Alors que Narendra Modi, Premier Ministre de l’Inde, a été désigné comme l’invité d’honneur de la fête nationale du 14 juillet, comme représentant·es syndicaux et associatifs nous exprimons nos inquiétudes face à la restriction majeure de l’espace civique, aux atteintes aux droits humains et aux violences récurrentes en Inde. Nous demandons au gouvernement français de s’exprimer contre ces abus et ces discriminations et d’annuler la venue de Narendra Modi. Lire notre tribune
Narendra Modi est un nationaliste hindouiste, autoritaire, et neo-libérale, à la tete du Bharatiya Janata Party (BJP), un parti issu, comme lui, du pire mouvement de l’extrême droite indienne, la Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS). Les fondateurs de la RSS glorifiaient Mussolini et Hitler, ce groupe paramilitaire comptait aussi parmi ses rangs le tristement célèbre assassin de Gandhi.
Modi incarne donc à lui seul une dangereuse convergence entre l’extrême droite et les intérêts des puissants économiques du pays. Les principes fondamentaux d’égalité et de diversité sont piétinés au nom de cette vision exclusive d’une identité hindouiste indienne et d’une politique néolibérale prédatrice.
En 2019, le gouvernement indien a décidé d’abroger l’autonomie du Cachemire, le seul État à majorité musulmane du pays. La même année, il a fait voter une loi sur la citoyenneté facilitant l’obtention de la citoyenneté indienne par les réfugiés d’Afghanistan, du Bangladesh et du Pakistan, à la condition qu’ils ne soient pas musulmans. Les manifestations contre cette loi abjecte ont été agressé par des milices du RSS armés de pierres, sabres et de pistolets. Ces attaques, qui ont été perpétrées suite à un appel de Kapil Mishra, un leader local du BJP, ont fait 32 morts et le gouvernement de Modi a tardé à déployer les forces de l’ordre pour les calmer. Enfin, une enquête officielle britannique accuse Narendra Modi d’avoir empêché, quand il était le chef du gouvernement du Gujarat, la police d’agir pour arrêter le pogrom anti-musulmans de 2002 qui a fait plus de 1000 morts.
Un exercice total et brutal du pouvoir
Ses méfaits sont pourtant loin de le rendre infréquentable aux yeux des capitaines de l’industrie et des grands médias indiens, bien au contraire. Le gouvernement de Modi a facilité l’expansion économique des deux hommes les plus riches du pays, Gautam Adani (empêtré dans des escroqueries) et Mukesh Ambani, en leur accordant des avantages et des contrats lucratifs, et en leur bradant les biens et industries publics du pays. Ce n’est pas tout, bien que la libéralisation de l’économie indienne avait déjà été officiellement mise en œuvre par un gouvernement du Congrès en 1991, Narendra Modi plus que tout autre a brutalement utilisé la puissance de l’État indien pour mettre en œuvre des politiques néo-libérales brutales et déserter les services publics de la vie, comme la santé ou l’éducation.
Pour pouvoir maintenir cette politique, Modi a dû prendre le contrôle des institutions publiques et des contre-pouvoirs (universités, justice, médias), même la Cour Suprême indienne, réputée pour être la garante impartiale et indépendante de la démocratie du pays, semble paralysée face aux pressions du gouvernement. La répression et la violence d’État subies par la société civile, les journalistes, les avocat·e·s ou les syndicalistes ne cesse de croître et se traduit de différentes façons : arrestations et intimidations de militant·e·s, « cas fabriqués » contre des leaders communautaires ou des défenseur·e·s des droits, assassinats de journalistes, traque des ONG critiques (Amnesty a du quitter le pays), multiplication des accusations de « sédition » et de « terrorisme », imposition d’un langage et d’un récit stigmatisant, marquant la volonté d’isoler ces forces citoyennes du reste de la nation en les accusant d’être des « traîtres à la patrie » ou autres « agent·e·s de l’étranger ».
Pourtant, l’espoir existe, suite aux plus grandes mobilisations de l’histoire de l’humanité, les paysan·nes ont, après un an de lutte, fait reculer Modi qui essayait d’imposer une réforme ultralibérale de l’agriculture. Enfin, contre toutes attentes, le parti majoritaire d’opposition a très largement remporté les élections régionales au Karnataka, bastion du BJP, en mai 2023. À nous maintenant de nous montrer solidaire avec la société civile indienne, et mettre la pression sur le gouvernement français pour qu’il mette fin à sa complaisance avec Modi et sa politique mortifère.