Des frontières de la crise au cœur du pouvoir

Partout, nous résistons et nous nous révoltons contre la crise et la gestion qui en est faite, nous mettons nos forces pour faire vivre les luttes, et c’est sur ces piliers que nous construisons et tissons une nouvelle Europe à partir de la base.

L’Europe dans laquelle nous vivons, loin des pensées nobles qui pourraient l’avoir inspirée dans le passé, a été construite par un processus descendant, conduit par des pactes et des accords entre les gouvernements. Cela a eu lieu dans le cadre de l’idéologie néo-libérale, sous une forte pression afin de satisfaire les marchés financiers et les entreprises. Le résultat en est la concentration du pouvoir dans les mains de quelques institutions, qui sont elles-mêmes l’expression directe des gouvernements qui prétendent être les « nôtres ».

Chaque réelle implication directe et chaque expression des populations ont progressivement été évitées autant que possible. Et elles le seront encore plus à l’avenir, lorsque les parlements nationaux ne seront simplement plus qu’ « informés » sur ce que sont les décisions nécessaires et obligatoires, et les mesures spécifiques à prendre dans chaque pays.

La gouvernance imposée par la Troïka est rude et brutale, basée sur l’austérité imposée à nos vies, la privatisation des communs, des coupes dans les dépenses sociales et la solidarité, le contrôle serré et l’oppression barbare des migrants.

Dans ce cadre, il n’y a pas de compromis possible avec le pouvoir qui façonne et conduit la gestion de la crise en Europe.

Nous ne voyons qu’une seule voie, celle d’une opposition sociale directe, large et autonome qui parte de la base, qui non seulement s’élève avec rage contre cette gouvernance, mais qui s’appuie aussi farouchement sur les résistances à l’oeuvre et les solutions communes et partagées à tous les niveaux – du local à l’européen.

Nous pensons qu’il est temps, en respectant l’autonomie et la spécificité des mouvements locaux, de tisser et d’organiser un réseau de luttes qui résiste et ramène à la population ce qui est balayé : revenu de base et services sociaux, logement, biens communs élémentaires comme l’eau, l’énergie et le transport, des savoirs de qualité, des droits sociaux et du travail, la liberté de circulation, et, en général, la possibilité d’atteindre la dignité et de la liberté dans la vie.

C’est ainsi que nous entendons "blockuper" réellement cette Europe et reconstruire notre Europe à partir de la base : à travers des luttes vivantes et des résistances qui soient ouvertes, se propagent et mutent ; des pratiques sociales qui peuvent être inventées, reproduites et exécutées par nous tou-te-s.

L’Europe que nous imaginons n’est pas contrainte institutionnellement ni limitée géographiquement telle qu’elle est habituellement pensée. Nous pensons au contraire à une Europe euro-méditerranéenne, comme une entité définie par les luttes communes et diversifiées qui ont lieu contre la même imposition rude et brutale du néo-libéralisme. Cela signifie une nouvelle topographie des luttes, de l’Europe occidentale à la région des Balkans, de l’Europe de l’Est à l’ensemble de la région Sud-Méditerranée, considérant le « printemps arabes » comme une partie vivante du processus constituant que nous recherchons.

Nous vivons tou-te-s maintenant aux confins de l’Europe néolibérale. Notre vie a été faite de cette façon : constamment en crise, constamment au bord de la désespérance.

Nous ne voulons plus avancer comme cela. Nous voulons retrouver nos vies, notre dignité. Nous voulons retrouver notre futur, car la vie sans avenir ne vaut rien.

Nous appelons donc de toute l’Europe, les gens qui sont en difficulté, les personnes qui veulent se battre, les gens qui veulent piétiner les rois, à marcher sur le cœur du pouvoir et faire nombre. Le discours dominant doit être dévié des voies de l’acquiescement, la possibilité d’agir partout est maintenant connectée au niveau européen.

Nous serons donc à Francfort du 30 mai au 1^er juin afin de participer aux journées d’action pour bloquer la BCE.

Nous serons donc à Francfort pour donner de la force et du corps, par milliers et milliers, à la lutte contre la crise, la Troïka, contre ceux qui ont façonné cette Europe dont nous ne voulons plus. Toutes celles et tous ceux qui veulent nous priver de ce qui rend la vie digne d’être vécue, de ce que nous voulons, nous méritons, dont nous avons besoin, doivent s’en aller.

Que se vayan todos !

C’est une question d’amour, de dignité et de rage.