La Syrie, que faire ?

mardi 22 octobre 2013, par Jacques Cossart *

En raison de son emplacement géographique, sur la route des échanges entre l’Europe et l’Asie, la Syrie joue, depuis la haute Antiquité, un rôle important dans l’histoire. En témoignent les très nombreuses dominations qu’elle a subies, depuis celle des Égyptiens près de 1700 ans avant J.-C., jusqu’aux décennies du protectorat français qui a pris fin en 1946. Le parti Baas s’imposera dès 1966 jusqu’à la prise de pouvoir, après la défaite de la Guerre des Six Jours, par la général Hafez el-Assad dont le fils cadet Bachar el-Assad sera nommé président de la République en 2000, après la mort de son père. L’utilisation de la religion est constante depuis des décennies.

La famille el-Assad est allaouite ; les allaouites, issus du chiisme, représentent quelque 10 % de la population syrienne, tandis que les sunnites constituent environ les trois quarts de la population syrienne et regroupent, si on simplifie beaucoup, la majorité des musulmans dans le monde. On sait les longues tensions entre sunnites et allaouites. Par ailleurs, les relations avec l’Union soviétique se développeront dès la années 1950 et se poursuivront avec la Russie. 

En février 2011, un an après l’immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, en Tunisie, en décembre 2010, on assiste en Syrie à des appels à manifester. Bachar el-Assad et le gouvernement emploient la force pour tenter de réprimer ces manifestations, provoquant des morts avant même l’utilisation des chars dès avril 2011 et, très vite, des bombardements aériens. L’évaluation du nombre des victimes varie, mais il semble qu’il est supérieur à 100 000 personnes. Selon les services de renseignements étasuniens, l’utilisation d’armes chimiques aurait provoqué, le 21 août 2013, la mort de plus de 1400 personnes dont un grand nombre d’enfants.

C’est sur cette toile de fond que débats et prises de positions ont lieu.
Il ne peut être question d’en faire, ici, une recension exhaustive ; on se contentera de quelques exemples.


En France

François Hollande a affirmé le 27 août 2013 devant les ambassadeurs que « la France [était] prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents » et il monte en première ligne pour engager une « action militaire ». Mais la Russie bouleverse quelque peu la donne en déclarant le 9 septembre 2013 « [appeler] les dirigeants syriens à non seulement accepter de placer sous contrôle international son stock d’armes chimiques, et ensuite à le détruire, mais aussi à rejoindre pleinement l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques ».

- Au sujet de l’initiative russe : Le Monde, 13 septembre 2013 « Syrie : quelle est la portée du ’coup’ russe ? » Quatre analyses présentées ainsi dans ce dossier : « Alors que les Occidentaux faisaient face à la réticence de leurs opinions publiques, la Russie a surpris en proposant à la Syrie de démanteler son arsenal chimique. Quelle est la motivation de Vladimir Poutine ? Quelle influence la Russie veut-elle exercer au Moyen-Orient, en soutenant indéfectiblement l’axe Iran-Syrie ? Entre occidentalisme et islamisme, quelles voies le Kremlin souhaite-t-il emprunter à l’aide de cette manœuvre diplomatique qui semble arranger les chancelleries occidentales ? »

- « En Syrie, c’est la crédibilité même de l’Occident qui est en jeu. Impossible de ne rien faire, mais il faudra repenser l’ordre international ». Tribune d’Hubert Védrine dans Le Monde du 5 septembre 2013. Il y déclare notamment : « Néanmoins, au point où nous en sommes, et quelles que soient les failles de l’argumentation, après de telles annonces, ne rien faire serait adresser un message d’impunité aux utilisateurs possibles de l’arme chimique, et porter un coup terrible à la crédibilité occidentale. Mais cela impose tout un accompagnement politique et diplomatique. »

- Deux dossiers dans Le Monde du 6 septembre 2013 : « Le dossier syrien empoissonne le G20 » et « Les intellectuels face à la guerre en Syrie », avec « Les penseurs prennent la mesure de la complexité » de Frédéric Gros ; « La force ne fait pas le droit international » de Tzvetan Todorov ; « Ni intervention ni passivité, parions sur la voie du compromis, c’est peut-être la seule chance de trouver une issue pacifique » d’Edgar Morin ; « Une réplique américano-française s’impose. Halte au triomphe de la volonté de nuisance » d’André Glucksmann ; « Seul le statu quo est tenable en Syrie » d’Edward N. Luttwak.

- Deux tribunes dans le n° 1267 de Politis, 5 septembre 2013 : « Syrie : Révolution d’un peuple ou complot occidental ? » Le débat sur le conflit syrien divise à gauche. Tandis qu’Alain Lipietz appelle de ses vœux une intervention occidentale, Christophe Ventura considère que la France ne doit pas suivre les États-Unis dans ce qu’il analyse comme un nouvel épisode du « choc des civilisations ».

Alain Lipietz, Europe Écologie-Les Verts, compare la non-intervention contre la Syrie au refus du Front populaire de soutenir les républicains espagnols en 1936.

Christophe Ventura, responsable des questions internationales au Parti de gauche, estime que « la France doit rejeter les logiques guerrières fondées sur les rapports de forces ».

- Une intervention du polémiste belge Michel Collon, créateur du site Investig’Action qui combat avec vigueur la guerre en général sur France 2, dans l’émission Ce soir (ou jamais !), 6 septembre 2013 intitulée « Capitalisme et guerre en Syrie ».. Il y expose, en particulier, les « 5 principes de la propagande de guerre ».

Ailleurs dans le monde

- The Washington Post, 28 août 2013, « Imminent U.S. strike on Syria could draw nation into civil war ». Les deux journalistes, auteurs de l’article, soulignent le danger qu’une intervention militaire en Syrie puisse y provoquer une guerre civile.

- openDemocracy.net, 31 août 2013, Gilbert Achcar, « Welcoming the vote of the British Parliament while supporting the Syrian uprising ». Universitaire franco-libanais, bien connu en France, Gilbert Achcar est un excellent connaisseur, entre autres, du Moyen-Orient et des questions relatives à la guerre. Dans ce texte, il indique pourquoi il est opposé à des frappes occidentales, mais prétend qu’il convient d’aider le peuple syrien à se défendre. Le n° 1268 de Politis, 12 septembre 2013, publie, en français, sa tribune intitulée « Permettre au peuple syrien l’autodéfense ».

- The Economist, 31 août 2013, « Hit him hard » sous le titre « Frappez le fort », le journal britannique mondialement réputé, affichant fièrement sa vision ultra-libérale de l’économie, demande deux préalables avant de punir el-Assad : présenter des preuves et fixer un clair ultimatum.

The Guardian, 6 septembre 2013, « US Jewish leaders petition Congress to authorise Syria strike », le journal rapporte l’action de dirigeants juifs auprès des membres du Congrès pour qu’ils fassent pression sur le président Obama, afin que les États-Unis interviennent en Syrie.

- Courrier international, 29 août 2013, sous le titre « Frapper la Syrie, une aventure hasardeuse », l’hebdomadaire traduit des extraits de la presse états-unienne présentés ainsi : « Après la présumée attaque au gaz sarin du 21 août, une intervention militaire en Syrie se précise. Mais d’anciens responsables américains se montrent sceptiques sur ses chances de succès. »
http://www.courrierinternational.com/article/2013/08/29/frapper-la-syrie-une-aventure-hasardeuse

- Courrier international, 11 septembre 2013, « Controverse Syrie : les députés britanniques ont-ils “bien” voté ? ». New Statesman répond oui, tandis que The Daily Telegraph répond non.

- Courrier international, 11 septembre, 2013, dossier de quelques dix pages intitulé « La nouvelle guerre froide RUSSIE-États-Unis » présentant la traduction de 9 articles de la presse internationale.

- Infowars.com, 30 août 2013, article rapportant le témoignage de « rebelles » admettant une responsabilité dans l’attaque chimique.

- Richard Falk, juriste universitaire ayant enseigné à Princetown University s’exprime dans son blog sur plusieurs sujets, y compris à propos de la Syrie. Voir son analyse du 6 septembre 2013 expliquant pourquoi le Congrès devrait répondre non à Barack Obama.

- Robert Fisk, correspondant pour le Moyen Orient de The Independent, 30 août 2013, « Iran, Not Syria, Is the West’s Real Target ». Le journaliste remarque que l’Iran est de plus en plus impliqué dans le dossier syrien et qu’une victoire iranienne ne serait pas tolérée par l’Occident.

- Bob Dreyfuss, The Nation, 5 septembre 2013, est sur la même ligne que Robert Fisk, « Obama’s Syria War Is Really About Iran and Israel »

- Max Blumenthal, 1er septembre 2013, écrivain et journaliste états-unien, « Dubious Intelligence and Iran Blackmail : How Israel is driving the US to war in Syria ». Il analyse que des renseignements iraniens douteux ont facilité la vigoureuse action israélienne pour conduire les États-Unis à une guerre contre la Syrie.

- Wikileaks, analyse de juin 2012, en mars 2012, plusieurs morts et blessés à Alep. L’auteur estime prétend que l’affirmation que l’attentat serait le fait de l’armée syrienne n’a aucun sens. En revanche il affirme que tant que el-Hassad aura l’aviation à sa disposition, les « rebelles » ne peuvent l’emporter. Or pour détruire l’aviation d’el Assad, il faut les forces occidentales qui, selon lui pourraient intervenir, comme en Libye. https://wikileaks.org/gifiles/docs/1671459_insight-military-intervention-in-syria-post-withdrawal.html

- OSDH (Observatoire syrien des droits de l’homme, dont le siège est à Londres), 1er septembre 2013, bilan sur 30 mois de conflit

- Après que les États-Unis et la Russie sont parvenus, le 26 septembre 2013, à un accord sur un texte encadrant la destruction de l’arsenal chimique en Syrie, la résolution 2118 du Conseil de sécurité de l’ONU a, le lendemain 27 septembre, été adoptée à l’unanimité.

Rappelons que le Conseil de sécurité comporte cinq membres permanents (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) auxquels s’ajoutent dix membres élus pour deux ans par l’Assemblée générale ; il s’agit en 2013 de l’Argentine, l’Australie, l’Azerbaïdjan, le Guatemala, le Luxembourg, le Maroc, le Pakistan, la Corée, le Rwanda et le Togo.

Le ministre des Affaires étrangères de la France, Laurent Fabius, resté à New York tout au long des négociations, n’a pas obtenu satisfaction quant à la demande insistante de son pays d’inclure l’application du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui organise le recours automatique à la force en cas de non respect de la résolution.


Que soit vivement remercié ici le docteur Saïd Zulficar, ancien haut-fonctionnaire auprès de l’UNESCO ; il participe activement à l’animation de plusieurs ONG. En qualité d’analyste politique, il participe chaque semaine au Caire, sur la chaîne de télévision égyptienne Nile TV Internationale, à l’examen bilingue, français et anglais, de l’actualité. Il a récemment cosigné, avec d’éminentes personnalités internationales, « Plaidoyer pour la paix en Syrie » qui a été publié, entre autres par Le Monde. C’est lui qui est à l’origine de beaucoup des liens proposés dans cette revue.

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