«  La politique du Labour party s’appuie sur "l’ambigüité constructive"  : ni blocage du Brexit, ni Brexit dur »

mardi 21 mai 2019, par Huayra Llanque, Plihon Dominique

Fin février, un mois avant la date prévue de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (fixée au 29 mars), nous avons interrogé Josephine Grahl, syndicaliste britannique proche de Jeremy Corbyn.

Deux ans après le référendum sur le Brexit, quelle est la situation à un mois de la sortie officielle  ?
Le Royaume-Uni connait une situation de crise qui se poursuivra certainement bien au-delà du 29 mars. L’accord de retrait négocié par Theresa May ne plait à personne – les Brexiteurs conservateurs de l’ultra-droite y sont opposés parce qu’ils sont contre le «  backstop  » qui préserve la frontière ouverte entre l’Irlande du Nord et la République irlandaise en cas de sortie sans traité commercial. Le gouvernement des conservateurs devenu minoritaire a le soutien de la DUP, parti d’extrême-droite des unionistes nord-irlandais. Le parti travailliste est opposé à l’accord car celui-ci proposait une sortie de l’union douanière, une sortie du marché unique, et peu de garanties sur les droits des migrant·e·s européen·ne·s et des ouvrier·e·s.

Le 15 janvier dernier, l’accord avait été refusé par le Parlement. Jeremy Corbyn avait alors proposé un vote de défiance, qu’il a perdu. Theresa May espérait alors que la menace d’un «  no deal   » – sortie de l’UE sans accord – risquant de mener à une crise générale, notamment alimentaire et sanitaire, inciterait les parlementaires à voter son accord. La situation s’est par ailleurs compliquée avec la rupture de huit députés travaillistes (de la droite du parti) et trois conservateurs (relativement libéraux) pour former un groupe indépendant centriste au parlement. Ils ne font pas beaucoup de propositions positives  ; ce qui unit ce groupe est son opposition au Brexit, mais ça complique l’arithmétique parlementaire. Il n’est par exemple pas clair, dans le cas d’un vote de défiance, si ce groupe voterait contre le gouvernement ou ferait abstention.

Est-ce que la question du Brexit dépasse les clivages politiques traditionnels  ?
La majorité des électeurs conservateurs sont pour le Brexit et la majorité des électeurs travaillistes contre  ; mais un sondage vient de montrer que «  l’identité brexitaire  » devient de plus en plus importante parmi les citoyen·ne·s britanniques. Le clivage conservateurs/travaillistes qui structurait depuis les années 1970 la vie politique britannique s’estompe pour laisser place à un autre clivage sur l’appartenance à l’Union européenne.

Comment ont réagi les syndicats et les mouvements anti-racistes  ? 
Pour ce qui concerne les syndicats, la plupart d’entre eux sont opposés au Brexit, car d’importantes avancées pour les droits des ouvriers britanniques sont dues à l’Union européenne. Concernant l’autre point de votre question, il peut être noté que depuis le référendum, les incidents racistes se sont multipliés. Mais cela ne vient pas uniquement du Brexit. En 2012, le gouvernement de coalition conservateur-libéral avait introduit le «  Hostile Environment  » (milieu hostile) aux migrant·e·s. Cela a par exemple conduit à ce qu’en 2018, des citoyen·ne·s du Commonwealth – en particulier ceux venant des Caraïbes – résidant depuis longtemps en Grande-Bretagne se sont vu refuser leur naturalisation malgré leur droit absolu à la citoyenneté britannique. Au même moment, le secrétaire d’État à l’Intérieur menait campagne invitant les migrant·e·s à retourner chez eux. Cela allait dans le sens d’une grande partie des électeurs qui ont voté pour le Brexit afin de limiter l’immigration.

Quelles sont les discussions à gauche  ? Que ferait Jeremy Corbyn s’il gagnait les élections  ?
La politique du Labour party s’appuie sur «  l’ambigüité constructive  »  : ni blocage du Brexit, ni Brexit dur. Keir Starmer, nommé par Corbyn secrétaire d’État chargé du Brexit au sein du «  cabinet fantôme travailliste  », a précisé les conditions d’un accord de sortie, à savoir un Brexit très «  soft  »  : maintien d’une union douanière et d’un régime proche du marché unique, défense des droits sociaux, sans restrictions sur la libre circulation. Un gouvernement travailliste pourrait aussi proposer un référendum sur l’accord final. Cette position serait probablement acceptée par l’UE. Le Brexit n’est pas un facteur important de division de la gauche  ; les «  brexiteurs  » de gauche ne sont en effet qu’une minorité. Le clivage est plutôt entre les partisans d’un deuxième référendum, c’est-à-dire ceux qui soutiennent la campagne du «  People’s Vote  », et ceux qui acceptent le résultat du premier référendum mais cherchent à obtenir la sortie la plus soft possible.

En ce début 2019, la situation politique est incertaine au Royaume-Uni. Des élections à brève échéance sont probables, mais avec des résultats imprévisibles, conservateurs et travaillistes étant au coude à coude dans les sondages. L’extension du processus de sortie, pour éviter le «  no deal  », prolongerait cette incertitude…

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