L’UKIP et le racisme post-Brexit

mardi 21 février 2017, par Nick Dearden *

Quelles que soient les raisons qui ont poussé les gens à voter pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en juin 2016, le résultat a été un changement brutal dans le débat national vers une droite autoritaire et anti-immigrants.
Le débat lui-même était sous-tendu par une division profonde et ancienne au sein du parti conservateur. Ce parti est fondamentalement en désaccord sur le point de savoir si le Royaume-Uni doit être tourné vers l’Europe, ou vers l’ancien empire (Commonwealth) et les États-Unis. Ce dernier groupe, dont certains ont rejoint l’UK Independence Party (UKIP), à la droite du parti conservateur – rassemble un mélange d’ultra-libéraux et de passéistes autoritaires avec des convictions anti-immigrants.

Traduit de l’anglais par Dominique Plihon

Le débat public n’a rien eu à voir avec la question de l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. L’immigration a été la question centrale pendant la campagne. Le slogan des « brexiters » était « reprenons le contrôle », mais a porté sur la reprise de contrôle sur les étrangers en général, plus que sur les pouvoirs de la Commission de Bruxelles. Au moment critique de la campagne, lorsque Nigel Farage, leader de l’UKIP, dévoila sa communication montrant des longues queues de Syriens supposés se diriger vers la Grande-Bretagne, une députée travailliste fut assassinée par un membre du parti fasciste Britain First.

Il n’est pas surprenant que la gauche, dans sa grande majorité, ait mené campagne pour rester dans l’UE – environ les deux tiers des électeurs du Parti travailliste ont voté dans ce sens –, tandis que les deux tiers des électeurs conservateurs ont voté pour le Brexit. Il y a eu des gens de gauche des deux côtés du débat, mais, malheureusement, leurs voix ont eu peu de poids dans ce débat insupportable.

Ce ne fut pas non plus une surprise de constater que le vote en faveur du Brexit a servi à mobiliser les racistes à travers le pays. Les crimes racistes enregistrés ont augmenté de 58 % pendant la semaine précédant le vote. Des enfants de migrants interpellés par des « go home » à l’école par les autres enfants, des autocollants néo-nazis faisant leur apparition au centre de Londres, des travailleurs polonais attaqués et même tués, tous ces comportements ont constitué une régression digne des années 1970.

Avec la démission de David Cameron, l’aile droite du parti conservateur a pris le pouvoir. Les postes dominants du gouvernement sont occupés par des personnes qui rêvent de gouverner le pays en revenant au temps du Commonwealth du XIXe siècle (cette référence est faite dans tous les discours des ministres des affaires étrangères et du commerce), pendant que le Premier ministre insiste sur le contrôle des frontières et la docilité du Parlement. Les arguments en faveur du maintien de relations institutionnelles étroites avec l’UE, et même l’évocation du contrôle du Parlement, sont accusés de violer la volonté populaire.

Les décennies de néolibéralisme, les politiques d’austérité et la désindustrialisation de parties entières du Royaume-Uni ont été au second plan du débat. Mais la gauche a du mal à mettre en avant ce bilan négatif, en partie du fait de l’affaiblissement de la social-démocratie par suite de son ralliement au néolibéralisme, en partie à la suite de la guerre intestine qui mine le Labour Party lui-même, et en partie à cause des divisions au sein de la gauche sur la manière de répondre au Brexit. Même si les sondages doivent être traités avec le plus grand scepticisme, tous montrent une profonde désaffection à l’égard du parti travailliste, même avec un dirigeant anti-austérité comme Jeremy Corbyn.

Rien de tout cela ne dépeint une image heureuse. Mais nous devons être honnêtes sur le point où nous en sommes arrivés, si nous voulons garder l’espoir d’en sortir. Les illusions selon lesquelles un soulèvement des travailleurs serait proche, ou la croyance que les forces de gauche seraient aux portes du pouvoir ne sont d’aucune utilité. Nous sommes maintenant dans une bataille pour des valeurs fondamentales – vers quel type de société voulons-nous aller ? – qui peut être comparée à la bataille de la génération précédente contre le fascisme.

Au Royaume-Uni, cela nécessite une alliance progressiste avec, d’une part, des organisations de la société civile et, d’autre part, des partis de gauche et du centre. Il n’y a pas d’autre moyen de construire un pouvoir politique, et ce pouvoir est nécessaire si nous voulons mener des batailles qui ne soient pas uniquement défensives. Il existe une attente importante pour ce type de stratégie, mais cela requiert un changement de mentalité de la part des militants, des ONG, des partis, des syndicats. Actuellement, trop d’élus au Parlement soutiennent, et réclament même, des mesures de contrôle des migrations. Ces comportements égarent les jeunes, les gens de couleur, les habitants des villes et d’autres qui se sentent désemparés et sont désillusionnés.

Mais combattre la droite implique de définir clairement les alternatives au néolibéralisme. Il existe de nombreuses initiatives locales – dans les domaines de l’alimentation, de l’énergie, des coopératives, du revenu universel – dont certaines sont déjà très avancées. Le rôle de la gauche est d’intégrer l’ensemble de ces initiatives dans un programme politique tourné vers l’avenir, et de commencer à gagner la guerre des « narratifs » qui est en train d’être perdue.

Nous devons apprendre à partir de l’Histoire. Lorsque le fascisme se développa en Europe dans les années 1930, la gauche s’est fracturée, avec des sociaux-démocrates incapables de rompre avec les politiques de consensus et la conception économique dominante, et des communistes qui considéraient que leur temps viendrait en attendant la fin du fascisme. Ces deux stratégies se sont révélées désastreusement erronées. Nous ne pouvons pas nous tromper à nouveau.

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