Après l’économie verte, la stimulation verte ?

lundi 16 septembre 2013, par Jacqueline Balvet

Nouvel avatar sémantique créé par les industriels étatsuniens pour désigner le mode de production des hydrocarbures non conventionnels issus du million de puits de gaz et pétrole de schiste.

Cet abus de langage explique-t-il, quand on voit le mitage impressionnant du pays, le peu de réaction des populations déjà abusées par l’attrait financier ?

La stimulation verte, qu’est-ce c’est ?

C’est rendre chaque étape la moins polluante possible, minimiser les impacts en utilisant

  • des containers fermés pour stocker près du puits l’eau de remontée, eau contenant les dizaines de produits chimiques injectés en plus de ce qu’elle trouve sur son passage, le long des 3000 mètres de forage dont des radionucléïdes
  • transporter l’eau en pipeline, plutôt qu’en camions, jusqu’aux « décharges spécialisées »,
  • analyser les fuites de gaz qui s’échappent pour en connaître la composition et tenter de les contrôler
  • verdir les sites, les entourer de végétation, a minima les enterrer

Quel impact économique ?

Ces mesures vont engager un surcoût pour les sociétés puisque ce seront davantage d’investissements, et comme il y a peu d’équipements spécialisés, ceux-ci ne pourront pas être toujours disponibles.

S’ajoute la difficulté inhérente à cette exploitation, celle du déclin rapide de la production (5 années maximum), qui nécessite de déménager les installations très régulièrement, sachant que les forages engagent déjà de 1 à 5 millions $ par puits.

Et surtout, cela ne résout d’aucune manière

  • le bétonnage des sols, qui exclut toute récupération des terres par la suite pour des exploitations agricoles ou forestières
  • les déchets à gérer : l’eau part dans des immenses piscines décharges pour attendre une évaporation pendant des dizaines d’années, l’acier des tubes de forage reste à jamais dans le sol, ainsi que le sable pollué, injecté pour fracturer
  • les fuites des puits, en activité et abandonnés : si une partie des fuites peut être minimisée avec mesures et contrôles spécifiques, il est impensable d’arriver au chiffre annoncé par les industriels de 1% de fuites : plusieurs études scientifiques ont démontré que, selon les régulaitons exercées par les États, on atteignait à minima 4% et dans d’autres États 9%.

En effet, comment contrôler 1 million de puits, 493 usines de transformation, 1400 stations de compression, 400 installations de stockage souterrain et près de 4 millions de kms de pipeline (collecte, transmission aux stations et distribution) ?

  • les routes défoncées, par le passage incessant de camions à très lourde charge, la réparation des routes relevant de la responsabilité de l’État (on a même calculé que la rénovation des voiries coûtait plus cher que la redevance gazière perçue aux USA)
  • le verdissement des sites devenant très souvent impossible quand la majorité des puits sont à moins de 1km de distance et occupe 1,5 à 2 ha chacun
  • la pollution qui affecte les populations environnantes : le gaz naturel contient un certain nombre de toxiques (toluène, benzène, azote, ...) qui s’échappent particulièrement pendant la phase de séparation eau/gaz, phase la plus polluante
  • La « stimulation verte » n’est qu’un discours d’acceptabilité pour calmer l’opinion publique

Le défi climatique

Le gaz naturel est composé majoritairement de méthane, qui a une incidence 20 à 25 fois plus importante que le CO2 sur le réchauffement climatique.

Les fuites de gaz ont lieu à chaque étape du processus : remontée des liquides, séparation liquide/gaz, compression, transport et sont inhérentes à l’usure des infrastructures.

Elles sont variables selon les mesures de régulation prises par les États : par exemple dans le Colorado, pour 50 000 puits en production et 30 à 40 000 puits abandonnés, 15 inspecteurs seulement contrôlent le tout !

Par ailleurs, les industriels sont moins « scrupuleux » là où le contrôle des États est plus lâche : trop souvent les sociétés qui bénéficient de l’octroi de permis pour gérer les exploitations sont des sociétés créées spécifiquement, avec un chiffre d’affaire très bas, ne pouvant rien garantir. Aussi elles exploitent, partent, voire se mettent en faillite, et les dégâts qui restent sont laissés à la responsabilité des collectivités. Il y a là une différence essentielle avec l’exploitation des hydrocarbures conventionnels qui exploitent sur des durées beaucoup plus longues (50 ans en moyenne) et ont tout intérêt à ce que le site reste en bon état de fonctionnement.

S’il devait y avoir régulation, l’unique voie serait de la faire au niveau des États, avec des exigences très strictes : un groupe d’experts, réellement indépendants, pour faire des études d’impacts des émissions dans l’atmosphère : ne pas se fier à ce qui dit l’industrie, des scientifiques ayant démontré que les affirmations des industriels sont totalement non documentées.

Une telle régulation est encore plus nécessaire là où l’exploitation est engagée depuis plusieurs années comme c’est le cas dans beaucoup d’États des États-Unis.

Mais les seules réelles solutions sont :

  • d’abroger les permis d’hydrocarbures non conventionnels (de gaz et pétrole de schiste, de gaz de couche et de sables bitumineux) en cours, et de ne pas en délivrer de nouveaux
  • de suivre les recommandantions de l’AIE, qui affirme que les 2/3 des énergies fossiles doivent rester dans le sous-sol si on veut respecter les engagements de ne pas dépasser une augmentation de 2°C de la température moyenne
  • et donc d’exiger des États qu’ils prennent les décisions politiques nécessaires, ce qui ne peut se faire actuellement que sous la pression des mobilisations des populations.

Jacqueline Balvet – Attac France
d’après un entretien avec Gabrielle Petron

spécialiste des impacts sur le climat
dûs à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels
Université du Colorado - USA

Les Amis de la Terre – Montreuil - 9/09/2013

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