La Campagne Boycott, désinvestissement et sanctions

jeudi 25 octobre 2018, par Imen Habib *

La Campagne BDS a été lancée en 2005 par plus de 170 associations de la société civile palestinienne, un an après l’avis de la Cour internationale de justice demandant la démolition du mur de l’apartheid en Palestine occupée.

Elle a été lancée avec trois revendications :

  • la fin de l’occupation et de la colonisation des territoires palestiniens ;
  • l’égalité pour les palestiniens d’Israël ;
  • le droit au retour des réfugiés palestiniens.

Il convient de préciser que ces trois objectifs s’inscrivent tous dans le droit international, et que les réfugiés constituent la part la plus importante du peuple palestinien aujourd’hui.

Cette campagne anti-raciste et non violente s’inspire directement de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, comme c’est explicitement souligné dans son appel fondateur :

« Inspirés par la lutte des Sud-Africains contre l’Apartheid et dans l’esprit de la solidarité internationale, de la cohérence morale et de la résistance à l’injustice et à l’oppression.Nous, représentants de la société civile palestinienne, invitons les organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier à imposer de larges boycotts et à mettre en application des initiatives de retrait d’investissement contre Israël semblables à ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid. Nous vous appelons à faire pression sur vos États respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. Nous invitons également les Israéliens scrupuleux à soutenir cet appel dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix. » [1]

C’est une campagne qui est rapidement devenue internationale, elle se développe aujourd’hui partout dans le monde (Europe, Amérique du Nord, Afrique, Asie...). [2]

En France, nous l’avons lancée en 2009, après l’attaque israélienne « plomb durci » à Gaza qui avait fait en 2008-2009 plus de 1400 morts. Nous nous sommes dit qu’il était temps de se donner les moyens de coordonner à l’échelle nationale une campagne coordonnée et axée autour du développement de cette campagne palestinienne « BDS ».

Pour nous, il est très important d’être en phase avec les revendications de la société civile palestinienne. La Campagne BDS est l’une des campagnes de solidarité la plus importante aujourd’hui pour le peuple palestinien, qui lutte pour sa survie.

Les gouvernements du monde, en particulier en Occident, parlent d’un « cycle de violence » dans lequel les deux camps ont une responsabilité, fermant les yeux sur l’origine même du conflit colonial et sur leur propre complicité qui a permis à Israël de pérenniser cette situation et de violer le droit international en toute impunité. Aujourd’hui, pratiquement tous les Palestiniens appellent à boycotter le régime israélien et à l’isoler sur le plan international, dans tous les domaines, comme on l’a fait dans le passé contre l’apartheid sud-africain.

Nous savons qu’il y a de fortes réactions de relais d’Israël face à cette campagne, comment cela se passe-t-il ? 

Cela se traduit par différents moyens, qui sont à la fois similaires et qui diffèrent aussi d’un pays à un autre.

En France, cela se traduit par des procès de la part d’officines pro-israéliennes et/ou du CRIF depuis plusieurs années. La plupart de ces procès ont abouti à des relaxes, mais l’appel au boycott des produits israéliens a été pénalisé par la Cour de Cassation. Depuis les relais d’Israël en France s’appuient sur cette seule décision de justice pour affirmer que la Campagne BDS serait devenue illégale en France.

C’est très important de rappeler que c’est faux, y compris auprès de ceux qui, parmi les soutiens du peuple palestinien, pourraient le croire. D’abord, il s’agit d’une seule décision de justice, qui ne fait donc pas jurisprudence et qui est contestée par un recours auprès de la CEDH (Cour européenne des droits de l’Homme) qui devrait rendre son avis en 2019. Ensuite, la Campagne BDS est beaucoup plus large que le boycott des produits de l’apartheid israélien, il cible aussi dans le volet du D de BDS le désinvestissement d’entreprises, notamment françaises, complices de violations du droit international et de l’oppression du peuple palestinien. [3]

Cela se traduit également par des menaces et des intimidations, comme on a pu le voir avec des groupuscules sionistes, ou comme avec le hacker franco-israélien « Ulcan » qui avait également dans ses cibles des journalistes, des personnalités...

Et puis, signe de la droitisation du régime, l’État d’Israël a mis en place une liste d’interdiction d’entrée en Israël de citoyens de différents pays, pour le seul fait d’être suspectés d’avoir une opinion politique critique à l’égard du régime israélien. À travers cela, c’est la solidarité internationale aux Palestinien-es que l’État D’Israël cherche à empêcher, puisque, pour se rendre en Palestine occupée, on doit passer par des contrôles israéliens.

Quels sont les objectifs en France et ailleurs pour la campagne aujourd’hui ?

Après la nouvelle loi israélienne « État Nation » votée en juillet dernier qui institutionnalise l’apartheid, nous devons plus que jamais faire progresser la Campagne BDS en France et à l’échelle internationale. Notre objectif est d’intensifier la campagne et de l’enraciner, dans les mouvements sociaux, dans les mouvements anti-guerres, anti-racistes et anti-colonialistes, et aussi dans les quartiers populaires.

Aujourd’hui la Campagne BDS France est mobilisée dans la campagne internationale pour un embargo militaire contre Israël. La machine de guerre israélienne, y compris son organe de recherche, doit faire l’objet d’un embargo militaire international total.

Israël ne se contente pas d’opprimer les Palestiniens ; il exporte son modèle sécuritaire et répressif brutal dans le monde. Israël est fortement impliqué dans l’entraînement et l’armement des escadrons de la mort en Amérique du Sud, souvent en tant que mandataire des États-Unis, et vend des armes et un savoir-faire militaire aux forces de police de Ferguson, Los Angeles, Londres et d’autres villes dans le monde. Israël est aujourd’hui un acteur majeur de la répression nationale contre des mouvements pour la justice raciale, sociale, économique et environnementale dans le monde.

Concrètement, la Campagne BDS France se mobilise depuis plusieurs mois contre la société d’assurance AXA, qui a des investissement dans ELBIT Systems, l’une des principales sociétés d’armement israélienne.

  • Elbit Systems fabrique 85 % des drones de l’armée israélienne. En réalité, Elbit commercialise des équipements qui ont été testés « sur le terrain », c’est-à-dire sur les corps des Palestiniens. Les drones Hermes et le mini-drone 7.5 Skylark d’Elbit ont été utilisés lors des différentes attaques d’Israël contre Gaza assiégée. Un rapport des Nations unies sur l’attaque israélienne de Gaza en 2014, où plus de 2191 civils palestiniens ont été assassinés, suggère que les actions d’Israël peuvent relever de crimes de guerre selon le droit international.
  • Elbit fournit également l’électronique du mur de l’apartheid dans les territoires palestiniens occupés, mur déclaré illégal par la Cour internationale de justice en 2004.
  • Elbit est accusée d’avoir fourni à l’armée israélienne des obus interdits à base de phosphore blanc contre la population civile de Gaza.

En investissant dans ces compagnies et ces banques, AXA est complice de la perpétuation de décennies de violations par Israël des droits humains palestiniens et du droit international, et cela en contradiction directe avec ses propres principes directeurs et les directives internationales.

La réponse du président d’AXA lors de la dernière assemblée générale du groupe, a été d’affirmer qu’Elbit Systems « ne rentrait pas dans le cadre d’une politique d’exclusion de leur politique d’investissements responsables ».

Mais AXA a également des investissements dans trois banques israéliennes : Hapoalim, Leumi et Mizrahi Tefahot. Un rapport du centre recherche israélien Who Profits (« Qui profite ») a montré que toutes les banques israéliennes sont impliquées dans l’infrastructure financière de toutes les activités de compagnies, d’agences gouvernementales israéliennes et de personnes liées au maintien de l’occupation.

Jusqu’à présent, AXA refuse de nous recevoir et d’entendre nos arguments. Nous continuerons donc cette campagne jusqu’à ce qu’AXA se conforme à sa propre charte éthique, et nous appelons à participer à cette mobilisation, qui nous l’espérons va se développer à l’échelle internationale puisque nous sommes en train de participer à la création à une coalition « Stop Axa assistance to israeli apartheid ».

P.-S.

Note de la rédaction : Nous profitons de cet article pour dire avec une profonde tristesse que Véronique Vilmont nous a quittés. Elle fut animatrice en Gironde de la Campagne BDS, de Solidarité Palestine 33 et membre d’Attac 33. Nous adressons toutes nos condoléances et notre amitié à sa famille et ses amis. JMH.

Notes

[1Source.

[2Attac est signataire de la Campagne BDS.

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