De la COP21 au sommet pétrolier de Pau : lancement d’une stratégie d’action non violente et déterminée pour le climat

mardi 28 juin 2016, par Jon Palais *

Le sommet du pétrole offshore MCEDD [1], organisé dans le fief de Total à Pau, a été bloqué et perturbé par des militants climat pendant trois journées d’affilée, du 5 au 7 avril 2016. Des vagues d’actions non violentes et déterminées ont permis de créer des conditions d’anormalité autour de cette rencontre entre les plus grandes compagnies pétrolières comme Total, Shell, BP ou ExxonMobil et des exploitants offshore, montrant ainsi que, après la COP 21, certaines choses ne peuvent plus se dérouler comme avant, et ouvrant la voie à une nouvelle séquence de mobilisation pour le climat.

Dès le premier jour du sommet MCEDD, plusieurs groupes d’activistes sont parvenus à franchir le dispositif de sécurité, ouvrant les accès à 300 militants qui ont occupé l’esplanade du bâtiment pendant toute la journée

Bloquer le sommet du pétrole offshore pour enclencher « l’après-COP 21 »

C’est le mouvement Action Non-Violente COP 21, créé quelques mois avant la COP 21 [2], qui a lancé l’appel à bloquer le sommet MCEDD. L’appel n’a été lancé que le 26 février 2016 [3] et pourtant, en seulement six semaines, cette campagne de mobilisation a rassemblé plus de 500 activistes climatiques, en pleine semaine, dans le « Camp Sirène », un camp climat installé au Village Emmaüs Lescar-Pau pendant 7 jours d’affilée, et a permis de mener des actions directes non violentes massives et déterminées pendant les trois journées du sommet.

Cette mobilisation climat s’inscrit dans la suite logique de la mobilisation COP 21. L’objectif était non seulement de bloquer ce sommet, mais aussi d’enclencher une nouvelle phase d’action « post-COP 21 » autour de la logique suivante : faire appliquer les engagements – pris par les États du monde entier dans l’Accord de Paris – de contenir le réchauffement climatique en deçà de +1,5 °C ou +2 °C maximum.

Franchissement des barrières et des lignes des forces de l’ordre au premier jour de l’action. Les activistes de la première ligne étaient équipés de boucliers en mousse et de rembourrages en paille. D’autres activistes avançaient en se versant de la peinture sur eux-mêmes afin de déstabiliser les forces de l’ordre.

Action non violente et déterminée

Les actions pour bloquer et perturber le MCEDD ont toutes été menées à visage découvert, de manière à la fois strictement non violente et très déterminée. Certaines actions ont même été particulièrement offensives, notamment les actions de franchissement pour pénétrer dans le site du Palais Beaumont où se tenait le MCEDD, et qui était protégé en permanence par un dispositif policier et des clôtures de sécurité de 2 mètres de haut. Des groupes de dizaines d’activistes, serrés les uns contre les autres en blocs compacts, progressant au pas de course vers le Palais Beaumont et renversant les barrières de sécurité avant de traverser les lignes des forces de l’ordre pour atteindre les accès du centre de congrès ont été particulièrement spectaculaires [4].

Pour autant, les militants n’ont jamais usé de violence contre les policiers ou les congressistes, et n’ont à aucun moment répondu par la violence physique ou verbale aux coups de matraques et aux gazages qu’ils ont subis, et s’efforçaient même constamment d’établir le dialogue avec les policiers et les gendarmes pendant les trois journées d’actions. Les activistes répondaient aux violences policières en scandant « La police doucement ! On fait ça pour vos enfants ! » et en chantant le refrain d’HK « Sans haine, sans arme, sans violence ».

Deux activistes immobilisent un fourgon logistique à l’entrée du MCEDD en bloquant leurs bras sous le véhicule.

D’autres actions d’interposition physique ont eu lieu comme le blocage des portails d’un hôtel 5 étoiles où étaient hébergés les plus hauts responsables des compagnies participantes au MCEDD, afin de les empêcher de se rendre au sommet, ou encore le blocage d’un fourgon logistique de l’organisation du sommet.

Des activistes ont également déjoué les trois niveaux de sécurité du Palais Beaumont et sont parvenus à s’infiltrer à l’intérieur même du bâtiment, pour s’enchaîner sur la scène juste avant les discours d’ouverture dès le premier jour. Les activistes se sont alors exprimés pendant dix minutes devant tous les congressistes dès le début du sommet, changeant du tout au tout le contenu du programme prévu par les pétroliers ! Plusieurs congressistes nous diront par la suite avoir particulièrement apprécié cette prise de parole, et être sensibles tant au message exprimé qu’au choix de la non-violence pour les actions menées tout au long du sommet.

Les rapports de force et les rapports de conscience

Plusieurs actions ont permis de bloquer effectivement le sommet de manière temporaire, bloquant des dizaines de congressistes à l’extérieur, et en dissuadant d’autres qui faisaient demi-tour. Si le sommet a malgré tout pu se maintenir tant bien que mal pendant les trois journées, il s’est déroulé dans des conditions complètement anormales en raison des dispositifs policiers permanents, des perturbations incessantes, de la répression policière sur les militants, et du projecteur médiatique qui s’est pointé sur le Palais Beaumont pendant toute la durée du sommet.

Si les actions non violentes offensives ont provoqué des réactions de répression policière et de forts moments de tension, l’attitude non violente et la recherche permanente du dialogue de la part des militants, tant avec les forces de l’ordre qu’avec les congressistes, ont permis de nombreux échanges, y compris pendant les moments les plus surréalistes comme les blocages et les délogeages. Nous croyons en la force de persuasion. Si les actions non violentes ont ébranlé le dispositif policier, elles ont aussi ébranlé certaines certitudes. Jusqu’au dernier jour, quand les congressistes sont sortis du Palais Beaumont, nous étions encore présents pour leur proposer de discuter avec eux, ce que la plupart ont accepté. Ces échanges avec les congressistes et les forces de l’ordre ont peu à peu permis de faire évoluer les regards qu’ils portaient sur nous, nous faisant sentir que notre message avait une certaine portée, et que nous faisions tomber des barrières psychologiques, parfois de manière aussi spectaculaire que quand nous renversions les barrières de sécurité. Convaincus que c’est aussi dans les consciences qu’il faut faire bouger les lignes, il y a eu de la part des militants une volonté impressionnante de convaincre, et pas seulement de bloquer. L’un de nous s’est adressé à un policier avec une assurance déconcertante : « Bientôt, vous viendrez avec nous, vous savez pourquoi ? Parce que ce sont vos propres familles qui seront en face de vous. »

L’attitude déterminée, dans l’interposition comme dans le dialogue, traduit le caractère impérieux de la cause climatique, et confère à l’action contre le changement climatique une légitimité de plus en plus forte, tant vis-à-vis de la presse que de la population. Cela s’est ressenti dans la presse mais également dans la solidarité que la population a exprimée envers notre mobilisation, en nous apportant de la nourriture, en nous fournissant des hébergements et des moyens de transports, et en finançant une partie des frais de la campagne via l’opération de « crowdfunding ». Certaines personnes ont également partagé avec nous des informations afin de nous aider à poursuivre la lutte contre les compagnies climaticides, ce qui témoigne là aussi d’une progression des prises de consciences.

Pendant la chaîne humaine, qui a rassemblé 600 personnes dans le parc du Palais Beaumont

Impact médiatique et politique

Il est à noter que Total - qui accueillait l’événement MCEDD - est un acteur économique majeur et respecté dans la région, revendiquant des milliers d’emplois et subventionnant de nombreuses activités locales. Les différentes actions menées en opposition au sommet ont pourtant provoqué un débat au niveau de la région de Pau, notamment grâce à la presse locale, qui a couvert la mobilisation de manière quotidienne et en relayant largement les revendications des militants. Deux personnalités politiques locales se sont affrontées, par tribunes interposées dans la presse : le député des Pyrénées-Atlantiques David Habib et le maire de Billère Jean-Yves Lalanne – tous deux membres du PS –, le premier qualifiant les activistes d’ « extrémistes  » et de « fous  » [5], et le second réagissant en saluant « l’intelligence humaine, l’humour et la créativité » des organisateurs de ces actions « utiles et nécessaires » [6].

Pendant la chaîne humaine, qui a rassemblé 600 personnes dans le parc du Palais Beaumont

Dès le lendemain des actions menées contre le MCEDD, vendredi 8 avril, la ministre de l’environnement Ségolène Royal a annoncé à l’occasion de la deuxième conférence nationale de l’océan un « moratoire immédiat sur la recherche d’hydrocarbures en Méditerranée » et déclaré qu’elle n’accorderait « plus aucun permis d’exploration, ni dans les eaux territoriales, ni sur le plateau continental ». Pour le quotidien Le Monde du dimanche 10 avril, cette annonce « sonne comme une réponse aux préoccupations (...) des militants écologistes qui ont tout mis en œuvre pour perturber la rencontre des grandes compagnies pétrolières et gazières à Pau, à l’occasion du sommet Marine, Construction and Engineering sur le pétrole offshore et le forage en eau profonde, du 5 au 7 avril ». [7]

Die-in rassemblant 500 personnes le dernier jour de la mobilisation

Un dispositif de relais médiatique particulièrement massif et diversifié a été mis en place : plusieurs journalistes étaient invités à suivre les activistes, leur permettant d’avoir des images depuis le cœur des actions, mais de nombreux militants ont aussi participé aux opérations en tant que média-activistes, nous permettant d’avoir nos propres images. Le nombre de média-activistes a permis de couvrir la quasi-totalité des lieux des actions en photos et en vidéo, certaines actions étant menées simultanément à plusieurs endroits. Cela a aussi permis une grande réactivité de la communication, et même un véritable direct, certains militants ayant filmé les actions des heures durant en les diffusant directement sur internet. C’est ainsi que certaines personnes ont pu suivre des journées entières d’action depuis leurs ordinateurs ! Ces vidéos en direct étaient complétées par des live-tweets qui permettaient de diffuser à la fois des informations complémentaires, des photos et de courtes vidéos.

La réactivité des photographes et des vidéastes « classiques » était également de mise, puisque des albums photos ont été diffusés à la fin de chaque journée, tandis que les vidéastes montaient toute la nuit pour pouvoir diffuser des vidéos finalisées dès le lendemain de chaque action. Ce dispositif permet de multiplier l’impact des mobilisations, en témoigne la vidéo de la première journée d’action qui a totalisé 270 000 vues en seulement 24 heures ! [8] Pendant les opérations elles-mêmes, un tel dispositif apporte également une protection supplémentaire pour les activistes, les caméras, appareils photos et smartphones dissuadant certains agents des forces de l’ordre d’utiliser une violence disproportionnée contre les militants.

Blocage d’un des accès du Palais Beaumont, au troisième jour d’action

Urgence climatique et stratégie de l’action non violente

Ce mode d’action à la fois 100 % non violent et très déterminé tire sa spécificité de deux éléments : d’une part, une conscience de la nature précise du changement climatique et, d’autre part, une approche stratégique de l’action non violente.

Notre détermination tient au fait que nous avons compris qu’un réchauffement climatique de 4 °C ou 5 °C, que nous sommes actuellement en train de provoquer, correspond à l’ordre de grandeur d’un changement d’ère géologique, qui rendrait impossible les conditions de vie civilisée sur Terre. Avant même un tel réchauffement, le franchissement du seuil d’impact majeur des 2 °C aurait des conséquences catastrophiques non seulement sur les générations futures, mais aussi pour les enfants qui naissent aujourd’hui même. L’exploitation de toutes les énergies fossiles disponibles sur la planète provoquerait quant à elle un réchauffement de 9 °C, selon Michael Greenstone, professeur à l’université de Chicago et ancien chef économiste de la Maison Blanche. [9] Cette conscience que le changement climatique est un enjeu central pour l’humanité nous fait alors envisager l’action de désobéissance civile et l’action de confrontation non violente sous un autre jour, et les rend à nos yeux profondément nécessaires et parfaitement légitimes.

Banderole enflammée par les militants devant le Palais Beaumont, où se tenait le MCEDD, sous la protection permanente des forces de l’ordre.

Face à ce constat alarmant de la situation climatique, nous échappons pourtant au défaitisme, au désespoir ou au déni car nous croyons véritablement que nous pouvons relever ce défi. D’une part, car nous savons que les alternatives pour des modes de vie qui émettent radicalement moins de gaz à effet de serre existent bel et bien, qu’elles sont déjà à notre portée, et qu’elles peuvent en plus contribuer à créer un monde plus juste et plus humain, plus solidaire et plus équitable. Nous savons qu’elles ne suffisent pas encore à régler le problème climatique, parce qu’elles ne sont pas encore généralisées à une échelle de masse. D’autre part, nous croyons en la pertinence de la stratégie de l’action non violente pour gagner le soutien de l’opinion publique, et pour permettre à la diversité de la population d’agir au sein d’un même mouvement citoyen grâce à la grande diversité des formes d’actions non violentes.

Nous prenons comme inspiration et comme références des figures comme celles de Gandhi ou de Martin Luther King, ou des mouvements citoyens comme celui des Indignés espagnols du 15-M. Nous pensons que la stratégie et la philosophie de l’action non violente peuvent impulser un mouvement citoyen large, à la fois radical et populaire, capable de relever le défi climatique : un mouvement « à la Martin Luther King pour le climat ».

Pendant l’occupation de l’esplanade du Palais Beaumont, au premier jour de l’action, une militante a lu à haute voix, au mégaphone, un extrait d’un livre de référence : « Stratégie de l’action non-violente », de Jean-Marie Muller (1972)

Une mobilisation non violente de masse, appelée publiquement à l’avance

Le choix d’appeler à bloquer le sommet publiquement, et à l’avance, a des avantages et des inconvénients. Cela a permis de mettre la pression pendant les six dernières semaines sur les organisateurs du sommet, et ainsi de créer à l’avance des conditions d’anormalité. C’est également une manière d’annoncer le type d’action qui sera mené : le fait d’appeler publiquement montre que l’action de désobéissance civile est pleinement assumée, et c’est aussi une manière d’annoncer dès le départ que les actions seront menées à visage découvert et de manière non violente. Cela montre aussi une détermination certaine, car nous savons très bien qu’une telle annonce entraîne inévitablement un renforcement de la sécurité autour du sommet, et que cela nous prive de l’effet de surprise, avec lequel nous aurions pu bloquer dès le petit matin tous les accès du sommet avec un groupe beaucoup plus réduit de militants, en déjouant un service de sécurité habituel plus réduit, et non pas un dispositif policier massif. L’effet de surprise est d’autant plus réduit pour nous qu’il est très facile pour les policiers de s’infiltrer dans le camp climat pour recueillir les informations de tous les briefings généraux et des différents groupes de travail, en s’inscrivant au camp climat et en se faisant passer pour des volontaires.

Un des groupes d’activistes approchant du Palais Beaumont, d’un pas rapide, en scandant « état d’urgence climatique ! », au troisième jour d’action

Car c’est là la spécificité qu’implique le choix d’une action de masse appelée publiquement à l’avance : tout le monde peut s’inscrire, et il y a eu de nombreuses personnes inscrites que nous n’avions jamais rencontrées auparavant. Cette situation ne permet pas de partager toutes les informations sur les actions avec l’ensemble des participants. Il faut trouver un équilibre entre la confidentialité qui garantit la faisabilité d’une action, et le partage d’informations pour instaurer la confiance avec les militants, et pour qu’ils soient très clairement informés des risques physiques et juridiques qu’ils encourent. On donne ainsi les informations générales sur le type d’action qui sera menée, les risques encourus, les objectifs politiques et la stratégie générale, et on ne révèle les objectifs tactiques précis qu’au dernier moment. Cela nécessite une grande confiance des militants envers les coordinateurs des actions.

L’appel public à l’avance a des avantages spécifiques. Le premier étant précisément le fait que cela permet d’intégrer de nouvelles personnes, et de ne pas rester en cercle fermé entre activistes qui sont déjà en lien, qui ont l’avantage de se connaître, mais qui ont la limite d’être moins nombreux. Cela va dans le sens d’un mouvement de masse. De nombreuses personnes qui sont venues participer aux actions de blocage n’avaient jamais mené d’actions de désobéissance civile ou d’actions non violentes auparavant. Des formations ont été animées pendant le camp climat, notamment sur l’attitude non violente, les techniques et la stratégie d’action, les risques juridiques, le changement climatique.

La dimension collective de la préparation des actions et de la vie sur le camp climat joue aussi son rôle. Un esprit collectif se crée, un groupe solidaire se forme, la confiance s’établit entre les militants et les coordinateurs des actions, et entre les militants entre eux. Informées et conscientes du dispositif policier, des risques juridiques et des risques physiques liés à la répression, de nombreuses personnes ont franchi pour la première fois le pas de la désobéissance civile, avec une grande détermination, qui n’a pas flanché après les coups de matraque et les jets de gaz lacrymogènes. C’est ainsi qu’on a vu les jours suivants des militants avec des béquilles ou un œil bandé revenir franchir les barrières et les lignes des forces de l’ordre.

Au premier jour d’action, de nombreux coups de matraque et de jets de gaz lacrymogènes ont été infligés aux militants pour les repousser de l’esplanade du Palais Beaumont... en vain : les militants se sont assis et sont restés en place toute la journée jusqu’à la sortie des congressistes.

Ces militants, qu’ils soient nouveaux ou déjà expérimentés, présentaient par ailleurs une très grande diversité, de tous âges même si majoritairement jeunes, complètement mixtes, certains taillés comme des rugbymen et d’autres bien plus frêles. La scène surréaliste de Mathieu, en déambulateur, avançant de manière complètement déterminée vers la ligne des forces de l’ordre, médusées, a forcé l’admiration de toutes et tous et restera longtemps dans nos mémoires. Cette diversité, cette représentativité, est une qualité cruciale pour un processus comme ANV-COP 21 qui vise à construire un mouvement citoyen de masse, à la fois radical et populaire.

L’action de masse confère enfin un avantage tactique, qui nous a permis de déborder le dispositif policier. Moins nombreux, nous n’aurions pas pu le réussir. Mais plus nombreux, ce que nous serons bientôt, nous aurions pu bloquer entièrement le sommet. Le fait que nous soyons nombreux nous donne également davantage de légitimité aux yeux de l’opinion publique, et c’est aussi ce qui permet d’étendre encore la diversité des participants, ce qui invite davantage de monde à se reconnaître en nous, et nous fait apparaître davantage comme des « gens normaux » plutôt que comme des activistes spécialistes.

Mathieu, en déambulateur, s’est avancé parmi les premiers face à une ligne de forces de l’ordre se préparant à repousser les activistes entrés à l’intérieur du périmètre du Palais Beaumont.

D’autant que pour des actions menées à 100 ou 200 activistes, comme celles qui ont été menées contre le MCEDD, c’est toute une série d’autres équipes qui ont œuvré en périphérie pour en assurer le bon déroulement : équipes médicales installées à proximité des sites de l’action, un groupe juridique et un groupe de communication actifs en permanence, des équipes assurant la logistique des actions comme le transport, et encore d’autres équipes assurant la logistique du camp climat qui devait pouvoir accueillir les activistes à leur retour. La grosse organisation que supposent les actions de masse est également un avantage, car elle permet à certains militants de jouer un rôle indispensable à la réussite des actions, même s’ils ne peuvent ou ne veulent pas s’exposer aux risques physiques et juridiques.

L’émergence d’une nouvelle génération militante, au travers d’une méthode efficace

La campagne de mobilisation Stop-MCEDD lancée par ANV-COP 21 a rapidement rassemblé une dizaine d’autres organisations présentant une convergence originale autour du thème du climat et des océans : Alternatiba et les Amis de la Terre qui ont mené - avec ANV-COP 21 - l’essentiel du travail de mobilisation des forces militantes, Bizi qui a servi de quartier général pendant tout le mois qu’a duré la préparation de cette mobilisation, le Village Emmaüs Lescar-Pau qui a apporté une précieuse aide logistique et accueilli sur son site le camp climat pendant une semaine, Nation Océan qui a fourni une expertise sur le fond de la campagne, 350.org qui a aidé à la communication et lancé une pétition en ligne [10], les Chrétiens Unis pour la Terre qui ont mené une action de jeûne pour le climat devant le siège de Total à la Défense, Attac qui a participé aux conférences et aux interventions publiques et qui a produit une vidéo marquante d’appel à mobilisation [11], Surfrider Foundation Europe au niveau du plaidoyer et de la préparation d’un happening public, Nicolas Hulot réalisant une vidéo expliquant pourquoi refuser les forages d’hydrocarbures offshore, Friends of the Earth International et Greenpeace apportant également leur soutien de diverses manières.

La préparation de la mobilisation et des actions a été coordonnée par un groupe d’une vingtaine d’organisateurs bénévoles, s’appuyant sur le réseau des groupes locaux d’Alternatiba et d’ANV-COP 21 (dans lesquels on retrouve d’ailleurs des militants des diverses organisations partenaires). Il est étonnant de constater que la plupart de ces organisateurs se sont rencontrés il y a moins d’un an, et que presque tous ont découvert l’action non violente et la désobéissance civile il y a quelques mois à peine au moment du lancement d’ANV-COP 21 ou pendant la COP 21.

Pourtant, malgré leur courte expérience, ces organisateurs sont parvenus en l’espace de 6 semaines à coordonner une campagne de communication et de mobilisation, préparer un camp climat, sa logistique et son programme de conférences et de formations, trouver les hébergements et la nourriture nécessaires pour les 500 activistes inscrits sur les 7 jours, préparer et coordonner trois jours de rassemblements publics et d’actions de désobéissance civile, mener une campagne de financement participatif et diverses initiatives permettant au projet de s’autofinancer. Diverses équipes ont été mises en place : médicale, logistique, cuisine, communication, juridique... le tout dans des conditions spartiates : les militants dormaient sous des chapiteaux collectifs ou dans des tentes, sans chauffage, le rythme de travail était très intense et les nuits particulièrement courtes.

Une des équipes médicales, installée de l’autre côté des grilles du Palais Beaumont pendant l’action de blocage de la troisième journée.

Un tel résultat obtenu par une majorité de coordinateurs « débutants » tient à une certaine méthode de travail, issue d’Alternatiba et de Bizi. Les organisateurs se sont formés sur le tas ces derniers mois en préparant un Village des alternatives, en participant au Tour Alternatiba ou au Quartier Génial d’Alternatiba pendant la COP 21. L’organisation est rigoureuse, on observe de la discipline, un respect de la ponctualité, on privilégie la pratique à la théorie (la pratique créant la conscience), l’apprentissage se fait par l’expérimentation (on apprend à marcher en marchant). Depuis Alternatiba Bayonne en 2013, chaque temps de mobilisation a été l’occasion d’augmenter le nombre de coordinateurs. On observe au travers de cette méthode une formation et une responsabilisation très rapide des militants. Mobilisation après mobilisation, les coordinateurs confient chaque fois des responsabilités à d’autres militants, que l’on retrouve en position de coordinateurs à la mobilisation suivante, et qui confient à leur tour des responsabilités à de nouveaux venus, et ainsi de suite.

Cette méthode rigoureuse permet une efficacité organisationnelle, mais on observe également une ambiance conviviale, des repas organisés sur des grandes tablées, des chants et des slogans rythmant les journées, et des rapports bienveillants entre les gens. Plus les jours passent et plus les émotions sont fortes, l’expérience des actions menées collectivement soude les gens, forge un sentiment de fraternité et de solidarité. Un de nos vidéastes a pris la parole le soir du troisième jour d’action pour nous confier qu’en nous voyant à travers l’objectif pleurer et souffrir des brûlures des gaz lacrymogènes, et tenir bon, lui-même a été ému aux larmes en voyant une telle détermination. Chacun trouve du courage et puise dans la force collective des ressources pour résister. Cette force collective donne un immense espoir, et renforce le sens de l’action.

La détermination des militants était encore plus forte au troisième et dernier jour d’action !

Ça ne fait que commencer !

Vendredi 8 avril, au lendemain de la dernière journée d’action, le débriefing général a rassemblé 150 personnes. Les mains s’agitaient en signe d’approbation au fur et à mesure que les prises de parole se succédaient et que les militants formulaient ce qu’ils retenaient de cette semaine : l’organisation, la méthode, la non-violence, l’urgence climatique, la détermination, les alternatives et la résistance, l’apprentissage, la transmission, le partage, la solidarité, la confiance, l’esprit collectif…

Les participants venus de tous horizons semblent désormais partager une vision, mais aussi une pratique. On sent qu’un type d’action non violente est en train de se mettre en place, et qu’un état d’esprit collectif est en train de naître. On sent un désir de rapporter quelque chose de ce qui s’est passé à Pau pour le partager de retour chez soi, pour continuer à faire boule de neige. On ressent une inspiration, une énergie, une volonté, un élan, un espoir, et on devine un moment fondateur comme celui qu’on a ressenti à Bayonne le jour du premier Village Alternatiba, organisé le 6 octobre 2013, qui avait été le point de départ de toute une dynamique de remobilisation citoyenne pour le climat. Certains parlent d’ailleurs de créer un groupe ANV-COP 21 à leur retour chez eux.

Débriefing général au lendemain de la troisième journée d’action, alimenté par le vélo-sono d’Alternatiba

Autant d’indicateurs positifs qui laissent penser que nous avons peut-être réussi, lors des deux années de mobilisation dans la perspective de la COP 21, à construire une dynamique effectivement capable de perdurer au-delà du Sommet de Paris, et de continuer à se renforcer. Plusieurs rendez-vous donnent d’ailleurs l’occasion de renforcer encore le mouvement dans les mois qui viennent : le sommet international du pétrole le 21 avril à Paris, la semaine Breakfree du 4 au 15 mai [12], Ende Gelände du 13 au 16 mai en Allemagne [13], ou encore la mobilisation antinucléaire d’octobre.

Avant de repartir, les militants ont fait une haie d’honneur et de remerciement pour les compagnons d’Emmaüs Lescar-Pau qui les ont accueillis pendant une semaine dans leur village, puis ont entonné à nouveau ce chant emprunté à HK dès la fin du rassemblement au Champ-de-Mars le 12 décembre, à la fin de la COP 21 : « c’est pas fini, pas fini, ça ne fait que commencer ! »

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