La région du Kivu est riche en ressources naturelles qui alimentent toutes les convoitises : celles des États, des multinationales et des groupes privés paramilitaires. Cela constitue une des causes principales du conflit. La seconde cause concerne les relations des États voisins dans cette région : il existe un jeu d’alliances complexe entre les États africains (Ouganda, RDC, Rwanda…), mais aussi entre ces États et les groupes armés, avec des dimensions financières et économiques, impliquant parfois directement les multinationales et d’autres États.
L’héritage colonial entraîne encore aujourd’hui des conséquences sur les tensions ethniques en RDC. Comme de nombreux pays d’Afrique, ses frontières ont été tracées par des puissances coloniales européennes, qui ont rassemblé divers groupes ethniques en faisant peu de cas des rivalités historiques. La pratique coloniale consistant à diviser pour mieux régner a exacerbé ces tensions, alors que les autorités coloniales tentaient de maintenir leur contrôle sur les populations locales assujetties.
Le conflit actuel en RDC a débuté dans les années 1990, en particulier dans l’est du pays, à la frontière avec le Soudan du Sud, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.
On compte aujourd’hui dans la région plus de cent groupes armés actifs dont le M23. Nombre d’entre eux sont des milices locales qui tentent de protéger leur communauté. Les allégeances et les rivalités entre ces groupes évoluent constamment et sont généralement motivées par les identités ethniques, les intérêts économiques et la manipulation politique. Pour rappel, en 2012, après la première occupation de la ville de Goma par le M23, les pressions et les menaces internationales avaient alors contraint Rwanda et M23 à battre rapidement en retraite. En 2022, pour faire face à une nouvelle agression rwandaise, la RDC avait adhéré à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et demandé une aide militaire. Une force majoritairement composée de soldats kényans s’était déployée mais elle a été congédiée l’année suivante par le gouvernement qui l’accusait de complicité avec le Rwanda et le M23. Seuls les soldats burundais sont restés pour assurer la défense du Sud-Kivu contre la progression du M23. Le pouvoir congolais s’est alors tourné vers la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) qui a, à son tour, envoyé une force de maintien de la paix composée principalement de soldats sud-africains. L’Ouganda, dont les relations avec Kinshasa et avec le M23 sont ambivalentes, a également renforcé sa présence militaire. Le président congolais cherche enfin à obtenir un soutien militaire supplémentaire de la Tanzanie, de la Namibie et du Zimbabwe. Une configuration qui rappelle la deuxième guerre du Congo (1998-2003).
Dans ce contexte, et depuis plus de 30 ans, la population civile du Kivu subit assassinats arbitraires, violence, tortures, atteintes aux sécurités collectives, viol utilisé comme arme de guerre contre les femmes, enrôlement des enfants , atteintes aux droits fondamentaux, dégradation, destruction des cultures vivrières. Toutes ces exactions plongent cette région dans l’insécurité totale et dans une nouvelle crise humanitaire.
À cette insécurité quotidienne s’ajoute l’extractivisme qui a positionné les pays d’Afrique, comme exportateurs de ressources naturelles subordonnés à l’économie capitaliste mondiale. La RDC et particulièrement la région des grands lacs est riche en ressources naturelles, telles que le coltan, l’or, les diamants et le cobalt. L’exploitation de ces minerais est un moteur important de conflits prolongés entre les groupes. Certains groupes armés sont financés par le contrôle qu’ils exercent sur une partie de ces ressources. La signature d’un protocole d’accord sur les matières premières critiques entre l’Europe et le Rwanda en février 2024 a été très mal perçu par la RDC et l’UE se refuse aujourd’hui à le remettre en cause, au prétexte qu’il s’agirait d’un outil pour lutter contre le trafic illégal de minerais. Déjà, en 2023, l’Union Européenne avait adopté une loi sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act, ou CRMA) pour répondre à la nécessité de sécuriser l’approvisionnement de l’Europe en minéraux critiques pour la mal nommée « transition écologique ». Promesse d’un monde décarboné, la transition énergétique n’est ni juste ni durable. Pire, elle étend les frontières de l’extractivisme, intrinsèquement lié aux nouvelles technologies numériques, car l’Europe n’a pas les ressources suffisantes pour répondre à cette exigence.
Quand à la France, considérant notamment les intérêts de TotalEnergie dans la région, elle tentait depuis plusieurs mois d’adopter une position diplomatique entre la RDC et le Rwanda, ne condamnant l’offensive du M23 avec le soutien du Rwanda que du bout des lèvres. Emmanuel Macron, à l’occasion de sa visite officielle en RDC en mars 2023, s’était permis de faire publiquement la leçon à son homologue congolais sur la gestion de la crise sécuritaire et il se refuse à franchir le pas d’une demande de sanctions internationales contre le Rwanda, réclamée par le président congolais Tshisekedi. C’est toujours le cas après la prise du contrôle de Goma et Bukavu par le M23 et le Rwanda.
La terre n’est pas une marchandise !
Cette politique de l’extractivisme qui constitue ce qu’on appelle un « terricide » représente une des formes les plus brutales de dépossession par le pillage de ressources naturelles, la dégradation, voire la destruction de l’environnement et des écosystèmes, au détriment des populations locales, de leur culture et mode de vie. Il est urgent de continuer à dénoncer le pillage systématique de la RDC, poumon vert de l’Afrique, et les nombreux conflits armés qui en découlent, qui durent depuis trop longtemps. Les populations du Kivu doivent retrouver leur souveraineté, et la tranquillité de vie dans leurs milieux.
Attac a toujours milité contre l’extractivisme et ses ravages.
Il est nécessaire de continuer à soutenir le mouvement social de RDC dont la Lucha , et de développer notre travail en commun avec toutes les associations luttant contre le pillage de la terre, dont l’association d’écologie décoloniale et de solidarité internationale « Génération Lumière », très mobilisée contre toutes les formes d’extractivisme et pour la paix en RDC. Attac souhaite contribuer à l’amplification des mobilisations internationales contre l’extractivisme qui détruit la planète à petit feu et appuyer les actions menées auprès des instances françaises, européennes et internationales. Les Accords de libre échange, comme celui existant entre l’UE et le Rwanda, doivent être dénoncés : malgré la mobilisation de Génération Lumière et le vote des députés européens pour demander sa suspension, l’accord est toujours en vigueur. La commission a refusé de suivre le vote des députés, mais la mobilisation continue
Halte à l’extractivisme prédateur !
Un monde post extractiviste et post capitaliste est possible, ce sera un monde favorable aux alternatives émancipatrices, permettant aux populations de retrouver ses sécurités collectives. Cela passera par le désarmement et démantèlement des milices armées qui sévissent depuis trop longtemps, la fin des coopératives militaires, et une diplomatie en faveur de la paix durable.