier a été publié le 11 mai 2014 dans la rubrique « Débats » du numéro 3, printemps 2014, de la revue Les Possibles. Sa forme et son contenu me paraissent éloignés d’une nécessaire démarche d’information et de constat qui doit prévaloir au débat démocratique.

Ce texte de Philippe Mühlstein, « Les projets d’infrastructures de transport, tous ’inutiles et imposés’ ? », présenté comme une contribution, est en fait la reprise quasi intégrale d’un texte publié au sein de SUD Rail le 25 mars 2013. [1]

La date du texte d’origine est essentielle, car bien des choses sont intervenues avant sa publication, notamment le 3 décembre 2012 à Lyon par des déclarations du ministre des Transports Frédéric Cuvillier, et postérieurement, par la publication du recours au Conseil d’État contre la déclaration d’utilité publique du 23 août 2013, des plaintes pour mise en danger de la vie d’autrui...

N’ayant trouvé dans cette contribution aucune référence aux arguments publiés par les opposants à ce projet fréquemment qualifié de pharaonique, il m’a semblé important de donner aux lectrices et lecteurs de la revue les moyens de se forger une opinion fondée sur des documents, des faits et des publications.

J’invite donc les lectrices et lecteurs à cliquer sur les champs menant aux documents pour vérifier par eux-mêmes la réalité des sources.

Pour ou contre le Lyon-Turin est généralement affaire d’intuition. Tout conduit à être pour, car le projet est présenté pour diminuer le nombre de camions sur la route et favoriser le transport par le rail moins polluant, cela renforcerait le service public, le statut des cheminots. Une ligne du XIXe siècle ne peut répondre aux enjeux du XXIe... En conscience, il est difficile d’être contre, il est même confortable d’être pour.

Être contre le Lyon-Turin crée un malaise, car il est fréquent d’être assimilé au lobby routier ou au NIMBY.

Je livre dès maintenant la conclusion de cette contribution : l’intuition permet d’ouvrir des pistes de réflexions et d’analyses, la conviction ne peut se fonder que sur des faits. C’est laborieux, mais dans un projet dont le coût dépasse les 30 milliards d’euros, qui peut s’exonérer de l’analyse des faits en se contentant de son intuition ?

L’opposition s’appuie sur des faits, sur des milliers de documents provenant des promoteurs eux-mêmes, sur les chiffres des trafics dans les Alpes depuis 1965, sur des documents siglés RFF ou SNCF, sur les déclarations des ministres, notamment quand ils décident d’ouvrir de nouveaux tunnels à la circulation routière ou qu’ils diminuent les tarifs pour les poids lourds... L’analyse des documents, les faits et les déclarations sont repris dans le recours au Conseil d’État déposé le 21 février 2014. Chacun pourra constater que, loin d’être caricaturale, cette opposition est sérieuse, étayée et constructive.

Le Lyon-Turin, un projet financé par les deniers publics en faveur du privé

Observer les acteurs et notamment celui qui préside aujourd’hui la société « Lyon Turin Ferroviaire » après avoir présidé Réseau ferré de France est révélateur.

Rappelons ici que Hubert du Mesnil est l’un des acteurs majeurs de la délégation des services publics au privé, notamment en sa qualité de président de l’Institut de la gestion déléguée (IGD), il est qualifié par les Rencontres internationales des PPP comme l’une des « personnalités très impliquées dans le déploiement des PPP », aux côtés de Dominique Perben, de Christian Estrosi et aussi de Michel Destot, l’ancien maire de Grenoble et député PS de l’Isère (bien regarder le panneau en arrière-plan : PPP !).

Il est aussi le président d’honneur de la FNEP qui se félicite de l’implication de son président d’honneur dans la promotion des PPP, on le retrouve président de Railenium financé majoritairement par le public mais toujours en compagnie des grosses entreprises du privé.

Il est également le président de l’IFSTTAR et le directeur du collège de Bernardins.

Voilà, pour ce que nous en savons, qui est le président de Lyon Turin Ferroviaire, précédemment dirigeant de RFF, un militant déclaré du transfert des services publics au privé. C’est d’ailleurs en qualité de président de l’IGD qu’il intervient à Bercy.

Le cumul n’est pas exclusivement réservé aux politiques...

Pour que le lecteur soit totalement convaincu de la place centrale du PPP dans le projet Lyon-Turin, il suffit de se reporter au mode de financement retenu : les project bonds ou obligations de projets. Il s’agit de faire financer ce grand projet par le marché boursier obligataire pour tenter de masquer l’augmentation de la dette publique. On trouve la confirmation de l’articulation des project bonds avec les PPP sur le site de la BEI (Banque européenne d’investissement).

Dans le cas du Lyon-Turin, l’astuce consiste à bénéficier du financement obligataire boursier, non pas par la qualification d’un projet de qualité répondant à une hypothèse d’équilibre d’exploitation, mais en apportant, en contrepartie du financement par le marché boursier, la garantie des États français et italien.

Être contre le Lyon-Turin, c’est être pour le routier : faux

Les opposants à la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire entre l’aéroport de Lyon (et non pas au départ de la ville de Lyon) et Turin, fondent leur argumentation sur l’existence d’une ligne ferroviaire qui a été rénovée, améliorée et modernisée pour près d’un milliard d’euros (selon Bernadette Laclais, députée PS de Savoie) entre Dijon et l’Italie et également en Italie jusqu’à Turin. Cette ligne permet de transporter des marchandises et des camions sur les trains au gabarit GB1 ou GB+ (4 mètres de haut aux angles).

Les opposants sont les seuls à exiger l’utilisation de cette ligne existante qui a une capacité de transport de marchandises reconnue par tous de plus de 18 millions de tonnes à l’année. « Exiger » est bien le mot puisque qu’ils ont déposé plainte auprès du Procureur de la République de Chambéry pour mise en danger de la vie d’autrui, par abstention d’utilisation de la ligne existante.

Dans cette plainte, ils reprennent toutes les études démontrant la capacité inutilisée de la ligne ferroviaire Ambérieu-Modane-Italie. Le dernier document datant du 6 novembre 2013, signé par Monsieur Luc Roger pour RFF, confirme une capacité de la ligne égale à 22,5 millions de tonnes par an.

Les opposants sont donc contre le développement du trafic routier, ils exigent le report sur le rail immédiatement sur la ligne existante.

Ils demandent également le doublement des lignes ferroviaires à voie unique qui desservent Chambéry et Annecy, non pas pour y faire circuler les trains de marchandises, mais pour développer les TER et les transports de proximité pour les agglomérations de Chambéry et Annecy, qui voient circuler, chaque jour, cent mille voitures représentant 80 % de la pollution des transports dans les agglomérations alpines.

Le doublement de ces lignes permettrait également d’améliorer le temps de parcours entre Paris et Annecy, en le portant à 3 heures environ et entre Lyon et Chambéry ou Paris et Chambéry, a fortiori entre Lyon et Turin.

Est-il utile de préciser que le doublement de la ligne vers Annecy est promis depuis 1991 et n’est toujours pas réalisé, faute de financement disponible, on parle de 300 millions d’euros. Le doublement et la protection phonique de la voie desservant Chambéry coûteraient environ 500 millions d’euros.

Enfin, les opposants demandent la sécurisation de la voie ferrée bordant le lac du Bourget par la couverture des voies en intégration paysagère, permettant de sécuriser les espaces naturels en cas de déraillement.

On ne peut raisonnablement prétendre, après avoir pris connaissance de ces documents publiés, que l’opposition au Lyon Turin ne serait pas pour le report des marchandises sur le rail, pour le développement des transports de voyageurs, pour la diminution du trafic routier dans les villes alpines, pour l’installation de la gare de chargement prévue à Ambérieu, qui permet de capter sur le rail non seulement les poids lourds de l’est lyonnais, mais également ceux qui se dirigent vers le tunnel du Mont-Blanc...

Pour terminer, il faut préciser que les calculs de capacités ont été faits au mieux, sur la base d’une exploitation annuelle (page 104) de 260 jours pour les trains de fret traditionnel et 300 jours pour l’autoroute ferroviaire.

Les marchandises circulant entre la France et l’Italie sont en augmentation constante : faux !

Dans les Alpes, les tonnages de marchandises circulant par la route et par le rail sont en diminution permanente depuis 1994. Ils sont en 2012 (22,4 millions de tonnes) au niveau de l’année 1987 (22,3 millions de tonnes). Ces chiffres, que personne ne conteste, sont fournis par l’OFT dans ses rapports annuels.

La capacité de la ligne existante, reconnue par RFF (22,5 millions de tonnes), permet donc de transporter la totalité des marchandises qui a circulé par la route et le rail en 2012 (22,4 MT).

Les promoteurs du projet ont compris que la baisse des trafics est bien antérieure à la crise (le film ’Lyon Turin à tout prix’ à 2’31) et qu’elle est le résultat des délocalisations italiennes et françaises, ils expliquent aujourd’hui, que les marchandises qui circulent sur la côte méditerranéenne passeraient à l’avenir par le Lyon-Turin.

Pourtant, de nombreuses études qu’ils avaient fait réaliser affirmaient le contraire.

Là encore, les opposants apportent la preuve qu’ils sont seuls à exiger le report des marchandises en transit qui circulent sur la côte méditerranéenne vers l’autoroute maritime entre Barcelone et Gênes en Italie.

Cela concerne 700 000 camions à l’année soit environ 60 % du trafic sur la côte.

« Exiger » est bien, une nouvelle fois, le mot qui convient puisqu’ils ont déposé plainte entre les mains du Procureur de la République d’Aix-en-Provence pour mise en danger de la vie d’autrui par abstention de l’utilisation de la voie maritime.

Les partisans du Lyon-Turin affirment que les trafics de marchandises ont augmenté en « noyant » les axes Est-Ouest, en forte diminution, avec les axes Nord-Sud en Suisse et en Autriche qui, eux, sont en augmentation puisqu’ils reçoivent les marchandises en provenance des ports et leurs importations. Entre la France et l’Italie, du Léman à la Méditerranée, les tonnages ont diminué depuis 1994.

Ils étaient de 44,6 millions de tonnes en 1994 pour tous les passages rail et routes et sont en 2012 de 39,8 millions de tonnes. L’augmentation du fret à Vintimille qui peut d’ailleurs passer par la mer, n’a pas compensé la diminution dans les Alpes du Nord.

Avec sa capacité de 22,5 millions de tonnes, la ligne ferroviaire existante répond dès aujourd’hui aux objectifs du Grenelle de l’environnement, ainsi qu’aux objectifs fixés par l’Europe qui prévoient, pour 2050, le transport de 50 % des marchandises par des moyens autres que routiers.

Dans les Alpes, la ligne existante permet de transporter par le rail non pas 50 % en 2050 mais 100 % immédiatement. Si l’on considère la totalité des échanges franco-italiens, du Léman à la Méditerranée, soit 39,5 millions de tonnes, la ligne existante est en mesure de transporter plus de 50 % des marchandises qui y circulent.

Si l’on se fie au nombre de camions circulant dans les Alpes au Mont-Blanc et au Fréjus, le constat est le même, les diminutions sont bien antérieures à la crise. Il a circulé moins de camions en 2013 au Mont-Blanc (549 175 PL) qu’en 1987 (556 447 PL). Au Fréjus on comptabilisait 662 995 poids lourds, soit environ 80 000 de moins que les 743 131 camions dénombrés en 1994.

L’augmentation du nombre de poids lourds transfrontaliers dans les Alpes n’existe pas et la diminution date de 1994, bien antérieurement à la crise.

La ligne existante date du XIXe siècle et nécessite 3 motrices, ce qui interdit de développer le fret : faux !

Avant tout, il n’est pas contestable que le représentant de RFF dans le GEIE RFC6 connaît les conditions d’exploitation de la ligne ferroviaire existante, avant d’apposer sa signature confirmant sa capacité de 22,5 millions de tonnes (page 50).

Ensuite, les Suisses utilisent une voie ferrée au Gothard, à 1.150 mètres d’altitude, qui date de 1874 (celle de Modane date de 1872), sur laquelle il est nécessaire d’avoir 3 motrices pour les trains lourds.

La preuve se trouve sur cette vidéo, tournée sous la neige à GOSCHENEN, entrée Nord du tunnel du Gothard qui est situé à 1150 m d’altitude.

Les Suisses transportaient 16,8 millions de tonnes en 2000 sur cette ligne du XIXe siècle, comme le prouve également le rapport annuel de l’OFT.

S’il a bien existé des problèmes d’exploitation sur la ligne franco-italienne, dus notamment à la tension des réseaux français (1 500V) et italiens (3 000 V) qui imposait le changement de motrices à Modane, ces temps sont révolus avec la mise en service des motrices BB 36000 qui sont tri tension et plus précisément des BB36300 homologuées sur le réseau italien de RFI à partir de 2000. Elles permettent de rouler sans s’arrêter pour passer de 1 500 V à 3 000 V.

Pour mémoire, le métro parisien et notamment la ligne 1, fonctionne sur une infrastructure du XIXe siècle, avec la même automatisation que la ligne 14, dernière en date.

Le projet Lyon-Turin placerait Paris à 4 heures de Milan au lieu de 7 heures actuellement : faux !

Le meilleur temps de trajet envisagé n’est pas de 4 heures, mais de 4h15 et le temps actuel n’est pas de 7 heures, mais de 6h56 et inclut 9 arrêts, alors que le voyage en 4h15 est un temps sans aucun arrêt.

Par ailleurs, les TGV qui vont à Milan utilisent entre Turin et Milan la ligne normale et non pas la ligne à grande vitesse, d’où un temps de parcours d’une heure trente qui pourrait être réduit à 44 minutes.

Avec les infrastructures existantes et sans arrêt entre Paris et Milan, il est donc possible de faire le parcours aujourd’hui en 5 heures et 10 minutes. (45 mn de moins en utilisant la voie rapide italienne et 60 mn de moins pour les ralentissements des 9 arrêts).

Avec le doublement de la ligne desservant Chambéry, il est encore possible de gagner 10 minutes et d’atteindre 5 heures entre Paris et Milan.

Qui peut prétendre qu’il est d’utilité publique de dépenser 30 milliards d’euros pour gagner 45 minutes ?

L’argumentation environnementale des opposants repose sur la présence d’amiante et d’uranium : faux !

Il suffira de chercher une seule allusion à ces problèmes dans le recours au Conseil d’État pour s’en convaincre.

Cela ne veut pas pour autant dire que ces problèmes n’existent pas, ils ont été révélés dans les rapports géologiques de LTF, les opposants ont simplement observé qu’aucune mesure n’avait été envisagée pour la présence d’uranium et d’amiante.

Ce que disent les opposants, c’est que LTF traite les problèmes lorsqu’ils se présentent sans réelle politique de prévention ; ce qu’ils constatent, c’est que LTF ne tient pas ses engagements, notamment en ce qui concerne les dépôts de déblais, elle les stocke définitivement alors qu’elle s’était engagée à les évacuer après égouttage.

Leur argumentation en matière environnementale, c’est celle de l’eau, qui est détaillée dans le recours au Conseil d’État (point 646 et suivants, page 192).

Les tarissements et drainages consécutifs aux percements de tunnels modifient les réseaux hydrologiques de façon irréversible. Il ne s’agit pas que des tarissements de sources d’eau potable, mais des risques incontestables pour la biodiversité, par l’assèchement ou la diminution de toute l’hydrologie de surface.

Une étude commandée par l’Europe (page 47) estime les drainages du tunnel de base entre 60 et 125 millions de mètres cubes par an, ce qui représente la consommation d’une ville d’un million d’habitants. Sur la même page en bas, on lit : « À l’inverse, pour les zones situées en amont des extrémités des tunnels, le débit total des eaux de surface, et particulièrement l’écoulement minimum annuel pourraient être affectés, la répartition entre les eaux de surface et souterraines pourrait être changée radicalement. De telles variations peuvent affecter l’environnement en général... »

En extrapolant les résultats de cette étude à la totalité du projet en France, on obtient un volume de 145 à 300 millions de mètres cubes par an.

Qui peut prendre une telle responsabilité et au nom de quoi ?

Ce que dénoncent les opposants à cette nouvelle ligne, c’est que Réseau ferré de France a choisi de niveler par le bas l’information du public sur les problème de l’eau lors de l’enquête publique de 2012, en ne publiant pas des informations en sa possession.

Une fois encore, c’est écrit dans l’avis de l’autorité environnementale du 7 décembre 2011 à la page 15, point 3.3.2, elle indique  : « Compte tenu de cette hétérogénéité dans l’avancement des études, le maître d’ouvrage a choisi de ’niveler par le bas’ son approche hydraulique et hydrologique au sein de l’étude d’impact, et de reporter sur la procédure ’loi sur l’eau’ la charge de présenter une analyse technique détaillée et cohérente sur tout le tracé. »

Les opposants ne sont donc pas des catastrophistes et n’agitent pas le chiffon rouge, ils demandent des comptes et de la transparence, comme le font les opposants au nucléaire.

Ce chantier créera des milliers d’emplois dans les Alpes : faux !

Il est indéniable qu’il y aura des travailleurs embauchés pour ce projet s’il devait se faire. Les questions qui se posent, loin des slogans des communicants et des lobbyistes, sont précises : combien ? pour quelle durée ? selon quelle réglementation ?

La réglementation, c’est la directive 96/71 CE, celle du travail détaché. Là encore, ce sont les gouvernements qui l’ont inscrite dans l’accord du 30 janvier 2012 au paragraphe 10.2.

Pourquoi avoir déjà précisé dans cet accord que les entreprises pourront recourir au travail détaché institué par la directive Bolkestein ? Les grands utilisateurs de ce type d’emplois « low cost » ont pour certains été répertoriés par le rapport au Sénat N°527 d’Éric Bocquet. On y retrouve nombre de fervents partisans du Lyon-Turin comme Bouygues, Eiffage et le transporteur Norbert Dentressangle.

Voilà pour le type d’emplois envisageables, des emplois low cost avec les abus qui ont déjà été révélés par le Sénat.

Le nombre ? Il suffit de reprendre celui qui est annoncé pour le tunnel du Saint Gothard en Suisse qui fait également 57 kilomètres : 1 800 personnes.

Pour le Lyon-Turin, il en a été annoncé 3 000, 4 000 et jusqu’à 30 000, en multipliant 3 000 par une durée de 10 ans de chantier !

Abus de conscience.

Un projet de développement durable : faux !

Ce projet, c’est l’artificialisation de 1 500 hectares de terre, par les emprises foncières pour les voies, par les zones d’entreposage des déblais, par les infrastructures induites.

Pour le seul département de la Savoie, la Chambre d’agriculture a calculé la perte de 600 hectares.

Ces seuls chiffres disqualifient le « verdissement » de ce projet, mais il l’est encore plus dans son fondement. C’est en effet un projet qui prévoit un quadruplement des marchandises qui circulent entre la France et l’Italie par les Alpes du Nord, en prédisant un tonnage de 80 millions de tonnes en 2035 contre 22,4 millions de tonnes aujourd’hui.

Ajoutons à cela les drainages des réseaux hydrologiques, les assèchements des milieux naturels en surface avec la perte de biodiversité qui va avec et l’on a la démonstration du caractère catastrophique de ce projet.

Ce que dit l’opposition, ce qu’elle propose, ce qu’elle demande

1/ Les constats dans les agglomérations des Alpes, Chambéry et Annecy montrent que la pollution en matière de transports provient :

  • pour 80 % des voitures (100 000 passages par jour, soit l’équivalent de 20 000 camions par jour) ;
  • pour 11 à 15 % des camions de transport régional (2 500 passages par jour) ;
  • pour 5 à 9 % des camions transfrontaliers (de 1 700 à 2 000 passages par jour).

La ligne existante permet de transporter la totalité des marchandises qui circulent dans les Alpes, l’opposition exige qu’elle soit utilisée à hauteur de sa capacité reconnue, par la contrainte s’il le faut, car il s’agit d’une question de santé publique.

La majeure partie de la pollution dans les agglomérations provient de toute évidence des transports individuels, les opposants demandent que les lignes ferroviaires desservant Chambéry et Annecy soient doublées pour augmenter le nombre et la fréquence des transports collectifs de proximité et pour améliorer la sécurité.

Qui peut s’opposer à ces demandes de bon sens ?

2/ De nouvelles technologies apparaissent, notamment avec la motorisation électrique des poids lourds.

SCANIA et SIEMENS ont développé des poids lourds électriques fonctionnant avec des caténaires. Renault en produit qui fonctionnent sur batteries.

Le port de Los Angeles met en place une plateforme d’essai des camions Scania Siemens.

Nombre de mairies se sont équipées de camions bennes à ordures électriques.

Ces développements constituent une partie de la solution pour diminuer la pollution des transports de marchandises régionaux, ils peuvent aussi faire partie de la solution transalpine ou méditerranéenne pour peu que la volonté politique de réduire la pollution soit effective et pas seulement velléitaire.

Il est désormais certain que les camions électriques vont prendre de l’ampleur ; ce qui est évident, c’est que le projet Lyon-Turin ne prend pas en compte ces développements et présente une vision quasi monomaniaque des transports, avec comme seul problème le transport transfrontalier et comme seule solution le rail.

Un proverbe dit « donnez un problème d’assemblage à un fabricant de marteaux, il ne trouvera des solutions que sous forme de clous ». Faites la même chose pour le transport en demandant à un ingénieur RFF ou SNCF, il trouvera des solutions en forme de voies ferrées, posez la question à Eiffage ou Spie, ils trouvent des solutions sous forme de tunnels... accompagnés de subventions publiques.

Les opposants disent qu’il faut travailler à la modernisation du matériel roulant pour revenir à une exploitation rationnelle des wagons isolés. La technologie d’attelage et de freinage utilisée pour le fret ferroviaire est obsolète et ne permet pas de développer cette activité.

Les opposants demandent également l’expérimentation de la motorisation répartie pour les wagons de fret qui doit déboucher sur des attelages automatiques et des possibilités de téléguidage des wagons.

3/ Le Lyon-Turin n’a jamais fait l’objet de débat public. La FNAUT le demandait en 1999 et en 2003. Son président a changé d’avis et réclame maintenant la construction du tunnel de base en urgence mettant ainsi la charrue avant les bœufs.

Les opposants réclament le débat public et organisent des réunions publiques pour transmettre l’information. Cette absence de débat public viole les dispositions de la Convention d’AARHUS, point qui est développé dans le recours au Conseil d’État.

4/ Ils demandent la transparence et condamnent les conflits d’intérêts, comme l’a fait la Cour des comptes.

Les opposants dénoncent le fait que des commissaires enquêteurs du Lyon-Turin aient travaillé sur d’autres enquêtes publiques dans le périmètre du projet Lyon-Turin, et qui ont travaillé pour la SNCF dans le cadre du dossier Lyon-Turin...

Tous ces conflits d’intérêts sont décrits, pièces à l’appui dans le recours au Conseil d’État aux points 276 et suivants.

Les opposants refusent que les évaluations internes en vue des marchés publics de Lyon Turin Ferroviaire soient divulguées avant le dépôts des offres, comme cela a été le cas pour une galerie qui est projetée entre Saint Martin de la Porte et la Praz.

Ils dénoncent le fait que Monsieur du Mesnil, président de LTF, puisse signer des marchés avec SPIE alors que SPIE fait partie du Conseil d’administration de l’IGD dont Monsieur du Mesnil est le président.

Ils dénoncent le fait que les recommandations de la Cour des comptes en matière de conflit d’intérêts pour l’expertise des coûts du projet soient méconnues et que tout soit organisé par LTF pour limiter les candidatures indépendants avec un appel d’offre publié le 23 juillet 2014 à échéance du 22 août 2014.

Ils dénoncent bien d’autres choses que vous pouvez retrouver en intégralité dans les communiqués.

5/ Les opposants constatent que, comme pour l’ensemble des grands projets inutiles et imposés (GPII), les méthodes sont les mêmes, les arrangements également avec les copinages et les proximités douteuses du politique avec le privé. Les différentes rencontres entre les mouvements d’opposition le démontrent.

Ces méthodes, ces habillages et ces opérations de communication confiées à grand frais aux agences de communication au travers d’associations de lobbying largement subventionnées par les deniers publics, sont dénoncées.

L’opposition dénonce la gabegie de l’argent public et la dette publique lorsque, comme pour le Lyon-Turin, elle ne répond pas à l’utilité publique et à l’intérêt général.

Chacun se rendra compte, à la lecture de cette contribution que, loin de refuser le débat, l’opposition à la nouvelle ligne Lyon-Turin l’alimente par des faits et la publication de nombreux documents ; la caricature qui en est faite, en lui imputant des arguments que l’on ne retrouve pas dans le recours au Conseil d’État, est une méthode classique de disqualification.

L’opposition au Lyon-Turin, comme bien d’autres mouvements comme le CADE, NDDL et bien d’autres, a choisi de démontrer plutôt que d’alléguer, il n’est pas aisé d’être contre ce projet sans avoir beaucoup travaillé, l’opposition l’a fait sans être subventionnée, il est alors difficile de supporter les insinuations de financement de ce mouvement par Berlusconi et ses amis, ni cette méthode qui tient plus de la diffamation que du débat.

Cette contribution est fatalement incomplète, mais son but est avant tout de montrer les ressources documentaires des opposants, leur travail et leur rigueur. Ils sont à la disposition de toutes celles et tous ceux qui souhaitent, partout en France, organiser le débat sur ce projet qui ne sera financé que par les contribuables pour le seul intérêt de quelques-uns.

Les opposants sont avant tout, pour l’utilisation rationnelle de l’existant, pour le développement rationnel du fret ferroviaire, pour des solutions de bon sens, pour la diminution du nombre de camions sur les routes et autoroutes, pour la préservation de la biodiversité et des réseaux hydrologiques.

Ceux qui, à bout d’arguments, expliquent que ce projet est pluriséculaire utilisent un bien mauvais argument préparé par des communicants en marketing, car la notion intrinsèque de la pluri-sécularité est la chimère de l’infaillibilité des promoteurs, cette notion est à coup sûr antidémocratique.

Les opposants peuvent être contactés sur leur site ; ils répondront à vos questions.

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