Intoxiqués aux énergies fossiles et à la recherche de la croissance économique à tout prix, les pays du G20 représentent à eux seuls 80% de la consommation d’énergie dans le monde – et 78% des émissions de C02 – pour à peine 60% de la population mondiale. Le rapport publié par le PNUE en début de semaine est clair : les pays du G20 pris collectivement « ne sont pas sur la bonne voie » pour atteindre les objectifs qu’ils se sont eux-mêmes fixés pour 2030. Parmi les cancres on peut compter les États-Unis ou l’Arabie Saoudite, bien sûr, mais également le Canada et l’Union européenne qui se présentent pourtant bien souvent comme les « Champions du climat ».
Dans la réalité, il n’en est rien. Le G20, en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, ressemble à une classe de cancres. Mettre à l’index Donald Trump et les États-Unis, comme cela est fait habituellement, est donc trompeur. C’est oublier que dans une classe de cancres, même le meilleur d’entre eux, reste un cancre. Ainsi, l’Union européenne, loin de l’image qu’elle souhaite donner d’elle-même, n’est pas en mesure de garantir que ses objectifs pour 2030 seront atteints. Et au sein de l’Union européenne, la France est loin d’être exemplaire, quoiqu’en disent les défenseurs du nucléaire dans le mix électrique du pays : ses émissions n’ont-elles pas augmenté de 3,2 % en 2017 par rapport à 2016 (contre une augmentation de 1,8% pour l’UE) ?
Ils sont 20. Ce sont 20 criminels du climat.
Il faut dire que les énergies fossiles représentent toujours 82% du mix énergétique des pays du G20, rappelle un deuxième rapport, publié par Climate Transparency. Des énergies fossiles largement subventionnées puisque les pays du G20 leur ont accordé 147 milliards de dollars en 2016 contre 75 milliards de dollars en 2007. Soit 96% d’augmentation ! La France n’est pas en reste avec 5,8 milliards de dollars. Les pays du G20 financent donc allègrement l’aggravation du réchauffement climatique. Tranquillement. Et en totale contradiction avec l’engagement pris en 2009 lors du 20 de Pittsbrugh, et renouvelé régulièrement depuis, qui consistait à supprimer ces subventions ou aides déguisés. Il n’en est rien. Au contraire.
Selon ce rapport, les émissions de gaz à effet de serre sont donc repartis à la hausse dans 15 des 20 pays du G20, les éloignant progressivement et irrémédiablement d’une trajectoire conforme aux objectifs de 2°C – et idéalement 1,5°C – pris dans le cadre de l’Accord de Paris. Rendons-nous compte : un objectif de réduction de 80% des émissions entre 2005 et 2050 – le minimum requis pour les pays riches – exige une réduction annuelle constante d’environ 3,5% par an durant cette période. Les pays du G20 en sont très éloignés et ils nous conduisent à eux tous seuls, sur un réchauffement climatique supérieur à 3,2°C.
Du théâtre pour sauver les apparences
Alors que les chefs d’État des pays du G20 devraient donc TOUS être mis à l’index pour leurs piètres résultats en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, les commentateurs et principaux médias devraient nous réserver la mise en scène habituelle : d’un côté, les bons chefs d’État, ceux qui veulent que la lutte contre les dérèglements climatiques apparaisse dans le communiqué final et, de l’autre, celui, ou peut-être ceux, qui n’en voudront pas. Une scène identique à celle du G20 d’Hambourg l’année passée, ou à celles des G7 en Italie (2017) et au Canada (2018). Pour quel résultat ? Aucun, puisque les émissions de gaz à effet de serre de la plupart de ces pays ont augmenté en 2017.
Faut-il d’ailleurs faire la liste des G7 et des G20 qui ont pris des engagements en matière de lutte contre les dérèglements climatiques ? Le G8 de l’Aquila en 2009 n’avait-il pas annoncé en faire une priorité majeure, quelques mois avant l’échec de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique ? Tous ces engagements, répétés année après année, peuvent être repris et analysés : aucun n’a été suivi d’effet et les pays du G20, pris dans leur globalité, sont les principaux responsables de l’aggravation des dérèglements climatiques.
Il y aura pourtant des commentateurs pour se féliciter, qu’en marge du G20 à Buenos Aires, quelques pays, autour de la France et de l’Union européenne, auront réaffirmé leur détermination à lutter contre le réchauffement climatique. Les mêmes commentateurs se féliciteront également d’un communiqué où le G19 (G20 moins États-Unis) mettra peut-être à distance Donald Trump sur le commerce international, renouvelant un soutien inconditionnel à la libéralisation du commerce. Sans même se rendre compte de l’incongruité d’une telle prise de position face à l’urgence climatique nourrie par cette libéralisation à outrance menée depuis plus de trente ans.
Un profond schisme de réalité entre urgence climatique et globalisation libérale
Relocaliser les circuits de production et de consommation, réduire les transports internationaux de marchandises, taxer le kérosène et le fioul lourd utilisés pour motoriser cette mondialisation des échanges, supprimer les règles de l’OMC qui aujourd’hui limitent les politiques de transitions énergétique adaptées aux territoires, défendre une agriculture paysanne et bio au détriment des politiques d’agro-exportations, … sont quelques-unes des mesures indispensables du point de vue de l’urgence climatique, mais qui, malheureusement, ne trouveront pas place dans le communiqué final du G20.
Autant de propositions qui sont également bien souvent en contradiction avec les règles de l’OMC et la pratique de son organisme de règlement des différends (ORD) qu’Emmanuel Macron veut pourtant renforcer, plutôt que rénover à l’aune de l’impératif climatique, pour défendre une globalisation des échanges mise à mal par les saillies de Donald Trump. Malheureusement, trop rares sont les commentateurs à mettre en exergue cette contradiction, comme si l’on pouvait résoudre la crise climatique tout en continuant à vouloir approfondir la globalisation néolibérale.
Trop rares seront également les commentateurs pour suggérer une troisième voie qui puisse se positionner, en même temps, contre le repli identitaire de Donald Trump et contre une globalisation désastreuse qu’Emmanuel Macron défend, et en faveur de régulations qui fassent enfin primer l’urgence climatique, les droits sociaux, les droits humains, la protection de la biodiversité, sur le Business as usual. Voilà qui serait révolutionnaire et à la hauteur des enjeux.
Mais ce n’est pas à l’ordre du jour du G20. Ce G20 où siègent 20 criminels du climat, bien trop occupés à préserver les intérêts de leurs multinationales respectives dans la mondialisation néolibérale pour mettre en œuvre des politiques efficaces en matière de lutte contre les réchauffements climatiques.