Pour le climat, pour les emplois : un plan de reconversion écologique et social du secteur aérien

vendredi 24 juillet 2020, par Groupe de travail Aérien - Attac France

Alors que les plans de suppressions d’emplois (5000 en France et 15000 dans le monde chez Airbus, 7580 chez Air France, 700 chez Aéroports de Paris...) s’enchaînent dans le secteur aérien, il est urgent de mettre en œuvre un plan global de reconversion écologique et social de l’ensemble du secteur.

Le secteur aérien est un grand pourvoyeur d’emplois, à la fois dans les compagnies aériennes, les aéroports et l’industrie aéronautique, mais pose un problème écologique majeur. Par ses émissions de gaz à effet de serre, il contribue de plus en plus aux bouleversements climatiques. Il est le mode de transport le plus émetteur de gaz à effet de serre par personne et kilomètre parcouru : au moins deux fois plus émetteur de CO2 que la voiture et 14 à 40 fois plus que le train. De plus, les avions sont un facteur de dégradation de la qualité de l’air, avec des conséquences néfastes sur la santé. Pourtant, toutes les entreprises du secteur envisagent une augmentation des vols et du nombre de passagers transportés. Or, il ne peut y avoir de décroissance des pollutions engendrées par les avions sans décroissance du trafic.

Étroitement lié au complexe militaro-industriel, le développement du transport aérien est donc contraire à la perspective de sortie des énergies fossiles. Il renforce l’influence des grandes entreprises sur les politiques publiques dans le domaine du commerce, du développement économique et du climat. Il bénéficie également d’aides publiques, en particulier en matière de fiscalité, en France comme en Europe, l’Union européenne (UE) apparaissant comme un véritable paradis fiscal pour le transport aérien.
Les promesses d’avions non polluants font partie de ces mirages technologiques qui évitent d’avoir à poser la question des nécessaires modifications à opérer dans l’organisation des transports. Pourtant, en réalité, le transport aérien dépendra encore longtemps des énergies fossiles.

Enfin, contrairement aux promesses d’une démocratisation de l’aérien, les usages de l’avion sont marqués par de très fortes inégalités : seule une infime minorité de la population mondiale y a accès.

Du côté des salarié·e·s, l’aérien est constitué d’une multitude d’entreprises, avec une sous-traitance en cascade, une précarité toujours plus forte et des conditions de travail qui se dégradent. Le développement des vols low-cost, dans des conditions scandaleuses, a fortement accentué ces phénomènes. Mais même dans les entreprises plus classiques, comme Air France, les problèmes rencontrés par les salarié·e·s sont fréquents.

La crise sanitaire a conduit à une baisse rapide et massive des vols, et à des projets, très modestes, de fermetures de certaines lignes. On ne pourrait que s’en réjouir si :

  • ces décisions, et plus généralement la crise de l’aérien, ne pesaient pas directement sur des milliers de salarié·e·s menacé·e·s de licenciement ;
  • cela opérait vraiment un tournant favorable au climat ; or, il s’agit plutôt d’une réorganisation visant à faire des économies et à concentrer les activités en condamnant certains aéroports ou certaines compagnies, au profit d’autres, plutôt que d’envisager une décroissance globale du trafic.

Cette même crise sanitaire a aussi démontré que l’État était en capacité d’arrêter toute l’activité du secteur aérien en laissant les avions au sol et finançant à coups de milliards l’activité partielle de nombreux salarié·e·s du secteur.

Aujourd’hui, si nous voulons lutter pour les droits des salarié·e·s aussi bien que pour le sauvetage du climat, il nous faut proposer rapidement un plan de reconversion écologique et social du secteur aérien. L’urgence impose de ne pas laisser le marché restructurer le secteur à coups de fausses promesses de décarbonation à moyen terme et de suppression d’emplois pour prolonger ou restaurer les marges financières des entreprises pour leurs actionnaires. Il n’est plus possible d’organiser des aides massives au secteur, sous forme de prêts ou de garanties de prêts, de capitalisation, d’activité partielle de longue durée, sans contrepartie.
Un tel plan de reconversion doit associer largement les syndicats de salarié·e·s, les collectivités territoriales (en particulier celles comme la région Occitanie dont l’économie est fortement dépendante du secteur), les ONG environnementales et climatiques, etc.

Ce plan devra fixer les mesures liées à une forte réduction de l’activité du secteur : les pronostics actuels d’un retour au trafic aérien d’avant la crise sont de 3 à 5 ans, mais face aux enjeux climatiques, il n’est pas envisageable que le trafic reprenne sa croissance car le transport aérien ne dispose pas d’alternative viable « décarbonée » à court ou moyen terme. Les alternatives technicistes mises en avant par les promoteurs de la croissance verte (avions moins émetteurs, à hydrogène, à motorisation électrique, etc.) tout comme le recours à la compensation carbone, qui ne réduit pas les émissions, et aux agrocarburants, mettent en péril la production alimentaire, la biodiversité et les droits de l’Homme. Ces solutions ne résoudront rien dans le cas d’une augmentation constante du trafic.

Des mesures contribuant à la réduction de l’activité du secteur devront être prises, dont certaines proposées par la Convention citoyenne pour le climat, mais il sera nécessaire d’aller plus loin :

  • « Adopter une écocontribution kilométrique renforcée, organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de 4h) » et en interdisant la reprise de ces créneaux horaires par d’autres transporteurs aériens,
  • limiter les voyages d’affaires en développant l’usage de la visioconférence,
  • « mettre un terme aux exonérations fiscales : obliger les compagnies aériennes à payer une taxe sur le kérosène et remplacer les programmes de fidélité qui incitent à prendre davantage l’avion, par des taxes équitables et progressives qui pénalisent ceux qui le prennent souvent »,
  • instaurer "des quotas individuels carbone pour limiter les trajets en avion", avec des exceptions prévues.
    Certaines de ces mesures nécessiteront une concertation au niveau européen.

Pour les salarié·e·s, il faut stopper les plans de licenciements, réduire massivement le temps de travail et favoriser les départs en retraite anticipés. Il faut faire en sorte que les effectifs répondent aux besoins, notamment en matière de sécurité, et travailler aux reconversions professionnelles des salarié·e·s qui le souhaiteront, notamment pour pouvoir travailler dans des secteurs nécessaires à la transition écologique. Cela ne peut que passer par un maintien des salaires, un droit à la formation, le maintien des niveaux de qualification dans un futur emploi, bref, une sécurité sociale professionnelle, financée par les entreprises de l’aérien et, si besoin, par l’État.

Pour éviter un désastre annoncé, comme de nombreuses régions ont pu en connaitre par le passé (Détroit et la crise de l’automobile, la Lorraine et la disparition de la sidérurgie...), l’État doit prendre ses responsabilités : non, l’urgence n’est pas au sauvetage des grandes entreprises du secteur et de leurs bénéfices, sans aucune contrepartie, elle est à la décroissance du trafic et au soutien des salarié·e·s dans cette démarche.

C’est donc ensemble, écologistes, altermondialistes, salarié·e·s et syndicalistes que nous devons nous retrouver, pour mettre fin au pouvoir des actionnaires.

Nous appelons toutes les personnes intéressées par ce sujet à rejoindre notre groupe de travail en cliquant ici.

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