1. Contexte
Nul ne sait au jour de la parution de ce rapport d’orientation quelle sera la situation politique et sociale lors de l’assemblée générale d’Attac d’octobre 2022 au vu du contexte électoral en France, de l’évolution de la pandémie du COVID et des conséquences de l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie... Un constat s’impose toutefois : ce rapport confirme largement l’analyse du rapport d’orientation de 2019 selon lequel « le fossé ne cesse de s’élargir entre riches et pauvres, entre puissant·es et précaires, entre pays du Nord et du Sud, à l’échelle de la planète et au sein de nos sociétés. Le climat et la nature se dérèglent chaque année davantage ». Partout dans le monde, les populations sont confrontées, à des degrés d’intensité divers, à de multiples tensions provenant tout à la fois des conflits, des inégalités de toutes sortes, notamment d’une répartition des richesses de plus en plus inégalitaire, de l’incapacité des gouvernements à assurer la prise en charge des besoins fondamentaux, sociaux et environnementaux, et d’une perte de confiance envers les dirigeants. La violence des débats (sur l’immigration ou les systèmes de protection sociale, par exemple) nourrit par ailleurs des clivages exploités par les mouvements nationalistes et les tenants d’un néolibéralisme toujours plus brutal. Mais les mouvements sociaux ne sont pas résignés et les réactions des populations peuvent être déterminées.
Deux grandes offensives idéologiques apportent leurs réponses radicalement ravageuses à une situation inédite. L’une promeut un repli nationaliste et xénophobe et l’autre, un ultralibéralisme autoritaire dont l’austérité est l’arme principale. Toutes deux s’inspirent de solutions néolibérales porteuses de recul des droits sociaux et des solidarités. Ces discours nourrissent le rejet de « l’autre » (comme les populations immigrées et l’amalgame entre terrorisme et populations musulmanes) et ont pour conséquences une exacerbation des tensions.
Après plus de deux ans de pandémie, la situation politique est marquée par le résultat des élections, le début du second quinquennat de Macron et l’apparition d’un conflit armé en Europe.
Un constat s’impose : l’élection présidentielle, alors que l’abstention est de plus en plus forte, a vu s’affronter lors du second tour des candidatures incarnant les deux projets évoqués ci-dessus, dans un contexte de relatif affaiblissement des scores électoraux des gauches par rapport à 2012. L’opération politique
d’Emmanuel Macron depuis 2017 a conduit à la quasi-disparition, peut-être provisoire, des partis ayant structuré le champ politique à gauche et à droite depuis les années 1970. La nouvelle tripartition (un bloc néolibéral, autour de la candidature d’E. Macron, un bloc néofasciste avec les candidatures Zemmour et Le Pen, un bloc de gauche antilibéral autour de J.-L. Mélenchon) apparue lors du premier tour est lourde de dangers, puisque les deux blocs les plus importants sont ceux de nos adversaires. Néanmoins cette élection a permis que s’exprime une autre voix, autour du slogan « Un autre monde est possible », qui montre que les forces de résistance au néolibéralisme et au racisme n’ont pas disparu et se sont radicalisées. La situation recèle donc des contradictions et des potentialités qui, au-delà des échéances électorales, concernent au premier chef les mouvements sociaux et les résistances populaires. Nos mouvements ont connu des difficultés, qui plus est lors de la crise sanitaire, mais les mobilisations ne se sont pas éteintes. Les défis auxquels les populations font face sont immenses : justice sociale, dont la justice fiscale est un pilier, préservation de l’environnement, justice climatique, démocratie sociale et politique, remise en cause des diverses dominations… Les mouvements sociaux seront décisifs face aux offensives actuelles et devront s’appuyer sur les potentialités offertes par le rejet du macronisme dans une large partie de la population.
1.1 Une situation internationale, entre guerres, conflits, néocolonialisme et néolibéralisme
Au plan international, une grande partie du globe est en proie à des conflits armés (en Palestine occupée, en Syrie, au Yémen, au Soudan du Sud, en Irak, au Sahel et en République démocratique du Congo notamment). A l’est de l’Europe, l’agression militaire de l’Ukraine par la Russie et ses conséquences pour le peuple ukrainien nourrissent les inquiétudes sur un conflit armé aux ressorts géopolitiques et stratégiques complexes. De manière générale, les tensions demeurent nombreuses et préoccupantes. Les luttes d’influence que se livrent non seulement les États-Unis, la Chine et l’Union européenne, redessinent la géostratégie mondiale et la globalisation financière. La guerre en Ukraine contribuera aussi à poser en termes nouveaux la question de la légitimité internationale des pays détenteurs de l’arme atomique et celle de l’impuissance de l’ONU à mettre en oeuvre son propre traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Attac confirme son engagement à l’ICAN (campagne Internationale pour abolir l’arme nucléaire). Dans ce contexte, pour bienvenue qu’elle fût, la défaite de
Donald Trump ne signifie cependant ni la fin de la tentation hégémonique des États-Unis ni un coup d’arrêt aux populismes de droite et aux dynamiques réactionnaires. En témoignent le maintien de pouvoirs autoritaires (Poutine, Orban, Bolsonaro…) et le développement d’un discours politique nationaliste, conservateur et intolérant dans de nombreux pays dont la France, qui a essaimé au-delà de l’extrême droite traditionnelle. La crise de l’hégémonie néolibérale aura fait émerger de nouveaux monstres, même si l’élection de Gabriel Boric au Chili contre un candidat d’extrême droite apporte une réelle bouffée d’espoir.
L’Union européenne est pour sa part un cadre essentiel dans et par lequel les politiques néolibérales sont déclinées dans ses États membres, dans des domaines clés. En matière économique, les recommandations annuelles du semestre européen constituent la feuille de route des « réformes » à mettre en place, qui impactent durement la vie des populations. Plus généralement, la possible intensification néolibérale des traités européens que constituerait une augmentation de leur portée (par extension des domaines d’application et par le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée) doit ainsi faire l’objet de la plus grande opposition d’Attac, qui dans son dernier rapport d’orientation préconisait de décliner le concept d’une désobéissance résolue aux traités européens. Il en va de même des traités portant sur le libre-échange, comme les accords de l’Union européenne avec la Chine, les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), le Mercosur et le Mexique, qui n’ont eu de cesse de rechercher une déréglementation contraire aux enjeux sociaux et écologiques.
1.2 Un système en crises
Si la crise sanitaire a été une épreuve pour les populations, elle a aussi montré les limites d’un système capitaliste basé sur le « toujours plus ». Cette pandémie trouve en partie son origine dans le développement des zoonoses lié à la destruction des espaces naturels, notamment la déforestation et la globalisation des échanges. Outre la gestion chaotique et autoritaire de la crise sanitaire par le gouvernement en France et la contestation du passe sanitaire devenu « vaccinal », elle a provoqué des débats sur la relocalisation d’activités et l’évolution du travail (avec le télétravail et l’uberisation du travail). Elle a également démontré l’utilité vitale des premières et premiers de corvée, ainsi que leur capacité à s’organiser et à faire face, mais aussi celle des systèmes sociaux, des services publics et des finances publiques, alors que le quinquennat d’Emmanuel Macron a été celui de la poursuite des attaques contre les services publics et la protection sociale. En témoigne la réduction continue du nombre de lits à l’hôpital public, amplifiée suite à la pandémie par de nombreux départs d’infirmier.es et d’aides soignant.es épuisé.es par leurs conditions de travail et l’insuffisance des revalorisations salariales du Ségur de la santé.
Cette période inédite ne peut cacher l’état de crise systémique du capitalisme. Avant la crise sanitaire, les alertes annonciatrices d’une potentielle nouvelle crise étaient perceptibles avec un certain ralentissement économique, une hausse de l’endettement des ménages et une inflation de la valeur des actifs financiers : une nouvelle crise financière se profilait. Pourtant, aucun enseignement de la gestion de la crise de 2008 n’a été tiré. Après 2008, l’austérité a affaibli les systèmes sociaux et les services publics, renforcé les inégalités et aggravé la régression sociale, et ce, au mépris de la crise écologique. Malgré tout, les tenants des politiques néolibérales continuent de donner la priorité à la logique financière, notamment en servant les intérêts des actionnaires, et de vouloir accélérer l’emprise d’un capitalisme néolibéral de plus en plus brutal et autoritaire. L’un des exemples emblématiques est la réforme de l’assurance chômage intervenue cyniquement en pleine pandémie alors que le chômage partiel a permis d’éviter une catastrophe sociale.
Le travail a subi de plein fouet la restructuration mondiale du capitalisme autour de l’objectif axé essentiellement sur la recherche de la valeur maximale pour les actionnaires. Dans la période récente, le capitalisme s’est réorganisé en renforçant l’exploitation de la force de travail, notamment par le recours aux technologies numériques. Au chômage et à la précarisation des conditions d’emploi se sont ajoutés les maux du « management » (stress, individualisation et dissolution des collectifs de travail, perte de sens du travail). Cette dégradation du travail est sans doute l’une des causes du ralentissement de la progression de la productivité du travail, au moment même où l’exploitation de la nature arrive à un point ultime. Vouer le travail à produire toujours davantage de marchandises sans autre boussole que le profit n’a aucun sens. Aussi, crise sociale et crise écologique se conjuguent pour aboutir à une profonde crise systémique du mode de production capitaliste.
En outre, la période n’aura pas connu d’avancée en matière de régulation financière e t fiscale mondiale. Elle n’aura débouché que sur un accord maigre et insuffisant concernant l’imposition des multinationales. S’il reste à en voir la portée réelle, cet accord ne neutralisera pas la concurrence fiscale et sociale et pourra même être utilisé pour justifier une nouvelle baisse du taux d’imposition des sociétés. Et ce, alors que l’évasion fiscale fait système et continue de priver les finances publiques de dizaines de milliards d’euros chaque année.
Le système a montré son incapacité à répondre aux désastres écologiques en cours. Les prévisions des volets 1 et 2 du rapport du Giec d’août 2021 et février 2022 sont pourtant alarmantes ; le climat se réchauffe partout plus vite que prévu avec une accélération des conséquences catastrophiques pour les populations. La question de la transition écologique fait désormais écho au sein des populations, ce qui n’a pas empêché l’échec de la COP26 de Glasgow. Les gouvernements ont été aveugles et sourds aux appels du Giec et aux mobilisations pour la justice climatique portées notamment par une partie de la jeunesse. Ils ont préféré mettre leur énergie à sauver un système incapable de régler les aspirations à la justice sociale et écologique. Aujourd’hui se pose la question des conséquences à long terme de l’inaction de gouvernements aux choix souvent contraires aux intérêts des populations et à la préservation de l’environnement. Le gouvernement français a par exemple minimisé ou ignoré les propositions de la convention citoyenne sur le climat, préférant poursuivre une politique pronucléaire.
1.3 Les inégalités, un choix politique
L’idéologie néolibérale nourrit des inégalités séculaires et en produit. Il en va ainsi des inégalités sociales et culturelles, avec un « ascenseur social » orienté souvent à la descente et des inégalités de revenus et de patrimoines ou encore des profits des grandes entreprises, orientés à la hausse. Les entreprises cotées en bourse ont affiché un profit record au titre de 2021, les dividendes et rachats d’actions ont explosé et les Gafam ont accru leur puissance financière et technologique. Dans le même temps, la fortune des milliardaires a plus augmenté depuis le début de la pandémie qu’en une décennie : en France, de mars 2020 à octobre 2021, elle a augmenté de 86 %, soit de 236 milliards d’euros. Quant au taux de pauvreté, il bat des records, s’élevant à 14,6 % en 2019, soit plus de 10 millions de personnes dont nombre d’entre elles sans emploi et de femmes seules. L’indécente communication du gouvernement fin 2021 sur la hausse du pouvoir d’achat des ménages n’a pas résisté aux faits : les pauvres sont plus nombreux et les plus pauvres le restent plus longtemps.
Faute d’alternatives portées largement, le capitalisme néolibéral se présente comme la seule voie possible, alors qu’il a par ailleurs amplifié la crise démocratique. Les citoyens s’éloignent de la vie politique, le sentiment de plus en plus partagé étant que s’engager ne change rien et que le pouvoir fera ce qu’il veut en fonction des intérêts d’une oligarchie puissante. La crise touche aux mécanismes de la représentation : elle frappe les partis politiques comme les organisations syndicales. L’abstention n’épargne aucun scrutin. Si les formules vexatoires d’Emmanuel Macron y ont participé, cette défiance s’explique par la déception et la colère de l’opinion face à l’échec des alternances qui se sont succédées depuis 1981 et aux « affaires » qui ont affecté l’image des « responsables politiques », suspectés de ne pas tenir leurs promesses, voire d’être corrompus. Produit du néolibéralisme, de la société de consommation, des modes de management au travail, du chômage et de la précarité, le repli individualiste impacte aussi les mobilisations collectives, dont certaines se développent en dehors des organisations traditionnelles du mouvement social. La défiance touche également les grands médias, qui concourent à la fabrique de l’opinion au travers d’interventions quotidiennes martelant la nécessité de « réformes structurelles ». La question des propriétaires de ces médias, de la qualité de l’information, de la ligne éditoriale et de la diversité des opinions est aussi posée.
La période qui s’ouvre est donc marquée par la tentative de la part des néolibéraux d’imposer leurs choix de manière irréversible sans envisager une forme de compromis comme cela a parfois été le cas, notamment après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le programme néolibéral des « jours d’après » est connu : s’attaquer aux services publics, notamment l’éducation nationale et au système de protection sociale, en priorité aux systèmes de retraite, baisser les ressources sociales et les impôts des plus aisés et des entreprises et façonner une « main d’œuvre » flexible et docile, au moindre coût. Tout cela au profit du secteur privé et en dénonçant « l’assistanat » et le chômage « volontaire ». Pour préparer les esprits, les néolibéraux ont lancé une campagne visant à alimenter la peur de la dette publique afin d’imposer une politique d’austérité, l’un des grands dangers de la période à venir. Celle-ci est d’ores et déjà illégitime et supposera de la part du pouvoir un regain d’autoritarisme, de répression et de pression pour contenir les réactions. Les violences policières de ces dernières années constituent une accélération dans la gestion par le pouvoir des mobilisations sociales et des quartiers populaires.
1.4 Des mobilisations pour la paix, la justice sociale et l’émancipation
Attac a pris part aux appels et manifestations, dans de nombreux pays, contre la guerre en Ukraine, en soutien au peuple ukrainien dans sa lutte pour son indépendance. Sur le terrain social, les réactions et les mobilisations s’organisent face à ces politiques. En France, le mouvement des Gilets jaunes a notamment porté le rétablissement de l’ISF et la lutte contre l’évasion fiscale. Le mouvement social contre la réforme des systèmes de retraite de fin 2019 et début 2020 a défendu un système de retraite solidaire et collectif. Le collectif Plus jamais ça, inédit à bien des égards, a réussi à livrer dans un « plan de rupture » des proposition sociales, économiques et écologiques cohérentes et compatibles. Ces trois mouvements ont défendu à leur manière le refus d’un système qui appauvrit, précarise et pressure les un.es quand une minorité de plus en plus riche fait sécession. Les mobilisations pour la transition écologique, pour l’égalité femmes-hommes ou contre le racisme constituent des luttes en faveur d’une émancipation qui place l’égalité et l’environnement comme des piliers d’une transformation sociale et écologique plus globale. Attac a pris sa part dans ces luttes avec des actions fortes visant à dénoncer les profiteurs de la crise et l’évasion fiscale, et prendra sa part dans la lutte pour une définition démocratique des besoins essentiels. Elle se doit également d’apporter son soutien aux mobilisations pour la défense de l’emploi, de meilleures conditions de travail, la réduction du temps de travail et la hausse des rémunérations. Les enseignements de la pandémie doivent être tirés : nous avons collectivement besoin des premier·es de corvée : infirmier·es, auxiliaires de vie, aides soignant·es... Ces métiers doivent être revalorisés. Plus largement, il faut repenser la politique de santé, qu’il s’agisse de prévention ou d’organisation des soins ou de levée des brevets sur les vaccins, pour le maintien et la défense d’un service public de santé et contre les privatisations. Enfin, la bifurcation écologique ne peut s’accommoder d’un capitalisme vert qui, par exemple, classe le nucléaire et le gaz dans les énergies propres.
Face aux inégalités femmes-hommes, les mouvements féministes se sont enracinés depuis plusieurs années avec des mobilisations historiques et une prise de conscience de plus en plus partagée dans les populations. Cette dynamique mondiale s’inscrit dans une construction sur le long terme qui émerge au-delà des cadres militants traditionnels. Le risque de régression demeure pourtant : si le droit à l’avortement a été gagné par de longues luttes en Argentine ou en Irlande, la défense du droit à l’avortement reste toutefois une bataille d’actualité dans des pays où ce droit est plus ancien mais menacé par les courants intégristes et les restrictions budgétaires. Et partout dans le monde, les inégalités entre les femmes et les hommes persistent, la précarisation du travail des femmes est une constante. La pandémie a renforcé ces inégalités.
La crise de l’idéologie néolibérale peut et doit donner un nouveau souffle à nos mouvements d’émancipation. Plus que jamais, la justice fiscale, sociale et écologique est une nécessité vitale. Le néolibéralisme de plus en plus intolérant et autoritaire traduit aussi sa fragilité à l’heure où les populations supportent de moins en moins bien leur condition. Le mouvement social est confronté à des défis majeurs, qui montrent aussi le sens du combat à mener. La diversité des enjeux ne doit pas occulter leur complémentarité. Ainsi, face à la diversité et à la brutalité des dangers et des attaques visant les systèmes sociaux, les droits sociaux et les solidarités, et aux velléités de privatiser les services publics et la protection sociale, la redéfinition des besoins essentiels et collectifs et le combat contre toutes les formes d’austérité et pour la justice fiscale et sociale seront au cœur de l’engagement d’Attac. L’individualisme, entretenu par les peurs (de l’autre, de la précarité et de la pauvreté, etc.), incite pour sa part à relégitimer et à repenser l’action collective. Le combat contre les inégalités de toutes sortes (Nord-Sud, hommes-femmes, de revenus, de patrimoines, sociales, culturelles…) représente autant de luttes pouvant servir un rapport de force à la hauteur des enjeux servis par nos propositions qui livrent une alternative vitale.
2. Les engagements d’Attac
Dans ce contexte, il est de la responsabilité d’Attac de poursuivre son travail d’analyse et de le porter à la connaissance du plus grand nombre. Mais il importe également de développer et porter un imaginaire émancipateur et d’affirmer que des alternatives existent au capitalisme néolibéral prédateur.
Si Attac a vocation à investir les sujets qui s’inscrivent dans sa vision de transformation sociale, deux chantiers constituent des priorités stratégiques :
la lutte pour la justice fiscale, sociale et féministe et pour un contrôle démocratique du financement de l’économie et celle pour une meilleure justice climatique et une véritable bifurcation écologique ;
la lutte contre l’impunité des multinationales, les accords de libre-échange, le colonialisme et le néocolonialisme, l’emprise du capitalisme numérique, le patriarcat et la montée des autoritarismes, ainsi que la promotion des solidarités sont également des engagements forts de l’association.
Engagée dans le mouvement social, notre association peut compter sur les militant·es investi·es dans les comités locaux et dans les espaces de travail nationaux. Cette implication bénévole est d’autant plus solide qu’elle dispose de l’appui d’une équipe salariée très engagée mais restreinte en nombre. Nous devons ainsi faire preuve d’une vigilance collective : le prochain conseil d’administration (CA) élu, pour mettre en œuvre le présent rapport d’orientation, devra être particulièrement vigilant à assumer sa responsabilité d’employeur, et devra veiller à ce que les ambitions – nécessaires – d’Attac soient à la mesure de ses ressources financières et humaines (notamment de l’équipe salariée), afin de ne pas épuiser ses équipes militantes et son équipe salariée, ce qui suppose une capacité du CA à établir des priorités.
2. 1. Lutter pour la justice fiscale et sociale et pour un contrôle démocratique du financement de l’économie
Alors que le quinquennat d’Emmanuel Macron a creusé les inégalités et renforcé l’injustice fiscale, Attac continuera de se mobiliser pour que chacun.e paye une part d’impôt en accord avec ses capacités contributives, pour réduire les inégalités et pour financer l’action publique et la protection sociale.
Cela suppose notamment :
une réelle volonté politique de mettre fin à la fraude et à l’évasion fiscales pratiquées par les plus riches et les multinationales, alors que les solutions existent, comme la taxation unitaire des multinationales, par exemple ;
un renforcement de la progressivité du système fiscal en mettant fin aux cadeaux fiscaux octroyés aux plus riches, en remettant à plat les quotients familial et conjugal, antiredistributifs, et de plus pour le second, discriminatoire envers les femmes, et en taxant ceux qui se sont enrichis de façon indécente pendant la pandémie ;
une revue des niches fiscales et sociales qui génèrent des pertes de recettes importantes (200 milliards d’euros) afin de supprimer celles qui sont injustes et inefficaces ;
un arrêt de la baisse des impôts sur les entreprises, comme l’impôt sur les sociétés ;
une réduction des impôts sur la consommation (TVA), qui pèsent davantage sur les plus modestes que sur les ménages aisés en proportion de leurs revenus ;
des mesures contre la réapparition d’une société d’héritiers en réhabilitant les droits de succession et de donation et en les augmentant pour les gros patrimoines ;
une lutte contre la spéculation en mettant notamment en œuvre une taxation de toutes les transactions financières ;
la promotion d’une fiscalité écologique efficace et socialement juste.
Une telle réforme permettrait de financer une bifurcation écologique et de répondre aux besoins sociaux.
Attac, en lien avec son observatoire de la justice fiscale, poursuivra son travail d’analyses et de propositions, et mènera des campagnes pour mettre fin au séparatisme des riches.
La crise du Covid s’est accompagnée d’une forte hausse de la dette publique consécutive à la politique du « quoi qu’il en coûte », qui a notamment pris la forme d’aides massives accordées aux entreprises sans conditions sociales, fiscales ou environnementales.
Attac se mobilisera pour que la dette publique ne soit pas instrumentalisée pour justifier les politiques d’austérité se traduisant par un affaiblissement des services publics, et par le déclin des solidarités et des droits sociaux, comme le recul de l’âge de départ à la retraite au nom des équilibres des comptes publics.
Attac continuera d’agir pour prendre le contrôle de la finance et de notre avenir, ce qui nécessite notamment de réorienter des milliards d’euros des énergies fossiles et de la finance nocive vers un secteur bancaire placé sous contrôle citoyen, avec notamment un pôle public écologique et solidaire.
2.2. Pour la justice climatique et une bifurcation écologique
Depuis plusieurs années, Attac a pour ambition de relier les enjeux environnementaux aux enjeux sociaux, féministes et démocratiques face à l’hégémonie de la finance. Les crises climatiques et de la biodiversité deviennent majeures dans notre pays et dans le monde, entraînant une augmentation considérable des inégalités sociales du fait de l’absence de décisions politiques à la hauteur. Aussi, Attac continuera de faire le lien entre organisations environnementales, syndicales et féministes et élargira les mobilisations à l’ensemble du mouvement social. Elle s’investira dans les mouvements de justice climatique, où la jeunesse est très présente. Malgré l’échec des COP, elle continuera à suivre les négociations internationales sur le climat, ainsi que les mobilisations qui leur sont associées.
Attac apportera un soutien actif aux différentes luttes locales (GPII, extractivisme, artificialisation et accaparement des terres…) en faisant le lien entre chacune d’entre elles et en formulant des propositions. Elle encouragera ses militants et ses militantes à s’engager activement dans l’émergence et le développement d’alternatives systémiques sur leur territoire.
Attac continuera de remettre en cause le modèle de croissance qui nous est imposé, même si celle-ci est présentée comme « verte ». Une réflexion doit être menée sur les besoins essentiels, en synergie avec la question des communs. Cette réflexion nous amènera aussi à étudier des solutions radicales de sobriété et de décroissance. De même, Attac luttera contre la fuite en avant dans le domaine nucléaire, en promouvant un modèle sans fossiles ni fissiles par un développement massif et rapide des énergies renouvelables, tout en diminuant le plus vite possible le nucléaire. Attac doit exiger la socialisation des moyens de production d’énergie. Il faut donner aux usagers et citoyens les moyens de participer démocratiquement et de façon éclairée au choix de société sur l’avenir énergétique. De plus, Attac poursuivra son engagement dans la réduction du trafic aérien.
Face à l’imminence d’un basculement systémique non maîtrisé, notamment avec l’arrivée de pandémies résultant grandement de la destruction du vivant, Attac exige des décideurs économiques et politiques des mesures drastiques et efficaces pour transformer les modèles de production et de consommation. L’urgence face aux catastrophes climatiques et le risque nucléaire nous obligent en effet à penser une société construite à partir de projets alternatifs systémiques sur les territoires, que nous devons faire émerger et promouvoir.
2.3. Lutter contre l’impunité des multinationales, les accords de libre-échange, l’emprise du capitalisme numérique
Attac poursuivra son engagement contre l’emprise croissante et l’impunité des multinationales et dénoncera leurs pratiques toujours plus scandaleuses, notamment dans les pays du Sud dont elles spolient les États, pillent les ressources, polluent l’environnement, exploitent les populations et provoquent les migrations contraintes. Attac s’associera aux luttes des populations locales contre ces groupes ainsi que contre les APE et la monnaie coloniale FCFA en Afrique.
Ces groupes soutenus massivement par les pouvoirs publics, souvent implantés dans des paradis fiscaux et judiciaires, suppriment des dizaines de milliers d’emplois tout en multiplian les opérations d’éco-blanchiment (greenwashing) et entravent toute relocalisation ou bifurcation, au Sud comme au Nord.
La fin de l’impunité des sociétés multinationales (ou transnationales) passe par la mise en œuvre de leur responsabilité juridique et judiciaire en cas de violation des droits humains et d’atteintes à l’environnement ; ce qui passe par une régulation forte au travers de lois nationales (du type de la loi française sur le devoir de vigilance des multinationales de mars 2017), d’une directive européenne (en cours de discussion) et d’un Traité international (actuellement en phase de négociation à l’ONU). Attac soutient et relaye ce combat.
Amazon, parmi les Gafam, symbolise les orientations les plus destructrices du néolibéralisme des dernières décennies. Après plusieurs abandons de projets d’entrepôts, Attac poursuivra ses actions sous toutes ses formes pour stopper la progression d’Amazon.
Le contexte pandémique n’a que ralenti la conclusion d’accords de libre-échange et d’investissement entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux, accords toujours destinés à davantage d’exploitation des ressources naturelles. Attac contribuera à mettre fin au règne de la concurrence et au contraire à impulser et institutionnaliser une coopération internationale pour changer les règles de la mondialisation. En ce qui concerne l’Union européenne, il existe au sein d’Attac un espace - d’information et de décryptage - dont la fonction est, notamment vis-à-vis des autres espaces de travail, de relayer les informations issues des instances européennes et d’alerter sur les orientations qui y sont prises.
De nouvelles règles de solidarité et de coopérations internationales doivent être définies pour les droits des peuples : lever les brevets sur les médicaments et les vaccins notamment, annuler sans conditions la dette publique des pays pauvres, refonder les organisations internationales,…
Attac s’engagera résolument sur les enjeux numériques. Pour cela, il s’agit : de contribuer à la diffusion et l’utilisation d’outils qui permettent un contrôle personnel et collectif de l’outil utilisé comme les logiciels libres ; d’améliorer nos pratiques numériques ; de protéger les données personnelles des adhérent·es ; de lutter collectivement avec les acteurs du numérique militant contre les Gafam ; de sensibiliser aux conséquences énergivores des équipements numériques tels que les datacenters ou plus spécifiquement les ordinateurs effectuant le minage de cryptomonnaies comme le bitcoin ;et enfin d’améliorer les outils, de l’utilisatrice au développeur pour faire émerger des alternatives libres, émancipatrices et moins néfastes à l’environnement.
2.4. Démanteler le patriarcat pour changer de système
Dans une perspective altermondialiste, Attac doit poursuivre et développer ses engagements pour une société plus égalitaire qui permette à toutes et tous de vivre bien, dans le respect de leur dignité.
Depuis vingt ans, Attac contribue aux analyses féministes par les travaux de sa commission genre, elle est reconnue pour son apport à l’élaboration d’alternatives féministes face au système capitaliste. Ses analyses ont permis de révéler que les réformes des retraites depuis 1993, comme celle prévue en 2019, sont particulièrement néfastes pour les femmes. En 2020, la chorégraphie des « Rosies » sur la chanson À cause de Macron a donné de la visibilité à ces analyses.
Face au système capitaliste et patriarcal, destructeur des solidarités et des écosystèmes, il est nécessaire d’appréhender conjointement les différents enjeux et de transformer en profondeur la société dans une perspective émancipatrice. C’est en ce sens qu’en 2016 Attac s’inscrivait dans une démarche en faveur d’une transition à la fois écologique, sociale et féministe. Un enjeu important de la prochaine mandature sera d’approfondir les analyses et les propositions allant dans ce sens en s’appuyant sur les revendications féministes et écoféministes.
Attac poursuivra son engagement pour montrer qu’une lecture genrée des enjeux fiscaux, environnementaux ou sociaux améliore la compréhension du système actuel et donne des pistes pour faire advenir un monde plus juste et solidaire, ce qui doit se traduire par une intégration systématique de cette approche dans tous ses travaux. L’exigence d’égalité entre les femmes et les hommes sera appuyée par des propositions en cohérence avec l’approche d’Attac. Ainsi pour une véritable justice sociale et fiscale il est nécessaire de prendre en compte les propositions pour une fiscalité féministe et les revendications issues des économies féministes, débattues dans les réseaux. Alors que la pandémie a accentué les inégalités entre les femmes et les hommes, les féministes questionnent la prise en charge des soins (care) dans nos sociétés. La crise sanitaire a montré que les femmes sont nombreuses dans des activités qui les placent en première ligne (santé, éducation, prise en charge de la dépendance,…). Ces activités féminisées sont essentielles mais peu valorisées, mal payées, aux qualifications non reconnues dans le champ professionnel et invisibilisées dans la sphère privée. Il semble absolument nécessaire de leur redonner toute leur place et de repenser ces activités essentielles qui doivent être socialisées et pouvoir être assumées par les hommes autant que par les femmes.
Attac s’engagera à porter ces questions dans les cadres collectifs auxquels elle participe et poursuivra sa contribution aux luttes féministes locales et internationales, afin d’imposer les enjeux féministes comme des questions légitimes méritant d’être posées en elles-mêmes, en articulation avec les enjeux antiracistes et anticapitalistes.
Afin que l’association dans son ensemble puisse s’emparer de ces enjeux, il nous faudra veiller à ce que les contributions qui y sont élaborées soient mieux partagées en interne. Enfin, il s’agira pour Attac de s’assurer que cet engagement féministe dans les productions et mobilisations se traduise par ailleurs par un engagement contre le sexisme et toute forme d’oppression dans les pratiques mêmes de l’association, au quotidien et dans les événements qu’elle organise (universités d’été, conférence nationale des comités locaux, etc.), via un travail d’identification des processus de domination et la mise en œuvre de cycles de formation dans les différentes instances d’Attac, notamment auprès du CA. Un autre monde « sans patriarcat » est possible !
2.5. Contre la montée de l’autoritarisme, promouvoir la solidarité
Dans un contexte de montée de l’autoritarisme et des extrêmes droites qui n’épargne pas la France, Attac participera à la défense des droits démocratiques et sociaux. Il devient de plus en plus difficile de contester : les lois « anticasseurs », « pour une sécurité globale » et « séparatisme » ont renforcé l’arsenal répressif de l’État. Or, les dérives autoritaires ne frappent pas au hasard. L’outil pénal a été mis au service de la répression brutale du mouvement des Gilets jaunes, porté par les classes populaires. De même, la « loi séparatisme » désigne clairement les populations musulmanes comme une menace pour la République. Emmanuel Macron a aussi été le président de la restriction des droits des étranger·es et de la dissolution de nombreuses associations antiracistes, antiapartheid ou médiatiques. Le pouvoir actuel a ainsi préparé le terrain à l’extrême droite.
Attac n’a pas, sur ces sujets, de rôle moteur pour construire les mobilisations. En revanche, notre association a un devoir de solidarité vis-à-vis des associations et des collectifs qui s’organisent dans les quartiers populaires, portent les revendications des populations racisées et défendent les droits des exilé·es. Elle doit également poursuivre son rôle d’éducation populaire pour le décryptage de ces enjeux et se tenir aux côtés des syndicats et des usager·es des services publics lors de mobilisations qui organisent leur reconquête. Les services publics et la protection sociale sont les biens communs de nos sociétés, leur fonction première doit être de lutter contre les inégalités et faire vivre une véritable citoyenneté sociale.
Face aux attaques contre les libertés publiques, Attac contribuera également à leur défense en relayant ces mobilisations et leur donnant l’écho qu’elles méritent.
Plus particulièrement, Attac, avec l’espace de travail Migrations, s’attachera, sur le terrain des luttes, à montrer que la question des migrations a toujours existé et souffre de nombreuses idées fausses, alors qu’elle est bénéfique aux sociétés. Nombreux·ses sont celles et ceux qui subissent la pauvreté, les inégalités ou encore les changements climatiques. La réaffirmation de la liberté de circulation et d’installation nécessite, en effet, de pointer la responsabilité des politiques néolibérales agressives des pays du Nord sous toutes leurs formes : racisme, néocolonialisme, libre-échange, atteintes à la démocratie et privatisations à outrance, notamment dans le cadre de la politique de la France en Afrique. L’enjeu est de changer de regard sur les migrations et de montrer qu’elles sont un atout dans « un autre monde possible ».
2.6. Construire activement des alliances entre mouvements sociaux à toutes les échelles pour faire vivre nos engagements
Durant la mandature 2022-2025, il importera de poursuivre notre stratégie consistant à développer nos alliances et à en nouer de nouvelles.
Depuis sa création, Attac a intégré le fait qu’on ne pouvait dissocier les enjeux sociaux, environnementaux, climatiques et démocratiques face à ce capitalisme néolibéral prédateur des êtres humains et de la nature, et porter des alternatives au plan local comme international.
Nous sommes convaincus que cela nécessite des alliances durables pour construire les rapports de forces indispensables pour imposer une rupture et des mesures qui articulent justice sociale, justice écologique, et lutte contre toutes les discriminations.
C’est le sens de notre implication dans Plus jamais ça (PJC), alliance inscrite dans la durée et travaillant de façon pérenne à un véritable projet de société articulant enjeux sociaux et enjeux environnementaux. C’est inédit, car les intérêts des uns et des autres ont pu longtemps sembler contradictoires. PJC est un cadre essentiel pour porter cette articulation entre social et écologie dans un sens de justice sociale.
Au-delà de PJC, Attac s’impliquera et travaillera à pérenniser des cadres durables sur les enjeux climatiques au-delà de campagnes et d’actions ponctuelles.
Les enjeux féministes et antiracistes font partie des engagements d’Attac : à ce titre, notre association, sans être moteur, déploiera des efforts pour appuyer et soutenir les cadres unitaires sur ces enjeux politiques.
Dans le contexte de montée des idées réactionnaires, portées par l’extrême droite et au-delà, et des attaques contre les libertés, Attac soutiendra et relaiera les initiatives unitaires qui pourraient se développer pour y faire face.
Bien évidemment, au-delà de ces différents sujets, Attac sera réactive aux questions liées à l’actualité et aux mobilisations sociales qui émergeront notamment sur les enjeux liés aux services publics et à la protection sociale.
Cette recherche d’alliances se décline tant au plan local avec les comités locaux, qu’au plan européen et international. Elle se décline aussi dans notre espace d’expertise, porté par le labo et le conseil scientifique avec la poursuite du travail engagé pour la mise en place d’un cadre de réflexions et d’initiatives avec d’autres revues. Depuis près de dix ans, en complément des autres supports écrits, notamment Lignes d’Attac, la revue Les Possibles permet d’ouvrir le champ d’analyses socio-économiques, écologiques et politiques, à partir de contributions venant du monde social, syndical, associatif, politique et universitaire très large. Pour aller plus loin encore, la collaboration avec des revues amies s’inscrivant dans la même perspective pourra être renforcée.
Les liens avec les Attac d’Europe et le réseau Globattac s’inscrivent dans cette logique.
Les universités d’été aux niveaux national comme européen sont un outil indispensable pour renforcer cette démarche, de même que la participation aux forums et aux rencontres militantes internationales.
L’espace mobilisations internationales est l’outil d’Attac pour développer cette recherche d’alliances avec les mouvements sociaux de différents pays et la dimension altermondialiste, inscrite dans les « gènes » d’Attac.
Au-delà des enjeux de développement des rapports de force, cette stratégie de construction des alliances présente des avantages pour notre association :
faire connaître nos analyses et les partager auprès d’un public plus large ;
conforter l’image d’Attac comme une association visant à faire du lien et ne s’inscrivant pas dans une démarche de concurrence vis-à-vis d’autres mouvements mais bien dans une démarche de coopération ;
confronter l’expérience et la culture militante d’Attac à celles d’autres mouvements et en tirer d’éventuelles leçons pour notre association.
3. Les moyens à mettre en œuvre pour répondre à ces engagements
3.1. Les chantiers
3.1.1. Renforcer la démocratie interne, la place et le rôle des adhérent-es et des comités locaux dans Attac France
L’ensemble des instances de l’association devra porter une attention particulière aux processus d’accueil au cours de la mandature prochaine si l’association veut tout à la fois rajeunir ses adhérent·es, les fidéliser, augmenter la collaboration entre les adhérent·es dans leur diversité, générationnelle et/ou de culture militante, leur donner envie de prendre des responsabilités en lien avec leurs aspirations et leurs savoirs, tout cela dans le respect des valeurs altermondialistes prônées par l’association.
Pour cela, des efforts collectifs permettant de valoriser et d’utiliser les connaissances et compétences des adhérent·es, dont les nouveaux, devront être menés. Le développement des formations à l’animation, à la mise en place de cadres de convivialité et des démarches d’éducation populaire, notamment dans les CLs, peuvent permettre d’atteindre ces différents objectifs. En adéquation avec ces valeurs de justice sociale, il est également important de lutter contre le sexisme et l’ensemble des discriminations dans nos échanges et travaux et de mettre en place des outils favorisant des pratiques associatives inclusives dans l’ensemble des espaces de l’association.
ll sera également nécessaire de renforcer le lien CA CL avec la mise en place d’un processus pour mieux associer les CL notamment aux prises de position sur les sujets sensibles et aux lancements de campagnes, y compris en réfléchissant à un changement statutaire pour favoriser la représentation des CL et, plus largement, des régions.
Il faudra par ailleurs encourager les adhérent·es à rejoindre les cadres collectifs et inciter les militant·es à l’échelle individuelle à s’engager au sein d’un espace de travail, notamment en améliorant l’intégration dans ces cadres. Et cela, en particulier grâce à des techniques d’animation de réunion et de groupe auxquelles seraient formé·es les animateur·trices des espaces, en rendant plus accessibles les espaces de travail et en les reliant davantage avec l’ensemble des instances de l’association.
3.1.2. Développer et multiplier des modes d’actions divers adaptés au contexte et aux militant·es
Dans un premier temps, il s’agit surtout de développer et de proposer des modalités d’action apparaissant comme complémentaires. Une « panoplie » d’actions doit être développée afin que tout·e·s les militant·e·s trouvent leur place : des outils d’éducation populaire, de l’animation de rue et de manifestations jusqu’aux actions de désobéissance civile.
Dans un second temps, concernant ce dernier mode d’action, si Attac le considère légitime et efficace pour faire avancer ses objectifs, cela signifie que l’association doit mettre en œuvre des moyens pour que les comités locaux puissent passer à l’action : la formation des adhérent.e.s est alors une nécessité à travers, par exemple, un plan de formation régionale sur la désobéissance civile. Il nous semble aussi important de développer parallèlement les formations à l’action et aux manifestations. Enfin, lors de ces formations, un module doit aborder la question de la communication notamment celle des relations aux médias et aux réseaux sociaux. Cette formation pourrait se dérouler lors d’échanges inter-régionaux associant contenus et moments conviviaux.
Il s’agit aussi de clarifier le consensus d’action au sein d’Attac. Celui-ci consiste, lors de nos actions, à agir à « visages découverts » et sans provoquer de « dégradation lourde » : Attac assume complètement ces actions. Cependant, dans certaines conditions, nos actions peuvent mettre en difficultés les militant·e·s notamment en présence de caméras, et aboutir à des poursuites judiciaires. Ces questions doivent être discutées à chaque fois avec les personnes qui souhaitent s’engager afin que chacun·e se sente à l’aise dans les formes de mobilisation.
En interne et afin d’assurer une cohérence dans la stratégie d’Attac, la mise en œuvre d’actions de désobéissance civile par le Groupe Action (GA) s’appuiera sur un travail coordonné des espaces de travail concernés, du conseil d’administration et du bureau. Ces actions de désobéissance peuvent s’ancrer dans la tradition d’Attac tout en développant, si possible, un travail collectif avec des organisations pratiquant le même type d’action et poursuivant les mêmes objectifs. Des collectifs plus souples peuvent être instaurés en permettant d’associer des militants extérieurs à Attac.
3.1.3. Développer l’éducation populaire et la formation
Attac a pour vocation de rendre accessibles les savoirs critiques à un large public, au-delà de ses adhérent·es et sympathisant·es. Plusieurs types d’actions y participent : la diffusion des savoirs, leur vulgarisation et la formation. Par ailleurs, les valeurs et les pratiques de l’éducation populaire, qui consistent à partir de nos expériences vécues et quotidiennes, doivent imprégner notre fonctionnement et donc notre organisation.
L’enjeu de la diffusion des savoirs et analyses d’Attac est lié à la question des supports et canaux de diffusion. Celui de la vulgarisation, majeur, doit permettre à Attac de jouer un rôle dans la lutte contre le sentiment d’incompétence et d’illégitimité, très présent au sein de la population, afin que chacun.e se réapproprie et s’exprime sur les enjeux économiques. S’autoformer à des sujets d’actualité ou aux fondamentaux d’Attac au sein des CL est une étape de ce processus.
Militer à Attac, c’est aussi acquérir savoirs et savoir-faire : la montée en connaissances et en compétences du plus grand nombre de militant·es est une condition pour faire d’Attac un espace où la démocratie s’expérimente et se vit. Elle en fait ainsi une expérience émancipatrice.
Différents types de formations sont à proposer sur les sujets qui constituent les fondamentaux d’Attac, les actions (nationalement, localement), ainsi que des formations au militantisme et au décryptage des mécanismes de domination et d’oppression systémiques présents dans toutes les strates de la société, y compris au sein de l’association.
3.1.4. Renforcer et élargir l’espace de débats et de productions intellectuelles utiles aux mouvements sociaux
Élaborer collectivement, y compris en prenant en compte des options contradictoires, les orientations, les analyses, les expertises, les formations et les modes d’agir permet à Attac d’apporter sa lecture des sujets d’actualité avec ses spécificités (analyse économique et financière, perspective altermondialiste) pour enrichir l’argumentaire dans le cadre d’interorganisations, pour soutenir et renforcer des luttes concrètes etc.
Cette production est élaborée en interne à Attac mais également avec des partenaires extérieurs, ce qui permet d’ouvrir sur d’autres perspectives que celles qui sont habituelles à l’association, démarche importante pour porter les idées d’Attac mais aussi pour les enrichir, dépasser les idées et les moyens de chaque organisation et avoir plus de force. Elle concerne les fondamentaux d’Attac mais aussi des savoirs et des expertises issus des mouvements féministes, de l’écologie politique, des expériences créatives face à la crise, etc...
Pour cette élaboration, il s’agit d’identifier, valoriser et utiliser les connaissances, les compétences et les apports issus des différents lieux d’Attac (espaces de travail, comités locaux, conseil scientifique, labo) en veillant à une circulation de ces différentes productions en interne pour les croiser et les articuler. En la matière, le labo (équipe d’animation du CS) a une responsabilité particulière en étant une force de propositions concernant la production et la diffusion de savoirs au sein d’Attac et vis-à-vis de l’extérieur. Son renforcement permettra de nourrir les campagnes et réflexions d’Attac, notamment autour des enjeux écologiques et sociaux.
Il s’agit également d’organiser la circulation des productions vers l’extérieur :
réfléchir sur la stratégie de diffusion, de vulgarisation et de diffusion d’idées ;
penser avant tout au public auquel on s’adresse afin de se donner des clefs pour articuler et faire coïncider le fond, la forme et les canaux de diffusion, en faisant varier les supports.
3.1.5. Garantir l’indépendance financière d’Attac
L’indépendance financière d’Attac repose à plus de 90 % sur les adhésions et les dons. Pour garantir cette indépendance et développer nos ressources, il est nécessaire de mieux caractériser les différentes façons de soutenir financièrement et de s’impliquer dans Attac. Cela pourra donner lieu à la définition de catégories telles que sympathisant·es, donateurs·donatrices ponctuel·les ou en dons mensuels, adhérent·es, militant·es impliqué·es dans un comité local et/ou un espace de travail : statuts dont il faudra préciser les droits et possibilités respectives, de la réception d’informations et/ou de la revue Lignes d’Attac, au droit de vote à l’Assemblée générale d’Attac France et/ou de son comité local. Il nous faudra également penser des manières différentes de communiquer en direction de ces diverses catégories, en articulation avec les campagnes, afin de les fidéliser, de leur proposer des parcours d’engagement qui les poussent vers l’adhésion et l’implication active, et de les inciter à davantage nous soutenir financièrement, notamment en développant le recours au prélèvement automatique : cela entraînera la nécessité d’adapter la gestion de notre fichier contacts.
3.1.6. Élargir l’audience d’Attac
Attac accomplit depuis des années un travail important pour sensibiliser largement sur les thèmes prioritaires énoncés dans les rapports d’orientation et promouvoir les initiatives de l’association. Pour la prochaine mandature, l’enjeu est de développer notre capacité à nous adresser d’une part au « grand public » et d’autre part aux divers réseaux militants. Échanges d’expérience et réflexions sur cet enjeu devront donc être régulièrement organisés.
Pour toucher davantage le « grand public », il nous faudra réfléchir aux moyens de communication à développer, du ludique au numérique en passant par des formes diverses d’intervention dans l’espace public. En particulier, il faudra réfléchir à la manière de toucher les personnes vivant dans les espaces ruraux et péri-urbains et dans les quartiers populaires. Il conviendra également de nous impliquer dans les enjeux et luttes locales afin d’y mettre en œuvre nos valeurs et propositions concrètes pour un autre monde. Nous établirons et renforcerons nos convergences avec des organisations implantées dans les quartiers populaires ou menant des luttes pour les droits des plus défavorisé·es. Enfin, réinvestir les universités et écoles semble un enjeu fondamental afin d’aller échanger avec une partie de la jeunesse.
Attac utilise des réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou Instagram, qui sont des outils lui permettant de toucher des centaines de milliers de personnes. Toutefois, une attention particulière devra être portée pour limiter notre dépendance aux Gafam, notamment en développant notre présence sur des réseaux sociaux alternatifs, comme Mastodon par exemple.
3.1.7. Enjeux numériques
Le numérique, véritable question politique, occupe une place croissante dans les activités quotidiennes, au travail, dans le champ médiatique et politique. Quelles en sont les conséquences pour Attac, pour la société ? Comment s’orienter vers une « sobriété numérique » axée sur les besoins réels des citoyen·nes sans sacrifier « l’humain » ? Dans cet objectif, il sera nécessaire d’informer et former les membres de l’association sur les enjeux du numérique dans notre quotidien.
La numérisation de l’économie et l’extension du télétravail ont des conséquences sociales et environnementales importantes. Attac doit aussi mettre en lumière les pratiques des acteurs du « capitalisme de surveillance », dont les multinationales échappent à l’impôt. L’emprise culturelle, économique, sociale et politique des Gafam est puissante. D’où la nécessité d’améliorer les outils de l’association afin de réellement faire fonctionner des alternatives libres, émancipatrices et responsables.
Évaluer les pratiques permettra de maîtriser la maintenance et l’utilisation des services numériques selon des besoins ciblés sur le long terme. Sécuriser et organiser les données personnelles, les héberger sur des serveurs de confiance avec une maintenance soucieuse de la vie privée est également nécessaire pour garantir l’indépendance d’Attac. Un plan ambitieux d’amélioration de notre système d’information numérique devra être entrepris. Il devra tenir compte de la réalité des compétences des membres d’Attac. Il devra aussi doter l’association à la fin du mandat, d’un outil efficace en cohérence avec ses valeurs.
3.2 La vie d’Attac
3.2.1 Les comités locaux
Le premier espace d’engagement militant au sein d’Attac correspond aux nombreux comités locaux (CL) implantés sur presque tout le territoire. Pour enrichir les travaux d’Attac France et faire vivre l’association, il est nécessaire de soutenir les comités locaux, existants et en création. Pour mener les campagnes d’Attac et le cas échéant des interventions dans les politiques locales, il est nécessaire de favoriser les mutualisations entre les comités locaux, les pratiques d’intégration des nouvelles et nouveaux militant·es et la recherche de partenariat avec des associations proches. Il s’agira de permettre à la conférence nationale des comités locaux (CNCL), qui se réunit trois fois par an, de poursuivre son rôle d’échanges entre Comités locaux mais aussi de lieu de discussions et de débat avec les espaces de travail nationaux et le Conseil d’administration, en encourageant la participation de nouveaux et nouvelles adhérentes et de nouveaux CL.
Afin de conforter les CL dans leur place centrale au sein d’Attac, une réflexion sur leur participation aux prises de décision de l’association sera menée.
3.2.2 Le groupe action
Le groupe action a été conçu comme un groupe de militant·es s’appuyant sur les moyens humains et financiers du siège pour développer l’activisme au sein d’Attac dans le cadre de son orientation et de ses positions. Le groupe contribue à explorer la question de l’engagement dans les actions de désobéissance civile. Il veut être un acteur de la diffusion de ces nouveaux modes d’action au sein d’Attac, et plus largement parmi les mouvements sociaux. L’un des enjeux est d’accompagner les comités locaux qui le souhaitent à sauter le pas et mieux intégrer ces pratiques. Un autre enjeu est d’impliquer davantage de militant·e·s actif·ve·s d’autres régions que la région Île-de-France dans cette démarche.
Plus généralement, le groupe action accompagne la réflexion et la progression collectives autour de cette démarche d’engagement dans des actions de désobéissance civile. Cela passe par l’organisation d’ateliers de partage d’expériences, de formations ou de réflexions, localement et dans les événements nationaux (CNCL, université d’été,…), voire internationaux (contre-sommets, FSM,…).
3.2.3 Les espaces de travail nationaux
Les espaces de travail nationaux permettent de construire une expertise et de développer divers moyens de mobilisations au sein et en-dehors de l’association. Pour cela, ils nécessitent d’assurer un noyau solide d’animatrices et d’animateurs, pour faciliter l’implication des adhérent·es dans ces espaces et ainsi valoriser au mieux les énergies militantes présentes au sein d’Attac. Le conseil d’administration devra en permanence fixer des priorités et hiérarchiser les actions à mener, notamment celles ayant un impact sur l’équipe salariée, et également afin de prévenir les phénomènes de dispersion et d’épuisement militant.
3.2.4 Le conseil d’administration
Le conseil d’administration (CA) doit porter les campagnes et orientations nationales d’Attac. Il doit pouvoir compter notamment sur des élu·es qui connaissent la vie d’Attac et de ses comités locaux, ou encore qui ont une solide expérience dans le mouvement social et qui y consacrent de l’énergie et du temps. Il en est ainsi des élu·es issu·es des adhérent·es comme des fondateurs. C’est pourquoi le renouvellement des élu·es du CA et de son bureau sont à penser bien en amont des élections tous les trois ans, pour que les orientations d’Attac, inscrites dans ce rapport, soient davantage portées et partagées par un cercle large d’élu·es. Le conseil d’administration s’engage également à développer l’accès aux informations pour les comités locaux sur les perspectives militantes des mois à venir (comptes rendus, tableaux organisationnels, webinaires...).
3.2.5 L’équipe salariée
L’activité d’Attac et son développement actuel nécessitent d’être collectivement vigilant·es aux conséquences sur l’équipe salariée. La cohérence portée par notre mouvement nous oblige à garantir des conditions de travail en notre sein que nous revendiquons pour tou·tes. Ainsi, nous devons tout à la fois développer nos ressources financières afin d’assurer les embauches répondant au développement de notre association, et favoriser, par la formation et une réflexion sur l’accueil des nouveaux·elles, les prises de responsabilités militantes afin que le dynamisme de notre association ne repose pas que sur l’équipe salariée.
3.2.6 L’université d’été
L’université d’été est un évènement essentiel pour Attac. Elle permet la rencontre des militant·es, la diffusion des analyses et propositions dont nous sommes porteurs, mais fait également émerger de nouvelles questions et débats à poursuivre. Elle est un temps de visibilité et de rencontre avec Attac pour de nouvelles et nouveaux militant·es. Que ce soit pour les universités des mouvements sociaux (comme à Grenoble et Nantes) ou les universités d’été européennes (comme à Mönchengladbach en Allemagne), Attac joue pleinement son rôle en favorisant les convergences entre divers mouvements sociaux, médias alternatifs et intellectuel·les. Attac continuera à élargir le processus de construction d’Universités d’été des mouvements sociaux tout en favorisant une large implication et participation de ses militant·es et adhérent·es.
3.2.7 Attac Campus
Si Attac Campus n’a pas été relancé en tant que tel, un comité local à Sciences Po Paris s’est formé en septembre 2021, dans l’objectif de porter la voix altermondialiste dans l’école. En se focalisant spécifiquement sur la défense des sciences sociales, ces étudiant.e.s souhaitent déconstruire les discours dominants et proposer des alternatives à travers les réseaux sociaux, mais aussi par des actions dans et hors de l’école et par la participation aux débats étudiants.
Ce genre d’initiative pourrait se multiplier, pour constituer un réseau de jeunes militant·e·s formé·e·s et actif·ve·s en devenant une porte d’entrée dans le militantisme de beaucoup de jeunes engagé·e·s sur ces questions.
3.2.8 Le collège des fondateurs
Attac a par son lien avec d’autres organisations du mouvement social un caractère exceptionnel et un rôle particulier à jouer. Nous sommes, sur bien des sujets ou à certaines occasions, une des seules forces pouvant favoriser la convergence dont les mouvements sociaux ont besoin. Le rôle joué par Attac dans le lancement et l’animation de Plus jamais ça, pour la construction des universités d’été des mouvements sociaux, dans les liens entre syndicats et mouvements écologiques sont autant d’exemples d’une vocation que nous devons continuer à maintenir, voire amplifier. Ainsi, nous pourrions, au cours des prochaines années, réfléchir à ouvrir le collège des fondateurs à de nouvelles organisations ou médias.