L’humanité aurait connu une « séparation » avec la nature, et il s’agirait d’y mettre fin. À l’époque de la crise écologique, cette idée paraît évidente. Le souci est qu’elle est revendiquée par des partis pris très différents, d’un polanyisme vague évoquant la nécessité de « réenchâsser » la société dans la nature, jusqu’à la deep ecology d’Arne Naess, en passant par ceux qui, souhaitant se rapprocher de la nature, sont conduits à encourager l’étalement urbain. Le concept de nature, par sa généralité, égare bien souvent, les malentendus sont nombreux, d’où le succès de la solution latourienne qui invite à s’en passer, au profit d’une distinction humains / non-humains. Pourtant, ni les enjeux ni les mots pour les nommer ne disparaissent simplement parce qu’on décide de les taire. Au contraire, le débat gagne en confusion ce qu’il avait cru perdre en complication. À l’examen, le concept de nature ne semble pas poser de difficulté telle qu’il y aurait urgence à s’en passer, vers une « composition des mondes ».