Le Parlement Européen se prononce ce mardi sur la proposition de la Commission européenne visant à retarder l’introduction de 900 millions de permis d’émission sur le marché carbone européen (EU ETS). Ce vote part du principe que le marché du carbone peut être réformé. Mais, avant le vote, un nouveau rapport démontre que les problèmes du marché carbone européen sont systémiques et insolubles. Conserver ce système qui échoue ne ferait que retarder de véritables mesures pour réduire les émissions en Europe.
Le rapport « Déconstruire les mythes du marché carbone : pourquoi il ne peut être réformé et doit pas être dupliqué » a été publié par plusieurs organisations [1] impliquées dans la campagne « Il est temps de mettre fin au marché carbone européen ». Il se penche sur un certain nombre d’affirmations formulées pour défendre le marché carbone européen en montrant pourquoi elles ne sont pas valides.
Un des mythes les plus souvent avancés est que le marché carbone européen aurait réduit les émissions de gaz à effets de serre. La légère baisse des émissions de 2008 et 2010 était pourtant due à la crise économique. Il n’y a eu aucun réel changement dans la façon dont l’énergie est produite ou utilisée par l’industrie. Le marché carbone européen est incapable de déclencher la transformation nécessaire pour atteindre des trajectoires justes et soutenables qui pourraient être obtenues par des mesures réglementaires et fiscales, selon le rapport.
« Le vote sur le fait de retarder l’introduction des permis est un faux débat. Aucun rafistolage ne pourra résoudre le fait que l’UE a choisi le mauvais instrument pour réduire les émissions en Europe. Il est intrinsèquement trop faible pour conduire l’UE là où il faut dans le temps imparti. Pour atteindre l’objectif visant à maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C, objectif par ailleurs insuffisant, l’UE ne peut plus attendre d’être sauvée par le marché » selon Hannah Mowat de FERN.
Un autre mythe mis à mal par le rapport est que le marché carbone européen serait un outil flexible et rentable pour réduire les émissions. « La question est de savoir pour qui est-il rentable ? Le secteur privé a réussi à faire des bénéfices exceptionnels en répercutant les coûts des droits à polluer sur les consommateurs, alors qu’ils les ont obtenu gratuitement. Dans les phases 1 et 2, cela a été mis sur le compte de la jeunesse du dispositif, mais sept ans plus tard, ces questions demeurent et s’aggravent », déclare Belén Balanyá, du Corporate Europe Observatory.
Le rapport met également en pièces l’idée selon laquelle le marché carbone européen fonctionnerait comme une incitation orientant les investissements vers des solutions énergétiques plus propres. Le rapport précise qu’en raison de l’énorme sur-allocation des permis, le secteur privé a veillé à ce que la pollution reste l’option la moins chère, et de ce fait, en raison du marché carbone européen, il n’y a pas eu d’investissements notables réalisés dans des technologies propres ou des solutions faiblement carbonées.
« L’Union européenne doit reconnaître que le marché carbone européen n’a pas fonctionné. Essayer de corriger ce système reviendra à fermer la porte à des politiques climatiques justes et efficaces. Nous avons besoin de le remplacer par des actions concrètes qui permettent une transition juste hors de la dépendance aux énergies fossiles, afin de laisser aux générations futures une chance d’éviter des dérèglements climatiques incontrôlables », selon Maxime Combes, d’Attac France.