L’Évangile de la Révolution, un film de Jean-François Drouet
France – 2024, 115 min
Sortie le 3 septembre 2025

Le titre de ce film renvoie à un moment de l’histoire militante en Amérique Latine, celui de la théologie de la libération, avec les communautés ecclésiales de base, ces groupes de laïcs qui lisaient l’Évangile comme un manifeste révolutionnaire et ont fait de leur foi un outil de résistance, à rebours de l’idée de Marx selon laquelle la religion est « l’opium du peuple ».
Des années 1960 aux années 1980, c’est avec eux que prêtres et religieuses, formés au marxisme et marqués par Vatican II, ont choisi de se battre contre les dictatures.
Envisageant les pauvres non plus comme objets de charité mais comme sujets de leur histoire, la théologie de la libération a rompu le pacte séculaire entre Église et pouvoir, en affirmant qu’aimer son prochain supposait de transformer les structures de domination.
Dans son carnet d’un voyage qui le mène au Salvador, au Brésil, au Nicaragua et au Chiapas, Jean-François Drouet, le réalisateur (dont nous avions beaucoup aimé Le temps des forêts, son précédent film), agnostique, mêle récits des acteurs du mouvement et archives pour montrer comment les églises ont été des refuges pour les organisations populaires, ouvriers, paysans et communautés indigènes, qu’elles ont accompagnées dans leur émancipation.
Le film redonne vie aux figures de Mgr Romero, assassiné en 1980, d’Helder Câmara ou de Frei Betto, arrêté et torturé par la dictature brésilienne. Car l’histoire de ce christianisme insurgé est aussi celle d’une répression féroce : plus de deux cents prêtres assassinés, des milliers de laïcs persécutés, des fresques effacées, des voix réduites au silence par Rome ou les juntes militaires.
Il rappelle aussi des épisodes marquants, comme la visite houleuse de Jean-Paul II à Managua en 1983, où le pape condamna publiquement des ministres prêtres sandinistes avant de saluer le commanditaire de l’assassinat de Romero.
L’Évangile de la Révolution est d’autant plus passionnant qu’en documentant cette histoire dont il met en lumière les contradictions et les espoirs trahis, le film interroge aussi l’héritage de ce mouvement, marginalisé par une Église devenue plus conservatrice mais dont l’influence persiste dans les luttes pour la terre ou les droits des peuples autochtones.
En donnant la parole à des figures comme María López Vigil, journaliste nicaraguayenne, ou Júlio Lancellotti, prêtre brésilien qui brise aujourd’hui du mobilier urbain pour loger les SDF, Jean-François Drouet montre que l’engagement chrétien pour la justice sociale reste vivant.
Le nouveau pape Léon XIV, réputé proche de Gustavo Gutiérrez, théoricien de la théologie de la libération, réaffirmera-t-il l’importance de ce mouvement en faveur des droits humains au moment où prospèrent les églises évangéliques très éloignées de l’idée d’une révolution ?
Attac est partenaire de ce film, unanimement soutenu par le Groupe Cinéma.
Toutes les infos, en particulier pour organiser des projections, sont disponibles sur le site du producteur, l’Atelier documentaire.