La transition énergétique : bonne ou mauvaise pour l’emploi ?

vendredi 23 mai 2014, par Philippe Quirion *

Du fait du niveau historiquement élevé du chômage, les politiques énergétiques et climatiques sont, à tort ou à raison, évaluées selon leur impact sur l’emploi. Ainsi, Henri Proglio, PDG d’EDF, a-t-il affirmé qu’en cas de sortie du nucléaire en France « un million d’emplois seraient mis en péril », ce qui a amené Anne Lauvergeon à déclarer qu’il avait « fumé la moquette » (La Tribune, 2011). Inversement, les partisans d’une sortie du nucléaire mettent en avant les créations d’emplois que ces politiques permettraient (Greenpeace International et al., 2012). Une partie de la divergence des résultats provient des différences dans le périmètre considéré : comme toute politique sectorielle, les politiques énergétiques et climatiques créent des emplois dans certaines activités et en détruisent dans d’autres. Pour calculer l’effet net sur l’emploi, il est donc nécessaire de prendre en compte à la fois les créations et les destructions d’emplois.

L’étude présentée rapidement dans cet article et plus longuement dans un document de travail du CIRED (Quirion, 2013) calcule ainsi l’effet net sur l’emploi du scénario énergétique de l’association négaWatt (2011) en référence à un scénario qui prolonge les tendances existantes. Parmi les différents scénarios énergétiques élaborés pour la France, négaWatt est l’un des seuls qui atteigne le facteur 4, c’est-à-dire qui permette de réduire les émissions de gaz à effet de serre de plus de 75 % en 2050 par rapport à 1990, objectif officiel de la France (Salomon, 2013).

1. Méthode

La méthode retenue reprend, en l’actualisant, le principe des modèles AVATAR de l’INSEE (Riffard, 1983) et DEFI de la Direction de la Prévision (aujourd’hui DG Trésor) du ministère des Finances (Péronnet et Rocherieux, 1983).

Nous calculons un effet net sur l’emploi en France (les emplois créés et détruits à l’étranger ne sont pas comptabilisés) en appliquant la méthode suivante :

  • Pour les deux scénarios, le négaWatt et le tendanciel, et pour chaque activité (construction de parc éoliens, maintenance de ces parcs, construction de nouvelles centrales nucléaires, construction d’infrastructures routières et ferroviaires, transport ferroviaire ou routier de voyageurs…), les indicateurs physiques (énergie produite, capacités installées dans l’année, trafic en voyageurs-km ou véhicules-km…) sont extraits des tableaux de calcul des deux scénarios ou d’autres sources comme les Comptes des transports. Dans ce dernier cas, des hypothèses sont nécessaires pour passer des variables présentes dans le scénario négaWatt à celles des Comptes des transports, par exemple pour passer d’un nombre de véhicules-km en voiture à un nombre de voitures immatriculées.
  • Pour chaque activité, et pour chaque année considérée, un coût unitaire est calculé (en euros par watt d’éolien installé, par tonne-kilomètre transportée…). La méthode retenue pour calculer ce coût unitaire varie selon l’activité, en fonction des sources disponibles.
  • Ce coût unitaire est multiplié par l’activité de manière à calculer une demande monétaire, puis cette dernière est répartie dans une ou plusieurs des branches de la nomenclature du tableau entrées-sorties (TES), utilisé au niveau le plus désagrégé disponible (118 branches).
  • Pour chaque branche, nous calculons le contenu en emploi, c’est-à-dire le nombre d’emplois (équivalent temps plein) créés en France par million d’euros de demande finale, en inversant le TES (Husson, 1994). Cette méthode permet de prendre en compte, non seulement les emplois directs (par exemple les emplois dans la branche automobile créés par l’achat d’un million d’euros d’automobiles) mais aussi toute la chaîne des emplois indirects (les emplois chez les équipementiers, chez les fournisseurs des équipementiers, chez les fournisseurs des fournisseurs, etc.), en se limitant aux emplois situés en France.
  • Pour chaque activité et scénario, nous multiplions la demande monétaire adressée à chaque branche par le contenu en emploi de celle-ci. Cela permet de calculer, pour une année, une activité et un scénario, un effet brut sur l’emploi.
  • Pour chaque activité considérée, l’un des deux scénarios est plus coûteux que l’autre et le financement de ce surcoût doit être pris en compte. On suppose que ce surcoût est payé par les ménages (en tant que contribuables, salariés, consommateurs ou actionnaires) et que ces derniers réagissent à ce surcoût en réduisant leur consommation du même montant, proportionnellement à leur vecteur de consommation initial. On calcule donc le contenu en emploi moyen de la consommation des ménages, qu’on multiplie par le surcoût mentionné ci-dessus, ce qui permet de calculer un effet dit « induit » sur l’emploi. Par rapport au scénario tendanciel, le scénario négaWatt entraîne à la fois des dépenses supplémentaires (énergies renouvelables, isolation, transports en commun…) et des économies (d’énergie en particulier). Si les premières sont plus élevées que les secondes, le financement du surcoût va entraîner une baisse de l’activité dans le reste de l’économie et donc des destructions d’emplois « induites ». Dans le cas contraire, les ménages bénéficient de pouvoir d’achat supplémentaire, d’où des créations d’emplois « induites ». L’addition de l’effet brut et de cet effet induit donne un effet net sur l’emploi.

2. Résultats agrégés

Comme indiqué ci-dessus, l’effet net sur l’emploi correspond au solde des emplois créés, des emplois détruits et de l’effet induit, cela pour le scénario négaWatt par rapport au tendanciel. Le tableau 1 ci-dessous présente cet effet net et sa décomposition, pour 2020, 2025 et 2030.

Les quatre premières lignes du tableau indiquent, à un niveau relativement agrégé, les principales activités où le niveau d’emploi est plus élevé dans le scénario négaWatt que dans le tendanciel. De manière peu surprenante, il s’agit des énergies renouvelables, de la rénovation thermique des bâtiments, des modes de transports peu gourmands en énergie (ferroviaire, fluvial et transport routier de voyageur) et de la sensibilisation-information.

Les quatre lignes suivantes indiquent les principales activités où le niveau d’emploi est plus faible dans le scénario négaWatt que dans le tendanciel. Il s’agit des énergies non renouvelables (fossiles et nucléaire), des bâtiments neufs, du transport par route (fabrication d’automobiles, infrastructures routières, fret routier) et du transport aérien.

L’avant-dernière ligne présente l’effet induit sur l’emploi, qui est positif, ce qui signifie que les dépenses agrégées sont plus faibles dans le scénario négaWatt que dans le tendanciel : même si le premier entraîne bien sûr davantage de dépenses dans les énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments ou les transports en commun, il entraîne des économies encore plus importantes dans d’autres activités, comme le transport aérien ou le fret routier. Ces économies nettes libèrent du pouvoir d’achat chez les ménages, qui augmentent leurs dépenses de consommation de manière homothétique à leur consommation à l’année de base, d’où une hausse de l’emploi répartie dans l’ensemble de l’économie. La dernière ligne du tableau indique l’effet net, qui est simplement la somme des éléments précédents.

Tableau 1. Effet sur l’emploi du scénario négaWatt par rapport au tendanciel (en milliers d’emplois équivalent temps plein — ETP)
{{}} 2020 2025 2030
énergies renouvelables 187 249 335
rénovation des bâtiments 213 460 473
transports en commun, fret ferroviaire & fluvial 69 141 248
sensibilisation et information 6 6 5
énergies non renouvelables, réseaux gaz et électricité -45 -108 -116
bâtiments neufs -124 -279 -404
transport routier sauf transports en commun -141 -243 -366
transport aérien -27 -47 -72
effet induit 97 261 527
effet net sur l’emploi 235 439 632

Lecture : en cas de mise en œuvre du scénario négaWatt, en 2020, le nombre d’emplois dus à l’activité dans les énergies renouvelables serait supérieur de 187 000 à ce qu’il serait en cas de mise en œuvre du scénario tendanciel. Inversement, le nombre d’emplois dus au transport aérien serait inférieur de 27 000. Parce que le coût global est plus faible dans le scénario négaWatt, 97 000 emplois seraient créés par la réallocation des sommes économisées (effet induit). L’effet net global serait de + 235 000 emplois.

Parmi les activités créatrices d’emplois, la première est la rénovation thermique des logements, ce qui s’explique en partie par l’ampleur du programme de rénovation et en partie par le contenu en emploi élevé de la branche bâtiments. Les énergies renouvelables représentent le second gisement, suivies des modes de transports en développement : ferroviaire, fluvial et transports en commun.

Les activités en décroissance ont été regroupées en six catégories. Tout d’abord, des emplois disparaissent bien sûr dans les énergies non renouvelables, qui sont remplacées par les économies d’énergie et les renouvelables. Néanmoins, ces pertes d’emplois restent inférieures aux créations d’emplois dans les renouvelables, qui présentent un contenu en emplois supérieur. Ensuite, des pertes d’emplois (par rapport au scénario tendanciel) ont lieu dans la construction de bâtiments neufs. En effet, le nombre de m² construits est plus faible que dans le scénario tendanciel. Enfin, le transport routier (sauf transports en commun) et le transport aérien régressent.

Comme le montre la dernière ligne du tableau 1, le résultat net sur l’emploi est très positif. L’explication est simple : la plupart des branches dont l’activité se développe (en vert sur la figure 1) présentent un contenu en emplois plus élevé que celles (en rouge) dont l’activité se réduit. De plus, le contenu en emplois de la plupart de ces dernières est inférieur à celui de la consommation moyenne des ménages (en noir). Si, par exemple, les ménages réduisent leurs dépenses en gaz d’un million d’euros et que, conformément à nos hypothèses, ils augmentent leur consommation de ce même montant, et ce de manière homothétique entre les différentes branches de l’économie, l’effet net sur l’emploi sera égal à la différence de contenu en emplois entre la branche « gaz » et la moyenne de la consommation des ménages, soit 11,5 – 3,6 = 7,9 emplois créés.

Figure 1. Contenu en emplois d’une sélection de branches en France en 2005 (emplois ETP/M€2005)

En rouge, les branches dont l’activité est plus faible dans le scénario négaWatt que dans le tendanciel ; en vert celles dont l’activité est plus forte. Les branches signalées par * ne figurent pas dans la comptabilité nationale ; leur contenu en emplois est calculé comme une moyenne pondérée de celui des branches auxquelles ces activités font appel.

3. Zooms sectoriels

Ici, nous présentons les emplois, directs et indirects, générés par l’activité dans chacun des secteurs considérés, à la fois dans le scénario négaWatt et dans le tendanciel. Il s’agit d’un effet brut, au sens où les chiffres présentés dans cette partie n’incluent pas l’effet induit, c’est-à-dire la destruction d’emplois générée par le financement des activités considérées ; cet effet induit est présenté de manière agrégé et non détaillé secteur par secteur.

Énergies renouvelables

Dès 2020, les emplois dans ce secteur font plus que doubler dans le scénario négaWatt par rapport au tendanciel (Figure 2). Dans le scénario négaWatt, les emplois sont répartis dans un grand nombre d’énergies renouvelables : principalement la biomasse solide et le photovoltaïque en 2020, puis une croissance de l’éolien maritime et de la biomasse sous forme de gaz et du solaire thermique à l’horizon 2030.

Figure 2. Emplois directs et indirects dus à l’activité dans les énergies renouvelables (ETP). À gauche, scénario tendanciel ; à droite, scénario négaWatt

Bâtiment

Dans le résidentiel comme dans le tertiaire, deux effets s’opposent. D’une part, le scénario négaWatt est marqué par un plus grand nombre de rénovations thermiques, qui sont aussi plus ambitieuses, donc plus coûteuses. Il en découle un effet brut sur l’emploi positif. D’autre part, il prévoit moins de constructions, dans le résidentiel comme dans le tertiaire, d’où un effet opposé. Le premier effet domine et, en 2025-2030, l’effet brut en comparaison avec le scénario tendanciel atteint environ 300 000 emplois, un chiffre proche de celui obtenu pour les renouvelables.

Précisons que les chiffres indiqués ici n’incluent pas la rénovation non thermique (travaux d’entretien, transformation de bureaux en logements…). En effet, il n’est pas évident de savoir si la mise en œuvre du scénario négaWatt accroîtrait ou réduirait ces travaux.

Notre approche sous-estime certainement les gains d’emplois dans le scénario négaWatt, car, le TES ne distinguant pas la rénovation de la construction neuve, nous supposons que ces deux activités présentent le même contenu en emplois (9 emplois directs et 7 indirects, soit au total 16 emplois par million d’euros de demande finale). Or, une étude pour le SRCAE Rhône-Alpes estime qu’un programme de rénovation thermique créerait 13 emplois directs par million d’euros (CERA, 2011, p. 96), soit 4 de plus que dans notre estimation. En effet, par rapport à la construction neuve, le coût de la rénovation comporte une plus grande part de main-d’œuvre et une plus faible part de matériaux à faible contenu en emplois (béton, tuiles et briques, acier…).

Figure 3. Emplois directs et indirects dus à l’activité dans le bâtiment (ETP). Les emplois dans la rénovation non thermique ne sont pas pris en compte. À gauche, scénario tendanciel ; à droite, scénario négaWatt

Transports

Contrairement aux deux domaines précédents, l’effet brut est négatif dans les transports (Figure 4) : le développement des transports en commun et du fret ferroviaire et fluvial ne compense pas complètement la baisse d’activité du fret routier, de l’aérien, des infrastructures routières et de l’automobile. Pourtant, le contenu en emplois des branches de transport qui se développent (transport en commun par route, transport ferroviaire, matériel ferroviaire…) est plus élevé que la moyenne, ce qui n’est pas le cas de toutes celles qui régressent. En particulier, le transport aérien et la construction automobile présentent un contenu en emplois bien inférieur à la moyenne. Cette baisse du nombre d’emplois dans les transports vient de ce qu’une partie de la baisse de l’activité de ces branches n’est pas compensée par du report modal : l’activité des transports, qu’on la mesure en unités physiques (tonnes-kilomètres et voyageurs-kilomètres) ou en euros, régresse.

Cependant, il existe de bonnes raisons de penser que ces résultats surestiment les pertes d’emplois bruts dans le scénario négaWatt. D’une part, entre notre année de base (2005) et 2011, l’industrie automobile a perdu 22 % de ses effectifs alors que la dépense des ménages en véhicules neufs, déflatée par l’indice des prix à la consommation, augmentait de 5%. Aussi, le contenu en emplois de cette activité est certainement plus faible qu’en 2005 et par conséquent notre calcul surestime les pertes d’emplois dans ce secteur.

D’autre part, nous prenons en compte un surcoût de fabrication (et donc des emplois supplémentaires) pour les voitures électriques et hybrides rechargeables, mais pas pour les voitures à combustible liquide ou gazeux, faute d’estimation disponible. Or, la baisse de la consommation unitaire des véhicules passe par une baisse de la masse de ces véhicules, mais aussi par la généralisation d’innovations techniques qui génèrent un surcoût de fabrication et des emplois supplémentaires. Pour cette raison, une étude récente (Cambridge Econometrics, 2013) conclut qu’une baisse des émissions unitaires des voitures et utilitaires légers aurait un impact largement positif sur l’emploi en Europe.

Enfin, les pertes dans le fret routier sont sans doute surestimées car nous supposons l’emploi proportionnel aux tonnes-km transportées, alors que le ratio emploi/(t.km) est plus faible pour les poids lourds que pour les utilitaires légers. Or, dans le scénario négaWatt, l’activité diminue beaucoup plus dans les premiers que dans les seconds. Malheureusement, nous sommes contraints par le manque de désagrégation du TES qui ne distingue pas, dans le fret routier, transport à courte et à longue distance.

Figure 4. Emplois directs et indirects dus à l’activité dans les transports (ETP). À gauche, scénario tendanciel ; à droite, scénario négaWatt

Énergies non renouvelables et réseaux d’énergie

Naturellement, l’effet brut sur l’emploi est négatif pour les énergies non renouvelables, sauf temporairement pour le gaz naturel fossile dont la consommation, en 2020 et 2025, est légèrement supérieure dans le scénario négaWatt (Figure 5). De même, à l’horizon considéré, le démantèlement des centrales nucléaires crée davantage d’emplois dans ce scénario. Cependant, cela ne suffit pas à compenser les pertes d’emplois bruts dues à la non-construction des EPR (un par an dans le scénario tendanciel à partir de 2023), à l’absence d’investissements lourds pour accroître la durée de vie des autres centrales nucléaires et à la baisse de la consommation d’électricité, de produits pétroliers et de charbon.

En revanche, sous les hypothèses retenues ici, dans le scénario négaWatt, le coût d’investissement, et donc l’emploi brut, sont légèrement supérieurs dans le réseau de gaz et largement supérieurs dans le réseau électrique. En effet, ce dernier doit s’adapter pour transporter et distribuer la production issue des sources renouvelables. La baisse de la consommation d’électricité et en particulier celle de la demande en pointe, du fait d’un moindre recours au chauffage électrique à effet Joule, limite ce surcoût mais ne l’annule pas. Contrairement au coût d’investissement, le coût de fonctionnement des réseaux est quasiment identique entre les deux scénarios et n’est donc pas pris en compte.

Figure 5. Emplois directs et indirects dus à l’activité dans les énergies non renouvelables et réseaux d’énergie (ETP). À gauche, scénario tendanciel ; à droite, scénario négaWatt

Conclusion

Dans cette étude, nous quantifions l’effet net sur l’emploi d’une transition énergétique ambitieuse, en l’occurrence celle quantifiée dans le scénario négaWatt, à l’aide d’une méthode simple et transparente : nous raisonnons à dépense agrégée constante, et considérons que la transition énergétique entraîne une réallocation de la demande entre les branches. Aussi, l’impact sur l’emploi dépend du contenu en emplois des branches qui se développent, relativement à celles qui régressent. Nous concluons que la mise en œuvre d’un tel scénario permettrait une création d’emplois importante, de l’ordre de 235 000 en 2020, même en prenant en compte les emplois détruits dans les branches dont l’activité devrait décroître.

Cette étude repose sur certaines hypothèses et méthodes naturellement contestables, mais qui ont déjà été utilisées par des dizaines de travaux antérieurs, en Europe comme aux États-Unis. La méthode employée ne vaut que si un chômage important subsiste à l’horizon considéré ; dans le cas contraire, la demande de travail poussera les salaires à la hausse, ce qui n’est pas pris en compte ici. Cependant, c’est justement dans une telle situation de chômage élevé qu’il est utile d’analyser les politiques climatiques sous l’angle de leur effet sur l’emploi, car c’est là que le coût du chômage, pour les chômeurs et pour la collectivité, est le plus important. De nombreuses études ont montré que le chômage entraîne un coût bien au-delà de la perte de salaire : dégradation du lien social, souffrance psychologique… (Masur et Posner, 2012). Quantifier ces coûts est difficile, ce qui explique qu’ils soient peu pris en compte dans les analyses coûts-bénéfices. Pourtant, les études existantes aboutissent à des chiffres très importants. Sur cette base, Masur et Posner (2012) proposent de valoriser dans les analyses coûts-bénéfices chaque emploi net pour un montant compris entre 35 000 et 100 000 dollars US. La création de 235 000 emplois supplémentaires serait ainsi valorisée à hauteur de 11 à 31 milliards d’euros.

Les limites de cette étude sont de deux ordres. Premièrement, elle ne prend pas en compte les rétroactions macroéconomiques que l’on trouve dans les modèles d’équilibre général ou macroéconomiques, ce qui constitue le prix à payer pour bénéficier d’un niveau élevé de désagrégation (118 branches) et d’une plus grande transparence. De plus, les résultats obtenus sont cohérents avec les évaluations macroéconomiques récentes, comme celles du scénario énergétique de l’Ademe ou de la feuille de route européenne (Callonnec et al., 2013 ; Cambridge Econometrics, 2013). Deuxièmement, et de manière symétrique, elle ne quantifie pas les emplois directs aussi finement qu’une étude technico-économique comme celle de l’Ademe (2012). Pour plusieurs activités parmi les plus importantes en termes de coût, cela sous-estime probablement le nombre d’emplois créés. Ainsi, la rénovation thermique des logements présente sans doute un contenu en emplois supérieur à la construction neuve, mais le niveau de détail disponible dans le tableau entrées-sorties ne permet pas de prendre en compte cette différence. Cependant, nous considérons que notre approche procure un bon équilibre entre niveau de détail technique et exhaustivité des mécanismes économiques considérés.

Dans certaines branches de l’économie, la politique climatique entraîne une réduction de l’emploi par rapport au scénario tendanciel. Même si, comme nous l’avons vu, l’effet net global sur l’emploi est très positif, il importe de développer les dispositifs permettant l’adaptation et la sécurisation des travailleurs face aux mutations structurelles des compétences qui découleront des politiques climatiques, suivant en cela les recommandations formulées par la CES (2008) ou le Expert Group on New Skills for New Jobs (2010) auprès de la Commission européenne.

Enfin, au-delà du nombre d’emplois créés, la dimension qualitative des emplois est essentielle. Cependant, la qualité d’un emploi comporte de nombreux éléments : intérêt de l’emploi aux yeux des travailleurs, sécurité d’emploi, ergonomie, taux d’accidents du travail, existence de parcours qualifiants… Aussi, cette dimension demande des études spécifiques pour chacun des secteurs affectés par la transition énergétique.

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