La CCC : Sans filtre, mais avec amendements… ! Témoignage d’un participant

mardi 29 septembre 2020, par Pierre Ruscassie *

La Convention citoyenne pour le climat s’est conclue dans l’enthousiasme de ses membres pour avoir participé à une prise de conscience de l’urgence climatique à transmettre : la Terre peut exister sans nous, mais nous ne pouvons pas vivre sans elle. « Les températures supérieures à 50 °C à l’ombre, qui vont devenir plus fréquentes, seront mortelles dans certaines régions du monde, où l’air saturé en humidité interdit toute évaporation de la sueur. Nous ne sommes pas uniquement devant le choix d’une politique économique pour faire face à une crise économique, sociale et environnementale. Le réchauffement et le dérèglement climatiques menacent la survie de l’humanité. C‘est une question de vie ou de mort ! ».

Mais la prise de conscience n’était pas seulement écologiste, elle était aussi démocratique : les 150 conventionnels ont découvert que « formation » pouvait rimer avec « manipulation ». Le Comité de gouvernance, qui seul décide de tout, avait pour mission implicite de retenir les seules propositions acceptables par le président de la République et il s’est employé à marginaliser les autres. Mais l’objectif poursuivi par Emmanuel Macron a subi en grande partie un échec.

Le travail de la Convention

Les propositions votées par les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat sont pour la plupart, des mesures que l’on retrouve dans le débat public ou dans les publications sur le changement climatique depuis plusieurs années. Pour autant, elles sont ambitieuses et montrent la prise de conscience grandissante des citoyens sur la gravité de la situation, sur l’urgence climatique et le respect de la biodiversité. Il y a aussi des mesures moins connues préconisant la production de plastiques biodégradables ou opposant la densification de l’habitat à l’artificialisation croissante des sols que provoque l’étalement urbain.

La réduction du temps de travail à 28 heures par semaine a été rejetée parce qu’elle n’était pas proposée comme moyen de faire reculer le chômage de masse, mais comme réponse à une réduction de la consommation qui était jugée nécessaire. C’est d’ailleurs pourquoi sa première présentation avait été accompagnée d’une baisse des salaires (mais « sauf des bas salaires »). La réduction du temps de travail est en partie hors sujet : elle ne permet pas de supprimer les besoins créés artificiellement par la publicité. Elle peut seulement être la réponse démocratique à l’augmentation permanente de la productivité du travail qui a permis au patronat de se gaver durant vingt ans. Après ces vingt ans, il serait temps que le capital rende au travail au moins une partie de ce qu’il s’était attribué. Proposer 28 heures (au lieu de 32 heures par exemple) avait un caractère maximaliste qui desservait la proposition. Elle a tout de même recueilli 35 % des voix exprimées.

La question du financement des propositions est importante. La Convention citoyenne a été mise sur pied après la révolte des Gilets jaunes contre la hausse de la taxe carbone. Cette taxe a été peu discutée tout au long de la Convention. Elle est malheureusement ressortie, sous la forme allusive d’un « moratoire sur l’évolution de la taxe carbone pendant cinq ans, le temps que les ménages soient informés de l’urgence climatique  ». Que ce point fasse l’objet d’un vote séparé, aurait permis à quiconque le voulait, de s’opposer à cette hausse des taxations sur la consommation. Mais ceci a été refusé : le droit élémentaire à la dissociation d’une partie du texte a été bafoué par la gouvernance de la Convention. Or, celle-ci avait auparavant décidé que, pour le vote, seraient associées la proposition PT4 (qui porte sur la gestion des emplois et des compétences) et la proposition PT5 (qui se prononce pour une semaine de travail légale de 28 heures). Mais finalement, elle s’est autorisée à exercer le droit à la dissociation pour que le rejet prévisible de la PT5 n’entraîne pas celui de la PT4. Deux poids, deux mesures !

Pour marquer mon opposition à cette taxation, j’ai été obligé de voter contre le document sur le financement, puis contre le rapport final. Ce faisant, j’ai rejeté, contre ma volonté, les très bonnes propositions présentées par ces textes. Mais je savais qu’elles seraient adoptées.

Les autres mesures sont très favorables : l’augmentation du taux d’imposition des dividendes versés aux actionnaires, un prélèvement de 4 % sur les dividendes au-delà de 10 millions d’euros, le renforcement de la taxation des transactions financières, l’augmentation de la taxe sur les GAFA, une nouvelle tranche d’imposition sur les hauts revenus, la création d’une taxe sur les profits des banques réalisés sur les projets d’investissement néfastes pour le climat (à hauteur de 40 % des profits réalisés), l’utilisation de la création monétaire par la BCE pour financer la transition climatique, au service des citoyens… Des baisses de taxes sur la consommation (TVA) sont aussi préconisées.

Cependant, parmi nos 149 propositions, on détecte quelques manques, notamment le soutien des pouvoirs publics aux mouvements d’éducation populaire intervenant exclusivement sur l’environnement (CPIE, AMAP, FNE, GRAINE…).

La réduction à 110 km/h de la vitesse maximale sur autoroute a été adoptée par deux tiers des voix exprimées.

Le texte sur les moyens de financement a été adopté par 102 voix pour, 22 contre et 18 blancs.

Le rapport final a été adopté par 134 voix pour, 7 voix contre et 9 blancs 

Emmanuel Macron ne s’est engagé à rien

Tout le monde a en tête que le Grenelle de l’environnement convoqué par Nicolas Sarkozy en 2007 avait suscité beaucoup d’espoirs, puis beaucoup de déceptions, les mesures envisagées étant pour beaucoup restées lettre morte. Ayons conscience qu’Emmanuel Macron veut mettre en œuvre les seules mesures qui attaquent le moins les profits. Il l’a montré en rejetant le prélèvement de 4 % sur les dividendes. Ce rejet indique l’orientation qu’il veut imposer et qu’il a tenté de justifier en prétendant que diminuer les dividendes diminuerait les investissements productifs ; argument faux puisque les profits, qu’ils soient distribués en dividendes ou gardés par l’entreprise, sont massivement placés spéculativement, car la spéculation rapporte davantage que l’investissement. Pour financer la transition climatique, la droite ne veut pas prélever les ressources nécessaires sur la masse des profits, mais sur les revenus du travail, salarié et indépendant.

Emmanuel Macron veut éviter le recours au référendum. Il préfère gouverner par l’adoption de mesures législatives qui seront amendées par les parlementaires au service de l’Élysée, ou par décrets gouvernementaux contrôlés par le Conseil d’État. Le président de la République pourra dire qu’il a adressé « sans filtre » nos propositions aux parlementaires et aux conseillers d’État, mais elles seront « adaptées » par amendements ou par transcription de la loi.

6 juillet 2020

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