Manas, un film de Marianna Brennand Fortes, Brésil, 101 min.
Coproduit par les frères Dardenne et Walter Salles.
Au cinéma le 26 mars 2025.
Pour aborder la question des violences domestiques et sexuelles, la documentarisre Marianna Brennand s’est tournée vers la fiction pour réaliser Manas. Le film se déroule au nord du Brésil, dans la partie amazonienne, et révéle un monde d’exploitation et d’abus qui gangrènent la communauté dans laquelle vit Tielle, 13 ans.
Attac est partenaire de ce film.

Tielle, treize ans, vit avec ses parents, ses frères et sa petite sœur dans l’île insulaire de Marajó en Amazonie. Pauvreté, isolement et précarité dans des baraques perdues dans les mangroves, chasse, pêche et nourriture frugale. L’histoire familiale incestueuse est centrale dans ce huis-clos environnemental : la peur du père et la soumission de la mère rendent difficile la rébellion. Pourtant, Tielle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée qui aurait « trouvé un homme bon » sur les barges qui sillonnent la région. Comment cette adolescente peut-elle se construire dans cet espace où les relations sociales sont limitées à la quête de nourriture et où l’exploitation sexuelle des fillettes et des adolescentes est la norme, au sein de la famille comme au-dehors ?

Documentariste, Marianne Brennand a rapidement compris qu’il lui serait difficile de demander aux victimes de raconter, face à la caméra, des expériences traumatiques et elle a donc choisi la fiction pour dénoncer la répétition transgénérationnelle des abus sexuels qui gangrène Marajó. Le travail qu’elle a mené pendant ses années de recherche lui permet d’être aussi proche que possible de la réalité.
La réalisatrice invite le spectateur à ressentir ce que ressent son héroïne, à entrer en empathie avec elle, sans jamais donner à voir explicitement une scène de sexe ou de violence. Le travail cinématographique est rigoureux : il joue sur les ellipses, la qualité du son, la précision de l’approche psychologique des personnages dans un environnement resserré, mais magnifique.
Tout est cependant clair et les choix, de la part de Marianna Brennand, témoignent d’une délicatesse et d’un respect rares pour parvenir à briser un silence insupportable.
Les comédiennes sont exceptionnelles, notamment Jamilli Correa, l’interprète du personnage de Tielle.
« Manas », en portugais, signifie sœur. C’est précisément de sororité que parle ce film où les femmes, surtout les plus jeunes, cherchent à se protéger entre elles.

Voilà comment la réalisatrice expose ses intentions :
« C’est lors d’une recherche documentaire dans les villages reculés de la forêt amazonienne que j’ai rencontré des femmes qui avaient enduré d’immenses traumatismes depuis leur plus jeune âge, subissant des abus sexuels à l’intérieur de leur foyer tout en étant également exploitées sexuellement sur des barges commerciales sans pratiquement aucune chance de s’échapper. Malheureusement, la plupart d’entre nous, les femmes, avons une histoire d’abus, qu’il s’agisse de violences sexuelles, morales ou psychologiques, qui ont laissé de profondes cicatrices et de profonds traumatismes. Le mouvement Me Too et d’autres mouvements de défense des droits des femmes nous ont encouragés et nous ont permis de briser le silence et de dénoncer les agresseurs du monde entier. Mais qu’en est-il de ces femmes invisibles dont nous ignorons même l’existence ? À travers Manas, je veux donner la parole à ces femmes et filles qui autrement ne seraient jamais entendues, en honorant les histoires qu’elles ont partagées avec moi. Je considère le cinéma comme un véhicule incontournable de transformation sociale et politique et j’espère que Manas saura mobiliser l’empathie des spectateurs en brisant l’énorme tabou entourant cette réalité difficile qui nous affecte toutes, les femmes. »
Marianna Brennand
Claire Milla, Didier Falleur et Sylvie Agard.
Le dossier de presse sur le site du distributeur, Bodega films.
La bande-annonce du film