Alors que débute ce 18 juillet à l’Assemblée nationale l’examen de la loi sur le pouvoir d’achat, les mesures proposées par le gouvernement et leur financement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Pour certaines, ces mesures s’inscrivent à contre-courant d’une transition écologique de toute façon nécessaire, et d’une manière générale les montants mobilisés sont insuffisants au regard de l’urgence.
Ce que propose Emmanuel Macron pour faire face à la crise actuelle ne va en rien améliorer la situation des salarié·es et ne fera que retarder la transition écologique. Par ailleurs, est-il légitime de faire porter cet effort exceptionnel sur la dépense publique, alors que de nombreuses entreprises, dans différents secteurs, ont au contraire profité de la pandémie ou de la guerre en Ukraine pour enregistrer des bénéfices records ?
Pour les organisations de PJC, alliance écologique et sociale, l’argent nécessaire est mobilisable : ce sont les superprofits. Ceux-ci sont engrangés par des multinationales qui ont profité de la crise sanitaire ou de la guerre en Ukraine, pendant que des millions de personnes se sont appauvries et que les effets du changement climatique sont de plus en plus criants.
Ainsi, Total cumulait 6 milliards de bénéfices annuels en moyenne entre 2018 et 2020. En 2021, ce chiffre est monté à 16 milliards.
Carrefour de son côté a engrangé en moyenne 403 millions de bénéfices entre 2018 et 2020. En 2021, l’entreprise a réalisé un bénéfice record de 1,7 milliards d’euros.
La BNP Paribas a elle engrangé 7,5 milliards en moyenne entre 2018 et 2020 contre près de 9.5 milliards en 2021.
Nous proposons de mettre en place un mécanisme de taxation de ces super profits et d’en affecter le produit à des mesures d’urgence, ciblées, destinées à maintenir le pouvoir d’achat des ménages les plus impactés par les hausses de prix, tout en accélérant la transition écologique.Au lieu de distribuer des chèques et de ne proposer que des rustines sans portée sociale et qui relancent les énergies fossiles, sans aucune vision à moyen et à long terme, nous proposons de profiter de cette situation pour que toutes les mesures d’urgence soient un accélérateur de la transition écologique et un déclencheur de mesures beaucoup plus structurelles.
Des millions de personnes ont de plus en plus de mal à se nourrir. Les prix de l’énergie explosent, contraignant des millions de travailleuses et de travailleurs à payer leur essence au prix fort. Néanmoins, les mesures d’urgence à prendre contre cette baisse du pouvoir d’achat ne doivent surtout pas se traduire par une relance des énergies fossiles ni retarder la transition énergétique. En outre, la hausse des prix de l’énergie et des matières premières et l’inflation ne sont pas dues à des pénuries de ressources, mais à des situations spéculatives et à des profits de guerre.
D’un côté, les conditions de vie et le pouvoir d’achat des plus défavorisés se dégradent, de l’autre, les milliardaires et les multinationales ne se sont jamais autant enrichis. Des pans entiers de notre économie sont à reconvertir et relocaliser.
Nous devons sortir des énergies fossiles au plus vite, reconstruire notre système de santé et sortir de l’agriculture industrielle.
Une inflation pouvant aller jusqu’à 7%, a déjà un impact énorme sur le pouvoir d’achat des ménages et fragilise davantage encore les populations les plus précaires. La hausse des prix touche un grand nombre de postes de dépenses contraintes du quotidien comme le logement, le transport ou l’énergie. Certain·es se retrouvent confronté·es à des dilemmes comme choisir entre payer leur loyer, se déplacer ou se nourrir. Les salaires, eux, n’augmentent pas autant et les aides aux personnes en situation de précarité ne sont pas suffisamment ambitieuses.
A l’inverse, les profits engrangés dans de nombreux secteurs sont considérables, il est donc légitime que ces bénéfices liés à la crise sanitaire et la guerre en Ukraine puissent être taxés pour répondre à l’urgence. En France, si l’on retient les entreprises du CAC40, on arrive à 61,37 milliards d’euros avant impôts. Étendu aux 150 plus grandes entreprises, on peut estimer¹ qu’en moyenne pour l’année 2021 elles ont dégagé de 80 à 90 milliards d’euros de « superprofits », soit des profits exceptionnels par rapport aux marges de profits en dehors des conditions de crise connues depuis 2 ans.
Cette taxe à hauteur de 50 à 90% pourra permettre de dégager uniquement pour les entreprises du CAC 40, un budget de 15 à 30 milliards d’euros en fonction du taux retenu.
Avec cet argent, il est possible d’apporter de nombreuses réponses immédiates aux difficultés rencontrées par les ménages, tout en contribuant de manière significative à la transition. Dans la logique que nous portons de ne pas opposer la fin du mois à la fin du monde, les mesures de lutte contre la baisse du pouvoir d’achat ne doivent pas justifier un coup d’arrêt aux urgences environnementales.
Nous pensons qu’au contraire, elles peuvent être un formidable accélérateur de la lutte contre le changement climatique et contribuer à un monde plus stable.
Une aide exceptionnelle pourrait être prévue pour les cantines et les restaurants universitaires, dès la rentrée et pour toute l’année, pour des repas à 1€, soit 1 milliard de repas sur l’année et permettant également de renforcer la mise en place des circuits courts. Le train et les autres transports en commun pourraient être rendus plus accessibles avec un tarif réduit ou forfaitaire sur tout le territoire, avec des moyens pour assurer le service. On pourrait encore imaginer une aide massive pour rattraper le retard pris dans la rénovation des bâtiments…
Les solutions existent, l’argent aussi. Il ne manque que la volonté politique.