Avec La Nupes

Entretien réalisé par Jean-Marie Harribey
mardi 27 septembre 2022, par Aurélie Trouvé *

Entretien avec Aurélie Trouvé, députée LFI de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis et ancienne porte-parole d’Attac.

JMH. Comment passer d’une alliance électorale à une alliance stratégique de long terme avec des partis qui n’ont pas tout à fait la même vision sur des questions clés (écologie : le nucléaire ? ; place du travail : emploi ou revenu universel ? ; rapports internationaux : vis-à-vis de la Russie…) ?

AT. C’est un processus long, et je n’ai pas la recette miraculeuse. Il me semble que c’est avant tout une question de travail et de détermination. Nous n’avons pas le choix alors que les crises économiques, écologiques, sociales, militaires même, s’entrechoquent : il y a tant de souffrances, de tensions… que notre responsabilité historique est évidente. Je constate d’ailleurs dans les échanges que j’ai dans la circonscription où j’ai été élue, mais aussi dans toutes les discussions que nous avons avec les associations, collectifs citoyens, groupes d’habitants… que beaucoup souhaitaient cette alliance électorale, sans ignorer les désaccords existants. Du reste, nous avons toujours été transparents sur ces désaccords.

L’Assemblée nationale nous offre un cadre pour travailler ensemble dans la durée, sur des dossiers concrets, apprendre à nous connaître, reconstruire des relations de confiance. Par exemple, dans la « Commission des affaires économiques » dont je fais partie, nous mettons en place une sorte de coordination informelle avec les chefs de file des partenaires de la NUPES pour discuter très régulièrement des chantiers, des positionnements de nos groupes respectifs, de ce que nous pourrons porter ensemble lors des examens des textes. Et je sais que la « Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire » travaille dans la même direction. 

L’idée des assemblées NUPES locales est une autre échelle pour construire une culture commune chez nos membres, militants, sympathisants. Cela change tout dans la manière dont les débats locaux se déroulent par la suite, et cela permet des rapprochements intellectuels, politiques… 

Je ne crois pas à l’aplanissement de toutes les différences et au règlement de tous les désaccords. Si jamais ceux que tu cites venaient à faire l’objet d’un consensus, alors d’autres émergeront, c’est normal, et plutôt sain. 

Mais, dans un exemple concret, l’énergie, sur lequel nous allons beaucoup travailler dans les temps qui viennent, le 100 % renouvelables comme horizon de long terme ne pose pas véritablement problème, et nous sommes également en plein accord sur l’exigence du plein respect du droit social et environnemental dans le déploiement des énergies renouvelables, autour d’un pôle public de l’énergie, celle-ci conçue comme un bien commun. 

Et, bien sûr, les mobilisations, qu’elles soient locales ou nationales, vont nous rapprocher. 

JMH. Quelles peuvent être les relations entre la NUPES et les mouvements sociaux (syndicats, associations…) ? La démarche « Plus jamais ça » peut-elle servir d’exemple ou peut-on lui donner un prolongement ? Faut-il structurer ces relations ? Comment pourrait-on dessiner la base sociologique de la stratégie « Arc-en-ciel » que tu avais proposée ?

AT. Je défends pour ma part l’idée que la NUPES pourrait s’élargir aux mouvements sociaux et citoyens, effectivement. Il ne s’agit évidemment pas de les absorber, ni de leur ôter leur autonomie. Encore moins de les enrôler dans le jeu politique. 

En revanche, se retrouver régulièrement pour entendre leurs analyses, leurs propositions, éclairer nos travaux et la construction de la plate-forme politique de la NUPES, serait particulièrement fécond à la fois sur le fond, et dans une perspective d’éducation populaire. 

« Plus jamais ça » renvoie à une stratégie un peu différente, celle de créer un espace d’alliance et de propositions associant le mouvement syndical et le mouvement associatif, notamment sa composante « justice écologique et climatique ». Il faut se souvenir que la transition écologique a longtemps paru contradictoire avec la défense de l’industrie et de ses emplois, en particulier des droits de ses travailleurs. « Plus jamais ça » a permis, dans le contexte de pandémie, de construire une réflexion commune inédite, qui souligne l’impératif de bifurcation, et montre que ses volets écologique et social sont parfaitement compatibles. Nous avons construit un socle de propositions très nombreuses, sur tous les fronts, preuve que réunir des acteurs qu’on pensait inconciliables est possible. 

De ce point de vue, « Plus jamais ça » est une brique, rouge et verte à cette stratégie « Arc-en-ciel » que je propose dans mon livre [1]. Celle-ci requiert d’autres élargissements et d’autres alliances, dont certaines existent déjà de manière plus ou moins structurée, par exemple avec les mouvements féministes. Le mouvement social « historique » et les luttes anti-racistes et contre les discriminations se sont rencontrés en 2019-2020 lors des mobilisations contre les projets de loi « Sécurité globale » ou encore « Séparatisme ». Et nous avons vu aux élections 2022 que les quartiers populaires des grandes villes ont massivement voté pour la NUPES et ses candidats. Et, bien sûr ; nous devons aussi conquérir les électeurs populaires du reste de la France, des petites villes, des campagnes. 

JMH. Quel rôle peut jouer le « Parlement » que tu présides ? Est-il lié à la structure NUPES et/ou LFI ou est-il ouvert ?

AT. Le Parlement de l’Union populaire a joué un rôle édifiant lors de la campagne présidentielle. Il a non seulement nourri le programme, les livrets thématiques, bien sûr, mais il a aussi contribué à la dynamique de campagne sur le terrain, à travers les dizaines de réunions publiques qui ont été organisées en France, dans lesquelles les membres du Parlement, artistes, universitaires, militants de luttes iconiques… ont très largement diffusé le projet de l’Union populaire sur tout le territoire.

Dès lors que nous avons fait le choix de constituer la NUPES, il a été évident que le Parlement de l’Union populaire devait s’élargir et en devenir un instrument. Nous travaillons aujourd’hui à son élargissement, c’est un exercice millimétré puisqu’il faut que chaque composante de la NUPES se sente en confiance, représentée, mais que le Parlement conserve son rôle original : il n’est pas une assemblée ou un pseudo-congrès de la NUPES ! C’est un espace de dialogue et de construction entre toutes ses composantes, politiques ou non. C’est un des lieux où les mouvements sociaux et citoyens pourront être associés à la NUPES. 

J’espère pouvoir vous en dire davantage dans les semaines à venir !

Entretien réalisé le 15 septembre 2022

Notes

[1A. Trouvé, Le bloc arc-en-ciel, Pour une stratégie politique radicale et inclusive, La Découverte, 2021.

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