De manière massive, le travail contemporain est encadré par des dispositifs types, qui imposent des finalités, des procédés et des raisons d’agir : méthodes (industrielles, informatiques, commerciales…), démarches qualité, modèles d’affaires financiers, systèmes de contrôle de gestion, méthodes marketing, procédures de « ressources humaines », démarches de « conduite du changement », etc. Ils sont fabriqués par des travailleurs, des cadres qui ont pour mission de penser « en plan », à distance de ce et de ceux qu’ils encadrent ainsi. Cet article s’intéresse au travail de ces « planneurs ». Leur tâche semble impossible et indésirable, et pourtant, ils la réalisent avec zèle. Une enquête sociologique montre que la standardisation marchande des dispositifs, la taylorisation de leur propre tâche et le recours à l’abstraction rendent leur travail réalisable. Enfin, ils construisent un rapport ludique à leur tâche. Cette sociologie du travail des cadres contribue à expliquer la prolifération des dispositifs managériaux dans les entreprises et administrations contemporaines, et ce en dépit de la critique sociale, à la fois fonctionnelle et morale, qui lui est régulièrement adressée.