Au premier pas de la convention citoyenne, ajoutons le second : une mobilisation d’ampleur pour une révolution écologique et sociale

Communiqué 23 juin 2020

L’important travail des 150 citoyen·ne·s de la convention citoyenne sur le climat a abouti à rassembler une série de propositions qui, pour la plupart, devraient être mises en oeuvre sans attendre. Il illustre à nouveau, qu’en matière écologique, l’inertie n’est pas du côté de la population, mais bien de celui des pouvoirs publics et des grands intérêts économiques. Ces 149 propositions, bien que partielles et pour partie discutables, sont de nature à transformer quelques secteurs clés (logement, transports, etc.) dans le sens de la transition écologique et sociale.

Il ne saurait y avoir de vente à la découpe de ces 149 propositions : c’est leur conjonction, le fait qu’elles aient été pensées ensemble, qui donne de l’ambition au virage écologique proposé et du sens à chacune d’entre elles. Il ne faudrait pas que, sous la pression de tel ou tel lobby conservateur, qu’à la demande d’Emmanuel Macron, ou que suite à l’habituelle procrastination de la majorité à l’Assemblée nationale en matière d’urgence écologique, ne soient retenues que quelques mesures, celles les moins engageantes et qui ne bousculeraient pas les intérêts économiques et financiers. Emmanuel Macron ne s’est-il d’ailleurs pas auto-désigné comme le « filtre » en dernier ressort qui allait trier entre les mesures acceptables par le pouvoir et celles qui ne le seraient pas ? Compte-tenu de l’orientation économique de l’exécutif depuis trois ans, y compris depuis le début de la pandémie de Covid-19, grand est le risque de voir le gouvernement garder le cap qu’il a fixé pour cette période de "relance économique" : sauver l’appareil productif, aussi insoutenable soit-il, tel qu’il existait le jour d’avant. La façon dont l’exécutif va se saisir de ces propositions servira de révélateur.

Nous devons également souligner certaines limites de ce travail citoyen : le cadrage préalable du gouvernement n’a sans doute pas permis à la convention citoyenne pour le climat de prendre en charge les verrous économiques, financiers et légaux (droit international du commerce, de l’investissement, des marchés publics, rôle des marchés financiers et de la financiarisation de l’économie...) qui empêchent l’ouverture du champ des possibles et l’enclenchement des mesures nécessaires à la transition écologique et sociale. À titre d’exemple, le droit international du commerce et de l’investissement organise la course à la compétitivité, le dumping social et écologique et le nivellement par le bas des règles environnementales et des protections sociales. Il contraint les pouvoirs publics et limite fortement toute politique innovante en matière de relocalisation écologique.

De ce point de vue, si la convention citoyenne pour le climat prend le contre-pied de l’exécutif et de la majorité en demandant que la France ne ratifie pas l’accord entre l’Union européenne et le Canada (CETA), elle se méprend en laissant penser que des accords de libéralisation du commerce et de l’investissement pourraient être "compatibles avec nos objectifs (...) en matières sanitaire et environnementale, en particulier de lutte contre le dérèglement climatique". Comme nous l’avions mise en évidence dans la contribution que nous avions publiée et transmise à la convention citoyenne - en compagnie de propositions visant à refonder quelques-unes des règles du commerce international -, quelques clauses internes aux accords de libre-échange ne suffiront pas pour dompter la libéralisation des échanges et des investissements : la protection des droits humains, du climat et de l’environnement ne saurait être confiée au droit du commerce [1].

Il en est de même du système financier, qui doit être repris en main par les services publics pour généraliser les désinvestissements des activités les plus polluantes et déployer le financement de la transition écologique. On pourra également regretter l’abandon par les citoyen·ne·s tiré·e·s au sort de la réduction du temps de travail à 28 h sans réduction de salaire, rare mesure d’envergure macroéconomique - et nécessairement conflictuelle - permettant d’infléchir la logique productiviste actuelle. D’autre part, on ne saurait mener de révolution écologique et sociale sans changer profondément les modes de décision des investissements privés et publics et sans démanteler le pouvoir de nuisance des actionnaires dans les grands groupes industriels et financiers.

Face à tous les conservatismes qui s’expriment déjà, venant notamment des cercles néolibéraux et productivistes qui veulent pouvoir continuer à polluer en paix, Attac France exprime, sans retenue, un soutien au virage écologique et social que les 150 membres de la Convention citoyenne souhaite insuffler. Attac tient néanmoins à souligner que mettre des mesures, aussi ambitieuses soient-elles, sur la table de gouvernements libéraux, productivistes et croissantistes ne sauraient suffire pour qu’elles soient mises en oeuvre. Contre l’inertie de l’exécutif et son refus de transformer l’économie française et européenne, Attac estime donc qu’obtenir un virage écologique nécessite de construire un puissant rapport de force s’appuyant sur des mobilisations d’ampleur dans la société.

Notes de bas de page

Attac France — 2020
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