Les carrières en moyenne plus courtes des femmes, leurs salaires plus faibles génèrent des pensions bien inférieures à celles des hommes. Il ne serait donc pas prévu de s’attaquer à ces inégalités, mais simplement de s’assurer que ces (plus faibles) pensions seront les mêmes pour les femmes quel que soit leur régime de retraite ? Autant dire un objectif qui abandonne la réduction des inégalités… au nom de l’équité !
Dans ce texte, après un retour sur la notion d’équité (1) et un rappel de la situation actuelle et de son évolution (2), on montrera que le calcul de la pension de base ne fait pas que reproduire les inégalités qui existent entre les hommes et les femmes au niveau des salaires, il les amplifie (3). Les régimes complémentaires, qui fonctionnent par points, les amplifient encore plus que les régimes de base par annuités : le calcul de la pension y est en effet basé sur l’entièreté de la carrière et des salaires, ce qui défavorise plus encore les femmes, d’autant plus que les dispositifs de solidarité y sont moins importants (4).
Les solutions pour combattre ces inégalités existent. Elles supposent déjà de ne pas adopter un système par points, comme envisagé. L’amélioration des pensions des femmes ne passe pas non plus par un renforcement des droits familiaux car ceux-ci sont à double tranchant : ils atténuent les inégalités mais ils enferment les femmes dans le rôle de mères et/ou ils constituent des incitations à se retirer de l’emploi, avec toutes les conséquences négatives ensuite sur le montant de leur pension (5).
Comment alors réduire et éliminer les inégalités entre les sexes (6) ? La bonne stratégie est celle qui allie amélioration des retraites et progrès vers l’égalité femmes-hommes. Elle consiste à faire en sorte que toute personne, particulièrement toute femme, puisse se constituer un droit propre à une pension suffisante. L’autonomie financière, et donc un emploi rémunéré, est une condition indispensable pour l’émancipation. Enfin, avantage non négligeable, améliorer les retraites des femmes en réalisant l’égalité salariale et en augmentant leur taux d’activité (en supprimant leurs difficultés d’accès à l’emploi) permet en même temps d’augmenter les ressources des caisses de retraite par de nouvelles cotisations (7).
Dans ce qui suit, les termes assortis d’une étoile (exemple : droit direct*) sont définis dans le glossaire en annexe 1.
1- Équité ?
L’équité est à la mode. Elle tend de plus en plus à remplacer l’égalité qui ne serait pas un objectif légitime du fait qu’il conviendrait de distinguer parmi les inégalités celles qui sont justes de celles qui sont injustes. L’équité serait alors l’égalité juste : ce qui signifierait que tout le monde doit avoir les mêmes chances au départ, et non pas que tout le monde doit avoir les mêmes résultats. Dans la réalité, l’utilisation du concept d’équité sert souvent à légitimer les inégalités en occultant les contraintes et les rapports sociaux qui les ont générées.
C’est justement le cas avec la réforme telle que présentée. Car adopter un objectif d’équité n’a rien à voir avec la formulation « à carrière identique, revenu identique, la retraite doit être identique ». Celle-ci ne fait que traduire l’objectif d’un calcul mécanique… ignorant précisément l’égalité ou l’inégalité des chances. Or ce qui doit être pris en compte, c’est le fait que tout le monde n’est pas sur la même ligne de départ, tout le monde ne subit pas les mêmes contraintes sociales. En particulier, les femmes n’ont pas les mêmes possibilités de carrière ni de revenu que les hommes.
Les normes sociales pèsent sur elles en leur attribuant la charge de l’éducation des enfants. Ce sont elles essentiellement qui se retirent de l’emploi, totalement ou partiellement, lors de l’arrivée d’un enfant. Souvent par manque de structures d’accueil de la petite enfance. Le fait est qu’elles n’ont pas les mêmes « chances » de réaliser la carrière complète qui ouvre droit à une pension à taux plein. Elles n’ont pas non plus les possibilités d’obtenir les mêmes revenus que les hommes, d’une part parce que le modèle de couple avec l’homme actif et la femme au foyer dans un rôle d’épouse et de mère n’a pas disparu, d’autre part parce qu’existe une ségrégation professionnelle qui fait que les femmes sont surtout cantonnées dans les emplois dits féminins moins valorisés et moins rémunérés, et enfin parce que les inégalités salariales entre les sexes existent même à travail de valeur égale. Au final, carrières plus courtes, temps partiel et salaires inférieurs aboutissent à des pensions très inférieures.
Ces inégalités sont d’autant plus injustes que globalement, les femmes ont un temps de travail total par jour supérieur d’une heure à celui des hommes [1], qu’elles consacrent au travail non rémunéré une part de leur temps qui est plus du double de celle qu’y consacrent les hommes (24 % contre 11 %), mais une fois à la retraite, elles se retrouvent avec des pensions dégradées par rapport aux hommes. Près de la moitié (45 %) d’entre elles se retrouvent avec des pensions trop basses qui sont alors repêchées par un minimum de pension*, ce qui n’est le cas que de 14 % des hommes.
L’engagement contre les inégalités entre les femmes et les hommes est un enjeu déterminant pour toute réforme des retraites.
2- Situation actuelle des inégalités et évolution
En 2016, la pension de droit direct* (avec majorations enfants*), est en moyenne de 1389 € bruts (1294 nets), se déclinant en 1065 € pour les femmes et 1739 € pour les hommes [Drees, 2018]. La pension des femmes est donc inférieure de 38,8 % à celle des hommes (c’est-à-dire leur pension représente 61,2 % de celle des hommes) ou, dit autrement, celle des hommes est supérieure de 63,3 % à celle des femmes.
Lorsqu’on inclut la pension de réversion*, l’écart de 38,8 % se réduit à 24,9 % ; la pension des femmes représente alors 75,1 % de celle des hommes.
- Remarque
Le coût important de la réversion (36 milliards d’euros par an) explique que le gouvernement étudie actuellement des pistes pour la réduire. Ce serait très malvenu compte tenu que les femmes représentent 90 % des 4,4 millions de bénéficiaires et que la pension de réversion constitue une part importante (25 %) de leur pension, contre à peine 1 % de celle des hommes.
Les femmes partent à la retraite en moyenne un an plus tard que les hommes ; 21 % d’entre elles attendent pour partir l’âge d’annulation de la décote*, contre 8 % des hommes. Les titulaires d’une faible pension de retraite sont surreprésentés parmi les femmes.
Dispositifs de solidarité Ils visent à réduire les inégalités de carrière lors du passage à la retraite et constituent le socle de la redistribution en faveur des personnes qui n’ont que peu de droits directs à la retraite, car elles n’ont pas eu une activité professionnelle suffisante, du fait qu’elles ont élevé des enfants, connu des périodes de temps partiel, de chômage, de maladie, accident du travail, ou eu de faibles salaires, etc. Ces dispositifs sont attribués gratuitement, c’est-à-dire sans contrepartie de cotisations salariales, ils sont dits « non contributifs ». Les femmes en sont les bénéficiaires principales à travers les droits familiaux liés aux enfants : la majoration de durée d’assurance (MDA)* et l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)* (seule la majoration pour trois enfants* bénéficie plus aux hommes) ; les droits conjugaux : la pension de réversion* ; et les minima de pensions*. Ces dispositifs permettent de réduire, sans les annuler, les inégalités de pension entre les femmes et les hommes. |
Comment évoluent les inégalités femmes-hommes ?
Le discours récurrent des gouvernements lors des réformes passées, et encore aujourd’hui, est de répéter que les écarts se réduisent progressivement. Ils se réduisent, oui, mais très lentement.
Source : Rapport annuel du COR 2016
Le graphe précédent montre une légère augmentation du niveau de pension relative (hommes, femmes et ensemble) jusqu’en 2014, et un écart entre hommes et femmes qui n’évolue que très peu. Et depuis 2015 (graphe suivant), cette pension baisse pour l’ensemble et, résultat des réformes passées, elle continuera de baisser quel que soit le scénario économique.
Obs = observé ET courbes projetées pour différents scénarios sur la croissance de la productivité (de 1 % à 2 %)
Cette baisse programmée est une conséquence du changement de mode d’indexation des pensions qui se fait sur les prix et non plus sur les salaires. Selon le rapport Moreau [2], les effets de ce changement « peuvent être considérables sur des retraites servies pendant 20, 30 ans ou plus ». En particulier, « le taux de pauvreté des plus de 75 ans est en nette augmentation. Au sein de cette population, les femmes isolées (notamment les veuves) sont surreprésentées ».
Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR), les retraites des femmes plafonneront à 90 % de celles des hommes ; en outre, ce taux ne serait atteint qu’en… 2050 ! Peut-on se satisfaire de cette lenteur et pire, peut-on se satisfaire d’une inégalité qui ne se résorbe jamais… sur fond de baisse générale des pensions ?
La tendance à l’amélioration a été freinée par les réformes passées
Les inégalités de pensions femmes-hommes auraient dû baisser plus sensiblement, car depuis 40 ans, les femmes sont plus actives, elles sortent plus diplômées que les hommes du système scolaire et elles ont de meilleures qualifications, ce qui se retrouve sur leur pension moyenne. Mais la tendance à la baisse a été contrariée, d’une part car la réduction des inégalités dans la participation à l’emploi, les salaires et dans la fréquence du temps partiel marque le pas depuis plus de 20 ans ; d’autre part et surtout, parce que les réformes passées ont pénalisé plus durement les femmes, avec des mesures comme l’allongement de la durée de cotisation, le passage des 10 aux 25 meilleures années pour le calcul de la pension, l’instauration de la décote* (qui touche plus les femmes), la diminution des majorations pour enfants. À l’inverse, les quelques mécanismes positifs, comme la retraite anticipée pour carrière longue ou la surcote*, concernent bien moins les femmes. Malgré tout, il y a eu de rares mesures qui ont permis de valider un peu mieux les périodes de temps partiel ou de maternité.
L’impact des réformes passées se fait sentir sur les montants des pensions de droit direct* au fil des générations : celle des femmes n’augmente plus et reste stable depuis la génération 1948, tandis que celle des hommes diminue depuis la génération 1946. Au final, si les inégalités de pensions entre les hommes et les femmes se réduisent (très lentement), ce n’est pas parce que la pension moyenne des femmes augmente, c’est parce que celle des hommes diminue !
3- La retraite amplifie les inégalités entre les femmes et les hommes…
On s’intéresse maintenant à la manière dont les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes sont répercutées au niveau de la retraite. Pour cela, on compare le ratio du salaire moyen des femmes et des hommes, tous temps de travail confondus, au ratio des pensions moyennes de droit direct* des nouveaux et nouvelles retraité·es de l’année 2016 (dernière année dont les données sont disponibles). Prendre en compte l’ensemble des retraité·es ne serait pas pertinent car les inégalités entre les sexes sont plus fortes pour les plus anciennes générations, mais il faudrait les comparer avec les inégalités de salaires pendant leur vie active, qui étaient elles-mêmes plus fortes à l’époque.
Le salaire des femmes, tous temps de travail confondus, représente en moyenne 74,3 % du salaire des hommes (2014). Mais pour les personnes nouvelles retraitées de 2016, la pension de droit direct des femmes ne représente que 69 % de celle des hommes [3]. Rappelons que la pension de droit direct intègre les dispositifs de solidarité liés aux enfants, comme la majoration de durée d’assurance* (MDA) et l’assurance vieillesse des parents au foyer* (AVPF), qui bénéficient essentiellement aux femmes. Le ratio de la pension des femmes à celle des hommes serait donc encore plus faible sans ces dispositifs de solidarité !
La retraite ne fait donc pas que reproduire les inégalités existant au niveau des salaires, elle les amplifie. Pour en comprendre les raisons, il est nécessaire d’examiner les pensions de base (Caisse nationale d’assurance vieillesse, CNAV et régimes alignés) mais aussi les pensions complémentaires (Agirc, Arrco, Ircantec…) au regard de leurs effets sur les inégalités entre les sexes. Certes, la part des retraites complémentaires est minoritaire dans les pensions de droit direct - elle en représente 27,4 % - mais ce sont des régimes par points qui par construction défavorisent plus les femmes, et en proportion ils contribuent plus aux inégalités.
Calcul de la pension dans les régimes de base (CNAV et régimes assimilés)
Ces régimes fonctionnent par annuités [4]. Le calcul de la pension de droit direct se base sur deux paramètres : le salaire moyen et la durée de carrière, qui chacun défavorise les femmes [5]. Le calcul en composant les deux paramètres accentue ainsi les inégalités. D’autant plus que le salaire moyen pris en compte résulte de la moyenne des 25 meilleures années, au lieu des 10 meilleures années avant la réforme de 1993. Plus le nombre d’années pris en compte est élevé, plus il pénalise les femmes : en effet, choisir les 25 meilleures années oblige à retenir plus de mauvaises années dans des carrières qui sont plus courtes et qui ont des périodes de temps partiel.
Un calcul donné en annexe 2 montre que, pour les plus jeunes retraité·es (tranche d’âge de 65 à 69 ans), le calcul de la retraite de base (CNAV et régimes alignés) amplifie les inégalités en faisant passer le ratio du salaire moyen femmes/hommes de 74,3 % à un ratio de pension de 67,5 %. À noter que dans ce calcul, la décote, qui sanctionne plus les femmes, n’a pas été prise en compte. Le ratio des pensions est en réalité plus faible que 67,5 %.
Avant donc de demander, comme le fait le Haut commissariat à la réforme des retraites : « la retraite doit-elle compenser les inégalités de carrière entre les femmes et les hommes ? », il serait bienvenu de veiller à ce qu’elle ne les augmente pas.
4- Les régimes par points défavorisent plus encore les femmes
Avant de présenter le fonctionnement de ces régimes, comparons les pensions de droit direct des femmes et des hommes dans les régimes actuels par points et par annuités.
- Comparaison des inégalités de pension entre les femmes et les hommes entre les régimes complémentaires par points et les régimes de base par annuités
Les principaux régimes complémentaires sont, par ordre décroissant d’effectifs : Arrco (salarié·es du privé), Agirc (cadres du privé), Ircantec (agent·es non titulaires de l’État et collectivités publiques), RSI complémentaire (régime spécial des indépendants), MSA complémentaire non-salariés (agriculture). Malgré la présence de quelques dispositifs de solidarité qui, comme pour les régimes de base, permettent d’atténuer les inégalités, les ratios entre la pension de droit direct des femmes et celle des hommes y sont inférieurs à ceux des régimes de base par annuités (tableau suivant).
Ratio entre la pension de droit direct des femmes et celle des hommes
Régimes par points | Régimes par annuités |
---|---|
Arrco : 61 %Agirc : 41 %Ircantec : 60 %RSI complémentaire : 51 %MSA complémentaire non-salariés : 43 % | CNAV : 74 %CNRACL : 90 %Fonction publique d’État : 85 %RSI commerçants : 58 %MSA non salariés : 74 % |
Source : Drees 2018 - Champ : ensemble des personnes retraitées en 2016.
Il y a deux raisons à cette situation, qui au fond sont liées. La première tient à la logique du régime par points : par construction, les pensions sont censées refléter au mieux l’ensemble des cotisations versées tout au long de la vie active. Ce qui ne peut que défavoriser toutes les personne qui ont des carrières heurtées, notamment les femmes qui ont moins d’années de vie active, moins de salaires et donc moins de cotisations versées. La seconde raison renvoie au fait que les dispositifs de solidarité, dont l’objectif est d’assurer une redistribution en faveur des personnes qui n’ont pas eu une activité professionnelle suffisante - femmes, chômeurs et chômeuses… - sont bien moins importants dans les régimes complémentaires que dans les régimes de base. Examinons ces deux raisons.
- Une logique de base des régimes par points qui pénalise les femmes
Dans un régime par points, on accumule des points en cotisant tout au long de sa vie active, les cotisations achetant des points. Au moment de la retraite, les points sont convertis en pension. La valeur du point à l’achat et celle du point lors de la conversion en pension sont calculées chaque année de manière à équilibrer les finances des caisses de retraite. Mais il n’y pas de taux de remplacement (rapport entre la pension et le salaire) fixé à l’avance - à la différence donc du régime par annuités -, et pas de visibilité sur sa future pension. L’exemple des régimes par points Agirc et Arrco n’est pas enviable : entre 1990 et 2009, le taux de remplacement a baissé de plus de 30 % dans chacun d’eux [6], ce qui est une baisse beaucoup plus sévère que dans le régime de base.
Le régime par points est basé sur une logique purement contributive, c’est-à-dire qu’il vise à ce que les pensions perçues par une personne pendant sa retraite soient proportionnelles à la somme actualisée de l’ensemble des cotisations versées au cours de sa carrière. La pension reflète ainsi l’ensemble des salaires perçus, et non plus les 25 meilleures années de salaires comme dans le régime par annuités. Dans la situation actuelle, caractérisée par des carrières de femmes en moyenne plus courtes, assorties de salaires plus faibles et de périodes de temps partiel, les inégalités de pension entre les sexes ne pourraient alors qu’en être encore accentuées par rapport au régime par annuités.
Une simulation [7] réalisée avec le modèle Destinie de l’Insee permet de s’en faire une idée : pour les générations nées entre 1950 et 1960, la somme des salaires perçus au cours de sa carrière par une femme ne représenterait en moyenne que 58 % de celle d’un homme. La somme des cotisations versées par les femmes ne représenterait, de même, que 58 % de celle des hommes et la pension moyenne des femmes serait aussi de 58 % de celle des hommes, contre, pour rappel, un ratio actuel de 69 % pour les pensions des nouveaux retraité·es !
La logique de construction des régimes par points qui vise une contributivité maximale du système n’empêche pas malgré tout, dans les régimes complémentaires du système de retraite actuel, la présence de quelques dispositifs de solidarité… toutefois bien moins importants.
- Des dispositifs de solidarité bien plus faibles que dans les régimes par annuités… et bénéficiant moins aux femmes
Dans les régimes par points, le poids des dispositifs de solidarité dans le montant des pensions n’est que de 6,9 %, contre 23,1 % dans les régimes de base par annuités [8]. De plus, en proportion, ces dispositifs bénéficient moins aux femmes. La solidarité y passe pour les deux tiers par l’attribution de points gratuits qui bénéficient plus aux hommes (1 milliard d’euros contre 0,6) et par la majoration de pension pours trois enfants* (montant de 1,3 milliard) qui, proportionnelle à la pension, bénéficie elle aussi beaucoup plus aux hommes. Malgré les revendications des organisations syndicales, les employeurs présents dans les organismes de gestion des retraites complémentaires ont toujours refusé d’introduire des dispositifs de minimum de pension*, dont on sait qu’ils sont le plus utiles aux femmes (dans les autres régimes, ces minima représentent 8,4 milliards d’euros en 2012, dont 6,6 vont aux pensions des femmes).
- Une évolution vers plus de contributivité, moins de solidarité et de redistribution
Cette présence plus faible des dispositifs de solidarité dans les régimes par points ne résulte pas d’un hasard de l’histoire, elle est en cohérence avec la logique de base de ces régimes. En phase également avec la tendance des réformes de retraite qui, en France comme dans les autres pays, renforcent la contributivité des systèmes et affaiblissent leur propriété de redistribution.
Certains considèrent cette évolution d’un œil favorable : il serait juste, après tout, que chacun·e récupère sa mise (ses cotisations) au moment de la retraite. Selon la doxa libérale qui mythifie la liberté individuelle et la responsabilité qui en découle, toute personne est en effet responsable de sa vie et donc de sa carrière professionnelle. La plupart des inégalités sont alors justes, pourquoi organiser une solidarité coûteuse pour les réduire ? C’est une conception insensée qui ignore les rapports de domination, les contraintes économiques et sociales.
Le choix d’un régime par points, on vient de le montrer, ne peut que pénaliser les personnes aux carrières insuffisantes, il s’oppose frontalement à l’objectif d’équité affiché. On est en droit de se demander ce qu’il adviendra des pensions de ces personnes, d’autant plus que Jean-Paul Delevoye a déclaré qu’il n’y aurait pas de points gratuits : quid alors des dispositifs de solidarité attribués « gratuitement » sans contrepartie de cotisations ? Le cadrage défini par le Haut commissariat à la réforme indique qu’il faut « redéfinir leurs objectifs et clarifier la nature de leur financement ». Ne relèvent-ils pas plutôt de la solidarité nationale via l’impôt ? demande M. Delevoye. Dans le contexte actuel de recherche tout azimut de baisse des dépenses publiques, il y a là un risque supplémentaire de régression.
Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne les inégalités entre les femmes et les hommes, il n’est pas sûr que la bonne démarche pour les combattre passe par le renforcement des droits familiaux.
5- Les droits familiaux, un dilemme
Les dispositifs de solidarité accordés au titre des enfants (droits familiaux), tout indispensables qu’ils soient, sont à double tranchant et constituent un dilemme. Quatre cas se présentent.
1 - Si ces droits sont accordés aux seules femmes (comme l’était, avant les réformes, la majoration de durée d’assurance* de 2 ans par enfant au régime général, et d’un an par enfant dans la fonction publique), ils enferment les femmes dans le rôle de mères, validant ainsi une pérennisation des rôles sexués qui s’oppose à l’égalité. De plus, des droits attribués uniquement aux femmes sont devenus en porte-à-faux par rapport aux directives européennes.
2 – Depuis 2010, la MDA dans le régime général a changé. Elle attribue un an à la mère au titre de la maternité, et un an au père ou à la mère, au choix du couple, au titre de l’éducation. Ce n’est qu’un habillage un peu différent du cas précédent, avec comme avantage une formulation neutre conforme au principe de non-discrimination, et comme inconvénient, l’apparition de problèmes en cas de désaccords entre les parents, particulièrement en cas de divorce. Au final, ce dispositif valide les choix des couples qui eux-mêmes reproduisent les normes sexuées, il contribue donc aussi à les pérenniser.
3 - Si les droits sont réservés au parent, père ou mère, qui diminue ou cesse son activité pendant les premières années de l’enfant - ce qui est le cas de l’AVPF* et de la MDA* dans la fonction publique -, ce sont des incitations à se retirer de l’emploi. Or de fait, ce sont les femmes essentiellement qui réduisent ou cessent de travailler pour s’occuper d’un enfant, ce qui nuit à leur droit à pension. Le résultat final contredit l’objectif initial.
4 - Si les droits sont accordés sans condition de cessation d’activité aux deux parents (exemple la majoration de pension* de 10 % pour 3 enfants) alors que ce sont les femmes qui assument l’essentiel des tâches parentales et en sont pénalisées, ces droits n’atténuent en rien l’inégalité entre les sexes (la majoration pour enfants l’augmente même, voir glossaire), ils n’ont aucune légitimité.
Il n’est donc pas rationnel de penser assurer l’égalité de pension des femmes et des hommes par des droits familiaux. Pour être utiles, ces droits devraient être ciblés sur les femmes (cas 1) : mais l’égalité des pensions ainsi obtenue serait acquise au détriment de l’égalité des rôles sociaux et de l’émancipation des femmes. Les droits familiaux restent indispensables dans la situation actuelle et il ne peut être question de les réduire tant que l’égalité en amont n’aura pas progressé. Mais la bonne démarche pour s’attaquer aux inégalités de pension entre les sexes ne passe pas par leur renforcement. Comment alors combattre ces inégalités ?
6- Comment lutter contre les inégalités entre les sexes ?
D’abord se poser la question du modèle d’égalité femmes-hommes souhaité
L’idée n’est pas d’aboutir à des pensions équivalentes pour les hommes et les femmes en acceptant la dissymétrie des rôles masculins et féminins car elle a une responsabilité majeure dans la fabrication des inégalités.
L’idée est de viser un modèle où les hommes s’investiraient autant que les femmes dans l’éducation des enfants et les tâches domestiques (et non un modèle où les mères, tout au moins celles qui en auraient les moyens, s’en désinvestiraient en sous-traitant ces tâches à du personnel de service, ce qui ne ferait que renforcer les inégalités entre les femmes elles-mêmes). Avec un partage égal des tâches entre les sexes, et moyennant une réduction du temps de travail pour tout le monde, les femmes n’auraient plus à travailler à temps partiel pour « concilier vie professionnelle et vie familiale ». Réduire le temps de travail permettrait une meilleure qualité de vie, une réduction du chômage par le partage du travail, et un partage plus équitable des richesses produites.
Certes, ce modèle ne sera pas atteint du jour au lendemain, mais il permet de tracer une voie et de définir des mesures pour progresser sur cette voie en cohérence avec l’objectif visé.
Se poser aussi la question du modèle de retraite
Il doit permettre d’obtenir une pension suffisante, ce qui signifie déjà qu’il faut diminuer la durée de cotisation exigée pour une pension à taux plein, de manière à rapprocher cette durée de celle qui est concrètement réalisée. L’inverse donc des réformes passées. La durée exigée deviendra en effet de plus en plus difficile à atteindre, car les jeunes entrent plus tardivement le marché du travail, et à l’autre bout, les employeurs continuent de se débarrasser des seniors. Pour la génération née en 1946, la durée moyenne de carrière cotisée n’est ainsi que de 32,5 ans, la durée validée est de 37,5 ans (et pour les femmes, seulement de 36 ans), contre une durée exigée de 40 ans. Le résultat de cet écart grandissant est une dégradation des pensions.
L’objectif est de faire en sorte que toute personne, et particulièrement toute femme, puisse se constituer un droit propre à une pension suffisante, en agissant de manière cohérente pour favoriser l’égalité et l’émancipation de chacun·e.
Se constituer un droit propre implique notamment de ne pas considérer la pension de réversion, droit dérivé du statut conjugal, comme une solution acceptable pour assurer la vieillesse des femmes au foyer. L’objectif de la pension de réversion, qui reste indispensable, vise à assurer la continuité de niveau de vie pour un couple après le décès de l’un des deux conjoints. Mais l’émancipation passe pour toute personne par l’autonomie financière, c’est-à-dire par un emploi rémunéré qui ouvrira un droit propre à une pension.
Concrètement, pour réduire les inégalités :
Il est nécessaire bien sûr d’agir en amont de la retraite en luttant contre les inégalités dans la vie professionnelle (carrières et salaires) et dans la vie personnelle. Rappel rapide et non exhaustif :
- remettre en cause les stéréotypes sur rôles sexués, viser l’égalité dans le partage des tâches parentales et domestiques, éduquer à l’égalité dans l’enseignement,
- modifier le congé parental de manière à ce qu’il soit partagé de manière égale entre les deux parents, raccourci mais mieux rémunéré,
- lever les obstacles à l’emploi des femmes en développant les modes d’accueil de la petite enfance, à un coût abordable.
Remarque : l’égalité des taux d’emploi des femmes et des hommes (harmonisés par le haut) et celle des salaires permettraient en outre d’améliorer très sensiblement les ressources des caisses de retraites (paragraphe 7).
Concernant la retraite, la logique à mettre en œuvre vise à augmenter les droits propres des femmes à une pension hors droits familiaux. Pour cela, il faudrait :
- bien sûr, en premier lieu, abandonner le projet d’un régime par points ;
- modifier le calcul de la pension de manière à renforcer le lien entre pension et meilleurs salaires : ce sera favorable à tous, mais plus encore aux femmes ;
Exemple : actuellement, le calcul prend comme référence de salaire la moyenne des salaires sur les 25 meilleures années, ce qui, on l’a vu, pénalise les femmes. Une mesure juste serait de calculer cette référence sur les n meilleures années, n étant défini relativement à la durée de carrière effectuée, 25 % par exemple. Pour une carrière de 40 ans, on retiendrait les 10 meilleures années (retour au calcul d’avant la réforme de 1993) ; pour une carrière de 32 ans, on retiendrait les 8 meilleures années ;
- instaurer une surcotisation patronale sur l’emploi à temps partiel : l’employeur cotiserait sur la base d’un temps plein, permettant ainsi d’augmenter la pension de la personne à temps partiel. L’emploi à temps partiel, très souvent imposé par l’employeur, lui est très bénéfique : cette surcotisation est légitime. Pour rappel, l’emploi à temps partiel a dans tous les cas des conséquences très négatives. Une réduction générale de temps de travail et un partage des tâches au sein des couples devrait permettre d’en réduire la fréquence ;
- revenir sur les mesures des réformes passées qui ont réduit les droits directs à pension : diminuer la durée de cotisation exigée jusqu’à une durée réalisable (déjà mentionné) et revenir à une indexation sur les salaires et non sur les prix, l’indexation sur les prix ayant une forte responsabilité dans la baisse des pensions.
Remarque : il faudrait aussi discuter du système de partage des droits à la retraite au sein d’un couple, appelé splitting (qui existe notamment en Allemagne). L’idée est qu’un couple mutualise les droits à la retraite, qui sont ensuite partagés entre les deux membres. Ce système peut être intéressant dans les cas de divorce pour partager entre les conjoints les droits acquis par le couple pendant la période de vie commune et il faudrait réfléchir à toutes les conséquences dans différentes situations. Mais ce système n’assure pas la continuité de niveau de vie après le décès d’un conjoint, il ne peut pas remplacer la pension de réversion.
L’étude du financement n’entre pas le cadre de ce texte, mais on a montré par ailleurs [9] qu’il est possible de financer les pensions, y compris d’en revaloriser les minima, pour toutes les personnes retraitées. En particulier, il est intéressant de noter que l’égalité entre les hommes et les femmes des taux d’activité et des salaires conduirait à une amélioration sensible des ressources des caisses de retraites.
7- Salaires et taux d’activité : quand l’égalité paie
Égalité salariale
Les salaires des femmes, tous temps de travail, représentent 74,3 % de ceux des hommes (et 80 % en équivalent temps plein). L’ordre de grandeur du gain de cotisations qui résulterait de l’égalité salariale pourrait être de 14 % du volume de cotisations [10]. Un gain non négligeable.
En 2010, à la demande de la CGT, la CNAV a fait une simulation pour évaluer l’impact de l’égalisation par le haut des salaires entre les sexes. Le gain par an pour la CNAV (différence entre les ressources supplémentaires et les dépenses supplémentaires) serait de 11 milliards d’euros environ une fois l’égalité réalisée (projetée en 2023 dans cette simulation). Le gain diminuerait ensuite à 5,5 milliards en 2050, du fait que la hausse des salaires des femmes entraînerait plus tard la hausse de leurs pensions. On peut mettre ces gains en regard du montant des cotisations perçues par la CNAV, qui étaient en 2016 de 77,5 milliards d’euros.
Égalité des taux d’activité
Actuellement (2016), les femmes ont un taux d’activité de 67,6 % contre 75,4 % pour les hommes, soit un écart de 7,8 points. Cet écart valait 31 points en 1975. L’activité des femmes a régulièrement augmenté, mais il reste encore beaucoup de progrès à faire, la France n’étant qu’au 15e rang de l’Union européenne en la matière. Une plus forte activité des femmes, en plus de favoriser leur autonomie, apporterait des ressources de cotisation (vieillesse, maladie…) supplémentaires.
Un calcul de l’effectif de population active fait pour l’année 2014 sous l’hypothèse d’un taux d’activité des femmes égal à celui des hommes donne un gain de 5,6 % par rapport à l’effectif réel. Ce gain se traduirait, en première approximation et toutes choses égales par ailleurs, par un accroissement relatif de même ampleur du volume de cotisations.
Ce n’est pas négligeable, et il est regrettable que les projections de l’Insee, que reprend le Conseil d’orientation des retraites dans ses études de perspectives, renoncent à envisager une amélioration de l’activité des femmes [11] et donc à rendre publique son influence sur l’amélioration des finances. La situation inégalitaire actuelle est pérennisée, sauf pour la tranche d’âge au dessus de 45 ans pour laquelle est projetée une légère augmentation du taux d’activité féminin (pour suivre les objectifs de hausse du taux d’activité des seniors…)
Bien entendu, plus d’activité féminine et de meilleurs salaires pour les femmes influeront ensuite à la hausse sur les pensions qui leur seront versées. Mais les gains doivent être considérés globalement et non du seul point de vue de la retraite. Ainsi, l’égalité de salaires et de taux d’activité entraînera en parallèle un supplément de cotisations à l’assurance maladie, sans contrepartie de dépenses supplémentaires ; de même, le montant distribué en ASPA (allocation aux personnes âgées*) diminuera du fait que les femmes disposeront de meilleures pensions ; de même, les pensions qui leur seront versées à titre de droit propre remplaceront souvent les prestations versées au titre de la solidarité ou de la réversion.
Conclusion
La retraite des femmes ne doit pas être considérée comme un cas particulier de la question des retraites, comme c’est encore souvent le cas : les femmes sont la moitié de la population, près de la moitié de la population active et plus de la moitié des retraité·es. Réfléchir à la retraite à partir de la situation des femmes permet de tracer une démarche cohérente qui améliore le système dans son ensemble.
Ainsi, on comprend qu’un système par points ne peut qu’accentuer les inégalités et dégrader les pensions des personnes aux carrières heurtées. Et on ne peut pas compter sur un renforcement des dispositifs de solidarité pour compenser car, outre le contexte actuel de remise en cause des aides sociales, ce n’est de toute manière pas la bonne voie pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes.
Une réforme des retraites, pour être équitable, doit déjà veiller à ce que le système n’amplifie pas les inégalités de la vie professionnelle, et ensuite à ce qu’il permette à toute personne de se constituer un droit propre à une pension suffisante, en respectant l’exigence d’égalité entre les sexes.
En amont de la retraite, la résorption des inégalités de salaires et d’emploi demandera du temps et des politiques volontaristes. Mais l’égalité entre les femmes et les hommes n’a-t-elle pas été décrétée grande cause du quinquennat ?
Annexe 1
Glossaire
AVPF (assurance vieillesse des parents au foyer)
L’AVPF permet aux personnes qui élèvent un ou plusieurs enfants et qui n’ont pas d’activité professionnelle à temps complet d’acquérir des droits à pension sous certaines conditions. Les trimestres passés dans la situation ouvrant droit à l’AVPF sont validés pour la retraite et les années concernées peuvent entrer, sous certaines conditions, dans le calcul du salaire moyen servant au calcul de la pension, sur la base d’un Smic.
Décote/surcote
Minoration/majoration du montant de pension, appliquée lors du calcul sur le taux de pension (voir annexe 2) lorsque la durée d’assurance au moment de la liquidation est inférieure/supérieure à la durée exigée pour le taux plein. Il n’y a pas de décote pour une liquidation à l’âge du taux plein (67 ans).
Majoration de durée d’assurance (MDA)
C’est une attribution gratuite de trimestres au titre de l’accouchement et de l’éducation des enfants. Au régime général, la majoration est d’un an pour la mère au titre de la maternité, et un an à répartir entre la mère et le père au choix du couple, au titre de l’éducation. Dans la fonction publique, avant la loi de 2003, les femmes bénéficiaient d’une MDA d’un an par enfant. Avec la loi, pour les enfants nés avant 2004, les mères gardent la majoration d’un an à condition toutefois que la naissance ait eu lieu lorsqu’elles étaient déjà fonctionnaires (ce qui a fait perdre des trimestres à de nombreuses femmes). Pour les enfants nés après 2004, la majoration vaut 6 mois pour la mère au titre de l’accouchement, à quoi s’ajoute la validation des périodes d’interruption ou de réduction d’activité, pour la mère ou le père, à concurrence de 3 ans.
Majoration de pension pour trois enfants et plus
La plupart des régimes (base et complémentaires) accordent une majoration (bonification) de pension dès lors qu’un parent a élevé trois enfants ou plus. Ce dispositif s’inscrivait à l’origine dans une politique nataliste. La majoration est de 10 % au régime général, avec ajout de 5 % par enfant supplémentaire dans la fonction publique. Compte tenu de leur pension en moyenne supérieure, ce sont les hommes qui bénéficient le plus de cette majoration (64,5 % des 7,6 milliards distribués en 2012), alors que ce sont les femmes qui subissent une pénalisation de leur pension du fait de l’éducation des enfants. Ce dispositif accroît les inégalités, il doit être remis à plat.
Minimum de pension
Un minimum de pension, dit minimum contributif (MICO) a été introduit au régime général en 1983, avec l’idée que les personnes ayant cotisé toute leur vie doivent toucher une pension supérieure au minimum vieillesse. L’équivalent dans la fonction publique est le minimum garanti (MIGA). Ces minima sont en partie financés par Fonds de solidarité vieillesse (FSV) via la CSG.
Minimum vieillesse (ancien nom de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ASPA)
L’ASPA est une allocation versée aux personnes de plus de 65 ans dont les revenus sont peu élevés. Elle vient en complément des autres revenus, pour permettre d’atteindre 833,20 € par mois pour une personne seule et 1293,54 € pour un couple. Elle est susceptible d’être récupérée par l’État sur la succession de l’allocataire lors de son décès.
Pension de droit direct
Elle est acquise en contrepartie de l’activité professionnelle et donc des cotisations versées (trimestres cotisés) et aussi des trimestres acquis du fait des dispositifs de solidarité (trimestres assimilés). L’ensemble constitue les trimestres validés La pension de droit direct intègre les majorations de durée pour enfants (MDA) et l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui sont les principaux droits familiaux bénéficiant aux femmes. Elle exclut les majorations de pension pour trois enfants (sauf mention explicite), ainsi que les pensions de réversion.
Pension de réversion
C’est un droit dérivé, au sens dérivé du statut d’époux ou d’épouse, par opposition à droit propre. La réversion n’est pas toujours considérée dans les études comme un dispositif de solidarité. Lors du décès d’un retraité ou d’une retraitée, sa ou son conjoint bénéficie du versement d’une partie de sa pension. Le pourcentage ainsi que les conditions d’âge ou de ressources pour percevoir cette pension diffèrent selon les régimes.
Annexe 2
Le calcul de la pension dans le régime général amplifie les inégalités entre les sexes en cumulant inégalités de salaires et de durée de carrière
Calcul dans le régime de base CNAV et régimes assimilés du ratio de la pension d’une femme à celle d’un homme pour des personnes ayant eu la carrière moyenne des retraité·es de 65 à 69 ans.
La formule du calcul de la pension annuelle est :
pension = salaire annuel moyen x taux de la pension x (durée d’assurance au régime général) / (durée de référence pour obtenir une pension à taux plein) |
Taux de la pension :
Si la durée d’assurance (le nombre de trimestres validés) est égale ou supérieure à la durée de référence exigée pour la pension à taux plein, le taux de la pension vaut 50 %. Si la durée validée est inférieure, une décote est appliquée et le taux de la pension est alors inférieur à 50 %. Laissons ici de côté la décote pour simplifier le calcul, et prenons le taux plein de 50 % pour l’homme et la femme.
Le rapport pension femme/pension homme s’écrit alors :
(pension femme)/(pension homme) = (salaire femme)/(salaire homme) x (durée validée femme)/(durée validée homme) |
Pour les retraité·es de 65 à 69 ans [12], la durée moyenne de carrière validée, qui intègre donc les majorations de durée d’assurance attribuées au titre des enfants, est :
pour les hommes : 39,3 ans = 157,2 trimestres
pour les femmes : 35,7 ans = 142,8 trimestres, soit un écart est de 3,6 ans.
En réalité, compte tenu de la durée de référence exigée pour les générations considérées, il doit y avoir une décote pour la femme : le calcul ici, en surévaluant sa pension, donnera une inégalité de pension plus faible qu’en réalité.
Pour le rapport salaire femme/salaire homme, on prend la moyenne des salaires tous temps de travail qui est de 74,3 %. L’écart sur les salaires est donc de 25,7 %.
Résultat : pension femme/pension homme = 0,743 x 142,8/157,2 = 67,5 % , soit un écart de 32,5 %.
Le calcul de la pension amplifie l’inégalité entre les femmes et les hommes en transformant une inégalité de salaires de 25,7 % en une inégalité de pensions de 32,5 %. |
Remarque : ce calcul ne tient pas compte de la décote sur la pension des femmes. L’inégalité sur les pensions est donc ici minimisée.
juillet 2018