Catalogne : une crise majeure dans l’État espagnol

mardi 19 décembre 2017, par Francis Viguié

L’État espagnol n’est pas l’État français !

Analyser l’État espagnol à partir de la grille d’analyse de l’État français n’est pas pertinent et source d’incompréhensions. Tout d’abord, l’Espagne n’a pas connu de révolution comme la France avec la Révolution de 1789. Ce bouleversement majeur du point de vue des idées, de l’unification territoriale par la République n’a pas eu lieu. Les républiques ont été des plus courtes. La première a duré de février 1873 à décembre 1874, la seconde de 1931 à 1939 avec la guerre civile dès 1936 ! En revanche, les dictatures restent au pouvoir des dizaines d’années.

La dictature de Primo de Rivera dure de 1923 à 1930, et, après sa victoire, Franco sera au pouvoir jusqu’à fin 1975. Franco et son régime national catholique, dont une des valeurs clés est « l’Espagne une, grande et indivisible », mettront à nouveau en place la monarchie. À sa mort en 1978, il n’y aura pas de rupture avec le franquisme, mais une transition avec un projet d’une nouvelle constitution, soutenu par la majorité des partis politiques, à l’exception de l’extrême gauche. La constitution sera adoptée par référendum. Elle écarte la république au profit de la monarchie, en instaurant un roi qui est le chef des armées, et maintient l’unité de l’Espagne, toujours indivisible, en écartant toute idée d’État fédéral [1] ou confédéral.

Pourtant, la question nationale est très présente et depuis longtemps. Inscrites dans l’histoire, dotées d’une langue parlée et écrite, la Catalogne, le Pays basque et la Galice ont eu, chacune, un gouvernement propre durant la Seconde République. Leurs gouvernements ont été supprimés et leurs langues interdites sous le franquisme, dans une tentative de les éradiquer. Lors de la transition, les gros partis nationalistes et les partis de gauche ont accepté les « statuts d’autonomie » comme base de départ permettant de redonner une vie officielle à leur langue, leur culture, tout en envisageant une évolution à venir de la question nationale.

La république a, dans l’État Espagnol, une portée, une histoire forte de rupture avec l’ordre dictatorial ou monarchique.

C’est aujourd’hui tout ce régime de la transition qui est en crise et pas seulement en Catalogne. Nous allons traiter dans cet article de la Catalogne, mais nous devons garder en tête la crise globale de l’État espagnol. La crise économique, la corruption des partis de gouvernement, la volonté centralisatrice du gouvernement Parti populaire (PP) ont produit plusieurs mouvements ouvrant de larges fissures dans les piliers du système. La crise et la corruption ont permis l’émergence de mouvements sociaux puissants comme les « indignés », le 15M, les « mareas », les marches de la dignité. La traduction politique a été l’apparition de nouveaux partis et la fin du bipartisme PP-PSOE. Il a fallu deux élections générales (législatives), en décembre puis en juin 2017, et pour finir l’abstention du PSOE, pour qu’un gouvernement Rajoy soit élu. PP et PSOE ont perdu des millions de voix au profit de forces comme Podemos ou Ciudadanos. Il a fallu renvoyer chez lui le roi Juan Carlos, corrompu, grand chasseur d’ours ou d’éléphants, et nommer son fils Felipe pour tenter de rendre un peu plus présentable cette monarchie noyée dans les scandales de la corruption.

Concernant les autonomies, la Catalogne démontre l’impasse de la constitution actuelle pour répondre à la question nationale.

Du catalanisme culturel à l’indépendantisme

La crise catalane vient de loin et n’est pas une surprise. Reprenons le fil de l’histoire de ces dernières années. Le statut d’autonomie issu de la transition est perçu comme un point de départ et non comme le but final. Déjà, durant son mandat (2003-2006) de président de la Generalitat, Pasqual Maragall (PS) proposait d’avancer vers un projet fédéral. En 2005, avec Zapatero (PS) au gouvernement, le parlement catalan, puis le parlement espagnol, adoptent un nouveau statut voté par tous les partis sauf le PP. Il sera ensuite soumis par référendum au peuple catalan. Étant déjà voté au parlement espagnol et au parlement catalan, il ne mobilise que 49 % des Catalans. Pour être précis, vu l’ampleur des débats sur le nombre de votants et l’existence même des référendums, les « pour » représentent 73,9 % soit 1 899 897 votants et les « contre » 20,5 % soit 533 742 votants. Ce nouveau statut adopté par les parlements espagnol et catalan, puis par référendum, devait sceller un accord nouveau et une avancée, mais c’était sans compter sur le Parti populaire de Rajoy. Le PP engage un recours devant le Tribunal constitutionnel, celui-ci déclare le nouveau statut non conforme à la constitution espagnole en raison de sa référence à la nation catalane, à une justice autonome et à la fiscalité. Il annule 14 articles et en reformule 27 ! Le nouveau statut est vidé de son sens. Cette décision ouvre un nouveau cycle de mobilisations où la question du « droit à décider » devient centrale. Le 10 juillet 2010, une manifestation d’un million de personnes défile dans les rues de Barcelone avec pour mot d’ordre « Nous sommes une nation, nous décidons ».

Notons que cette crise catalane a provoqué des bouleversements politiques et des recompositions d’ampleur. Ainsi, l’ancienne Convergència i Unió (CIU), qui a pesé de tout son poids sur la Catalogne pendant 40 ans a explosé en plusieurs courants, et le PDCat (parti de Puigdemont), issu de ce courant, occupe aujourd’hui une place seconde derrière ERC. ERC, parti historique de la gauche catalane avec ses leaders comme Francesc Macià et Lluís Companys, a repris sa place centrale. Le PSC (PSOE en Catalogne) a aussi éclaté en plusieurs morceaux et a vu des personnalités de premier plan scissionner, comme par exemple Maragall. Deux des scissions du PSC, le MES et Avancem, sont aujourd’hui en alliance avec ERC. Pour finir, Podem (Podemos) a connu une scission et surtout une crise d’orientation très importante.

Durant les années fastes de la transition où l’alternance PSOE-PP rythmait la vie politique, les partis comme CIU ou le PNV servaient de supplétifs pour certains votes, en retour de quelques avantages. Côté catalan, la crise économique et ses plans d’austérité sévères dans l’État espagnol, plus le refus de toute évolution du statut d’autonomie, vont faire basculer les différents courants vers l’indépendantisme.

Un nouveau cycle de lutte et de résistance

L’ « estatut » négocié avec Zapatero et voté à tous les niveaux a été la dernière négociation réelle. Son annulation par le PP et le tribunal constitutionnel fait qu’une page se tourne. Des secteurs de plus en plus larges de la population se mettent à revendiquer le « droit à décider ».

En 2013, le Pacte national pour le droit à décider naît. Il regroupe la quasi-totalité des municipalités, des syndicats comme les Commissions ouvrières et l’UGT, des clubs sportifs… Une des exigences premières est l’organisation d’un référendum d’autodétermination.

En 2013, CIU, ERC, ICV et EUIA (Esquerra Unida i Alternativa), CUP, occupant 88 sièges des 135 au parlement catalan, entendent cette demande et décident de faire un référendum le 9 novembre, avec deux questions : Voulez-vous que la Catalogne devienne un État ? Et, si oui, voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant ?

Le gouvernement du PP interdira le référendum, qui se transformera en consultation. Il poursuivra ensuite Artur Mas en justice pour avoir organisé cette consultation. La participation à cette consultation devient une démonstration de désobéissance civile avec 2 300 000 votants.

En 2015, les élections au Parlement catalan sont polarisées par le débat sur l’avenir de la Catalogne. La coalition Junts Per Si, qui regroupe le PDCat, ERC, des personnalités comme Lluís Llach … et la CUP, favorables à l’indépendance, obtiennent 47,8 % en voix et une majorité absolue de 72 sièges sur 135. CSQP, coalition de Podemos, ICV-EUIA, pour le droit à décider mais pas pour l’indépendance, obtient 8,9 %. Le PP, Ciudadanos et le PSC, opposés à l’indépendance obtiennent 39 %.

La nouvelle majorité au Parlement catalan décide, comme prévu dans son programme électoral, d’un référendum dans un délai de 18 mois.

L’ensemble des sondages, et ce chiffre ne bougeront qu’à la marge et indiquent que 80 % des Catalans sont favorables à un référendum.

Le 1er octobre 2017, un nouveau référendum est convoqué. La question posée est celle-ci : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une République ? »

À cette étape, il est bon de faire un point sur deux partis politiques espagnols, le PP et le PSOE.

Le PP un parti de droite à l’héritage franquiste

Il serait faux de dire que le PP est un parti franquiste et que Rajoy égale Franco. Mais oublier l’héritage franquiste assumé par ce parti ne permet pas de comprendre la situation actuelle. L’Espagne a connu une transition à la mort de Franco et non une rupture, ce qui signifie que les franquistes ont trouvé toute leur place dans la transition. L’Alliance nationale, puis rapidement le PP, ont permis à tous les cadres politiques et militants de la période franquiste de se recycler dans un parti de gouvernement. Point de chute pour des personnes, mais aussi loyauté à une histoire, Fraga, ancien ministre de Franco a pu diriger la Galice pendant de nombreuses années ; ainsi, le PP s’oppose systématiquement à de nouvelles dénominations de rues ou de places au nom de héros franquistes ; idem pour les fosses communes de républicains impossibles à ouvrir pour restituer leur histoire. Dans cette identité profonde, « l’Espagne, une, grande et indivisible » de Franco occupe une place particulière et encore plus en Catalogne, résistante contre le franquisme et où le PP est électoralement à moins de 10 %. Nous pouvons considérer que l’absence d’un parti comme le Front national français s’explique par la réalité et l’histoire militante du PP.

La nature profonde du PSOE

« Le bon sens » aurait pu faire penser que le PSOE allait défendre le statut négocié avec Zapatero, statut adopté par les parlements et le référendum, et ainsi avoir une position indépendante du PP, mais non, il en va tout autrement !

Il faut se souvenir que, dans cette Espagne en crise, le gouvernement du PP a été élu grâce à l’abstention du PSOE. Celui ci a préféré un gouvernement du PP à un accord avec Unidos Podemos et les nationalistes de gauche. Le gouvernement du PP, même avec l’appui de Ciudadanos, est minoritaire. Le PSOE a refusé de voter la motion de censure de Unidos Podemos et il se refuse à en présenter une. Dans la crise que nous connaissons, le PSOE a une responsabilité toute particulière, seule sa nature profonde, si bien représentée par Felipe González, peut expliquer son orientation d’accord avec le PP. Il y a bien eu un moment de doute suite à la primaire interne au PSOE, où Susana Diaz, soutenue par tous les barons, affrontait Pedro Sanchez. Ce dernier a fait une campagne « à gauche » et a gagné contre l’appareil du parti alors qu’il avait refusé de s’abstenir pour donner le pouvoir au PP. Pablo Iglesias a rapidement parlé de « nouveau PSOE » et soutenu un premier cadre d’accord de gouvernement dans la région Castilla-La Mancha. Le refus de voter ou de présenter une motion de censure contre le gouvernement PP, le soutien à l’article 155… nous feront retrouver le PSOE libéral et soutien ferme du modèle de la Transition, Pedro Sanchez a vite retrouvé l’orientation libérale de l’appareil.

Référendum du 1er octobre : auto-organisation et désobéissance d’un côté, politique répressive de l’autre.

Le gouvernement PP s’est empressé de dire que le référendum était illégal, que la constitution ne le permettait pas. Il a aussi complètement marginalisé celles et ceux qui proposaient un referendum négocié comme en Écosse. Pris entre le choix des indépendantistes et le blocage total du trio PP, Ciudadanos, PSOE, le courant Ada Colau-Podemos ne pèsera à aucun moment. La voie répressive était toute tracée pour le gouvernement du PP.

Les mobilisations organisées par l’Assemblée nationale catalane, Omnium et les Comités de défense du référendum sont des exemples d’auto-organisation par quartiers, par villages et d’un niveau de désobéissance rarement atteint en nombre de personnes concernées. Une fois le référendum interdit, l’occupation des écoles et des bureaux de vote, l’organisation massive de queues devant les bureaux, la résistance pacifique devant la Guardia Civil, dont la violence a fait le tour du monde en images, en sont d’excellents exemples.

Malgré la présence massive de la Guardia Civil, 2 200 000 personnes arriveront à voter et 700 000 bulletins seront détruits suite aux interventions dans les bureaux de vote. La Guardia Civil arrivera à confisquer 400 urnes sur 2300. Plus de 2 millions de bulletins se prononcent pour l’indépendance. Le référendum est une défaite politique pour Rajoy et son gouvernement.

Le succès du référendum se confirmera le 3 octobre à l’occasion de la grève générale en Catalogne. Des grèves importantes mais aussi des manifestations massives, 700 000 à Barcelone, 60 à 70 000 à Gérone, 10 000 à Figueres.

Déclaration de l’indépendance et de la République catalane

La tradition catalane et celle de la gauche espagnole ont été jusqu’à ce jour de lier république et fédéralisme. Ainsi, F. Macià ou Lluís Companys déclarent, chacun à leur tour, une république catalane dans une fédération ibérique. Izquierda Unida a aussi pour tradition de revendiquer la république et le fédéralisme. Ada Colau a formulé sa position comme celle d’une république catalane dans une confédération espagnole. Du côté d’Iglesias, dirigeant de Podemos, la proposition est plus imprécise. Il multiplie les discours sur l’État plurinational mais sans jamais en donner une traduction en terme de constitution ou de modèle d’État. Le bloc PP, Ciudadanos et PSOE n’a laissé aucune place à une évolution ou à un changement de constitution. Le refus d’entendre le peuple catalan a laissé place à une répression basée sur l’article 155 de la constitution, article jamais utilisé jusqu’alors. En 2006, 15 % des Catalans étaient pour l’indépendance, ils sont aujourd’hui autour de 50 %, il est impossible de penser que la politique intransigeante du gouvernement PP n’y est pour rien.

Le 10 octobre, Puigdemont a fini par déclarer l’indépendance et la République catalane. Elle sera ratifiée au Parlement catalan avec les voix du PDCat, d’ERC et de la CUP. Des députés de Podem s’abstiendront, contrairement à l’exigence d’Iglesias de voter contre. Le PP, le PSC et Ciudadanos quitteront la salle avant le vote.

Ce vote déclenchera l’application de l’article 155, qui suspend l’autonomie de la Catalogne, dissout le parlement catalan et impose de nouvelles élections le 21 décembre 2017. Le gouvernement de Madrid prend le pouvoir. À ce coup d’État institutionnel va s’ajouter l’arrestation de dirigeants d’associations ou responsables de partis indépendantistes, de membres du gouvernement catalan. C’est le retour des prisonniers politiques.

La Catalogne s’est réveillée le lundi 30 octobre dans une situation inédite et lourde de tensions. Le Parlement catalan vient de voter l’indépendance, la république et des élections constituantes dans les six mois, mais la réalité est tout autre. Le Parlement catalan est dissous et certains des principaux animateurs du mouvement sont en prison, sans jugement, accusés de sédition, avec des demandes de condamnation allant de 15 à 30 ans ! Les responsables de l’ANC et d’Omnium, les « Jordis », sont en prison comme responsables d’associations ayant bloqué la Guardia Civil dans son action. Les deux principaux responsables du gouvernement catalan, Puigdemont, réfugié à Bruxelles, et Junqueras emprisonné, les deux toujours sans jugement, encourent des peines de 30 ans. Il en va de même pour d’autres responsables politiques.

L’absence d’un plan de mobilisations pour organiser la résistance face à ce coup d’État et à l’emprisonnement de responsables, ainsi qu’au départ, non annoncé, à Bruxelles de Puigdemont et de son équipe, a créé un sentiment de désarroi dans le mouvement. Dans ce genre de situation, un vide de quelques jours, alors que l’adversaire est à l’offensive, est énorme. Si jusqu’à présent, le mouvement catalaniste avait l’initiative et avait imposé des défaites politiques à Rajoy, la situation venait de changer et le gouvernement PP a pris la main, au moins provisoirement, en Catalogne. Les ministres de Madrid s’y sont installés et les différents partis catalans ont, au final, décidé de participer aux « élections illégitimes » du 21 décembre.

Les élections du 21 décembre ne régleront pas la crise politique

Une sorte de premier bilan a commencé au sein du mouvement catalan, il est indispensable. Sans doute, l’impréparation de la part du gouvernement catalan est due à une sous-estimation de la volonté répressive du PP et à des illusions sur le positionnement de l’Union européenne et ses dirigeants. En lien aussi, sans doute, une sous-estimation de la réalité catalane avec une part significative de la population non indépendantiste, même si elle est favorable à des modifications dans ses relations avec l’État espagnol. La Catalogne a connu le manque d’un vrai soutien dans le reste de l’État sur les questions du droit à décider, des droits démocratiques et contre la répression, la défense d’un projet républicain. Le rôle des forces comme Podemos et IU, dans ce contexte, est à analyser.

Rajoy a su trouver les failles pour reprendre l’initiative, mais la force du mouvement est bien réelle. Nous venons de le voir avec la grève du 8 novembre où, en particulier, les Comités de défense de la République (CDR) ont pu bloquer les principales avenues et autoroutes, avec la manifestation du 11 novembre qui a regroupé plus d’un million de personnes à Barcelone. Une manifestation est prévue à Bruxelles.

Si l’on en croit les différents sondages, les élections du 21 décembre devraient donner un résultat assez proche de l’actuel. Les partis indépendantistes devraient avoir en sièges tout juste la majorité absolue ou être à 2 ou 3 sièges de celle-ci. Dans ce deuxième cas, la place de Catalunya en Comú (Colau, ICV, EUIA, Podem) deviendrait centrale, mais le résultat global serait une majorité favorable au droit à décider. Il est effectivement peu probable, même si la participation annoncée est à plus de 80 %, que le bloc PP-Ciudadanos et PSC gagne l’élection. Le PP est faible, le PSC a connu plusieurs scissions, Ciudadanos est implanté depuis longtemps en Catalogne mais n’est pas en mesure de rafler la mise. De plus, le PSC a annoncé qu’il ne pouvait voter ni pour le PP, ni pour Ciudadanos. Catalunya en Comu, de son côté, a mis comme condition pour l’élection du président l’abandon de la voie unilatérale. À une autre échelle, mais tout de même, ces élections devraient consacrer la montée en puissance d’ERC et le déclin du courant de droite catalan (ex CIU).

Si jamais les élections confirment la majorité pour les indépendantistes ou pour le droit à décider et que, en conséquence, un président issu d’un parti indépendantiste est élu (ERC semble le mieux placé dans ce cas), ce sera un échec important pour Rajoy. Une défaite du bloc en défense de la constitution actuelle rouvre la question.

Une crise politique impose des solutions politiques

De nombreux dirigeants du PP, sans doute à la vue des sondages, ont commencé à dire qu’en cas de victoire des indépendantistes il faudrait maintenir l’article 155. Nous devons prendre au sérieux ce genre de menace. De même, il serait illusoire de croire que, prenant en compte le résultat de l’élection, la perspective du référendum négocié devienne une évidence pour le PP, Ciudadanos et même le PSO PSOE, qui a soutenu le 155. Une amnistie n’est pas non plus à attendre. Quant aux personnes emprisonnées sans jugement, pour des peines de 15 à 30 ans et dans le climat actuel dans l’État espagnol, l’annulation de leurs condamnations ne semble pas être à l’ordre du jour pour le gouvernement du PP. La Catalogne est au cœur de la crise de régime et une victoire remettrait en cause le modèle d’État, la monarchie et la Transition de 1978, c’est pourquoi il y a un tel refus de bouger d’un pouce de la part du bloc constitutionnaliste PP – PSOE – Ciudadanos. Seule la mobilisation et le rapport de force ont du sens, la négociation raisonnable est une illusion.

Du côté des forces indépendantistes, un débat s’est ouvert sur la stratégie de l’unilatéralisme. Derrière ce débat, nous retrouvons la question république fédérée ou république indépendante. La CUP met l’accent sur l’animation et les perspectives du mouvement, pour eux, l’indépendance et non l’entre-deux, tout en valorisant les CDR.

Le rôle de l’Union européenne est aussi à prendre en compte à l’étape actuelle. Son soutien sans faille au régime autoritaire de Rajoy et contre le droit à l’autodétermination d’un peuple, droit pourtant inscrit dans la Charte des Nations unies, est un signe des plus clairs. L’Europe libérale, après s’être illustrée contre le peuple grec, préfère les régimes autoritaires aptes à appliquer des politiques d’austérité plutôt que les droits démocratiques des peuples.

La Catalogne est le signe le plus évident de la crise de régime dans l’État espagnol. Les trois piliers de la transition de 78 ne tiennent plus : le bipartisme n’existe plus et le gouvernement PP ne tient que grâce à l’abstention du PSOE, le régime des autonomies n’est plus un élément de stabilité, la monarchie est discréditée par son niveau de corruption et son alignement sur l’autoritarisme.

Un débouché politique positif pour le peuple catalan serait un pas de plus dans le processus de délabrement de ce régime post franquiste. La victoire de ce mouvement n’est donc pas qu’un enjeu pour la Catalogne, mais pour tout l’État espagnol.

Les questions de stratégie vont revenir en force pour le mouvement catalan. Le gouvernement PP n’acceptera pas un référendum négocié suite au résultat des urnes, même s’ils sont favorables au camp du droit à décider. Trouver une stratégie pour satisfaire l’aspiration légitime du droit à décider de son avenir devient impératif.

Un fort potentiel de mobilisation existe, une pratique de la désobéissance et de l’auto-organisation est entrée en pratique. Construire un processus constituant liant question nationale et question sociale, tout en portant le projet de République catalane, forme choisie par le peuple catalan et ses organisations comme le PDCat, ERC, CUP et Catalunya en Comú pour concrétiser son droit à l’autodétermination, paraît l’enjeu du moment.

En France, il ne s’agit pas de trancher le débat entre indépendance et république fédérée ou confédérée, c’est aux Catalans de décider. Le mouvement de solidarité doit soutenir le droit à décider, la libération des prisonniers politiques, la fin de l’État d’exception et de l’article 155, la dénonciation de la politique de l’Union européenne libérale niant le droit des peuples et un gouvernement français aligné sur cette orientation.

Notes

[1Note de la rédaction : on notera cependant la création de dix-sept communautés autonomes.

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