Mothership de Muriel Cravatte (2023, 55 min ou 80 min)
« Il faut que tu comprennes que personne ne pousse ses enfants sur un bateau, à moins que l’eau ne soit plus sûre que la terre ferme ».
Home, poème de Warsan Shire, jeune femme britannique d’origine somalienne.
La Méditerranée centrale est le couloir migratoire le plus dangereux au monde. Chaque jour, à bord d’embarcations de fortune, des exilé·es tentent de fuir la Libye. C’est là qu’un bras de fer se joue quotidiennement entre autorités et humanitaires.
C’est pour opposer un principe de réalité aux fictions véhiculées par médias ou politiques que Muriel Cravatte a embarqué à bord de l’Ocean Viking, le navire humanitaire de l’ONG SOS Méditerranée.
Le documentaire, tourné entre juillet et novembre 2022, s’inscrit dans un contexte de tensions politiques et de violations des droits humains en mer.
Muriel Cravatte invite le spectateur à s’interroger sur les questions de l’accueil et de la solidarité avec ceux qui viennent au secours des personnes en détresse en mer.
Elle documente minutieusement chaque étape : elle est sur l’Ocean Viking qui patrouille le long des côtes libyennes, mais aussi dans le Colibri de l’association Pilotes volontaires ou sur les canaux de sauvetage qui vont chercher les migrants dans la houle pour les transborder avant de les amener au navire, jusqu’à leur débarquement en Italie. Elle met en lumière les défis auxquels sont confrontés les sauveteurs à cause des défaillances des politiques européennes, qui ne respectent pas la Convention de Genève et le droit maritime, et de l’agressivité des gardes-côtes libyens, qui n’agissent que parce que l’UE leur donne les fonds nécessaires pour le faire.
À bord du navire, elle porte un regard particulier sur les femmes et les enfants rescapés, en suivant Marina, l’extraordinaire sage-femme japonaise. Car, sur le bateau, il existe un refuge dans le refuge : le « women shelter’s » (littéralement « centre d’accueil des femmes ») où la caméra se pose pour saisir la détresse, le désespoir, mais également des moments de grâce, de courage, des rires, et des rêves.
En filmant avec délicatesse les confidences sur les sévices subis en Libye, elle redonne une voix aux plus de 5 700 femmes secourues par SOS Méditerranée depuis 2016.
« Donner de la visibilité aux invisibles, c’est la mission des documentaires... Sur ce bateau en l’occurrence, montrer les femmes, qui sont souvent invisibilisées dans les questions d’immigration », dit la réalisatrice.
Au fur et à mesure des sauvetages, ses images montrent la transformation du navire-mère, avec des moments de vie, de dignité retrouvée et de solidarité parmi les rescapés. Le spectateur est immergé dans une réalité complexe.
Mothership est un film qui nous habite, auquel on continue de penser en s’interrogeant sur les épreuves qui attendent encore les rescapé·es, une fois quitté ce havre provisoire.
Il a été diffusé par France 3 dans sa version courte.
Pour des diffusions, contactez directement le site du producteur.
À propos de l’actualité du film, voir le compte Instagram de la réalisatrice.
Sylvie Agard, pour le groupe Cinéma.