La Commission européenne a élaboré une proposition de directive [2004/0001 (COD)] relative aux services dans le marché intérieur. L’objectif de cette directive « est d’établir un cadre juridique qui supprime les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services entre les États membres » Comme le note l’exposé des motifs, « la proposition couvre tous les services qui représentent une activité économique au sens de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 49 du traité ». Rappelons que, pour cette jurisprudence (C-180-184/98), « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné », c’est-à-dire que la quasi totalité des activités de service est affectée y compris celles relevant des services publics. La Commission a d’ailleurs indiqué fin 2001 dans une communication sur les services d’intérêt général que la distinction entre activité économique et activité non économique était, de fait, sans pertinence. Cette proposition de directive concerne l’ensemble des activités de service à l’exception de celles déjà couvertes par une autre directive, c’est-à-dire les télécommunications, les transports et les services financiers. Le projet de directive comporte un certain nombre de dispositions visant à faire disparaître les conditions d’établissement pour les prestataires de services. Il s’agit de lever les obstacles à la liberté d’entreprendre édictés par les pouvoirs publics pour réglementer l’activité économique en fonction de l’intérêt général. Une mesure particulière retient l’attention, celle qui supprime « les interdictions totales de communications commerciales pour les professions réglementées » (art 29). C’est donc la fin des règles de déontologie que certaines professions, comme les médecins, les pharmaciens, notaires, etc. devaient respecter. Mais il y a beaucoup plus grave. Le projet de directive est basé sur une innovation juridique : le principe du pays d’origine. Selon ce principe (art 16), un prestataire de services est soumis exclusivement à la loi du pays où il est établi et non pas à celle du pays où il fournit le service. Si ce principe ne s’applique pas aux services postaux, au gaz et à l’électricité, secteurs déjà déréglementés et à la distribution d’eau secteur, le parlement européen ayant rejeté en mars 2004 un projet de libéralisation, sa portée n’en reste pas moins considérable. Il s’agit d’une claire incitation à la délocalisation dans les pays de l’Union dans lesquels la protection des consommateurs est la moins développée, et qui pratiquent le moins disant social et écologique. Les craintes que l’on pouvait avoir sur les conséquences de l’élargissement de l’Union se voient ainsi, hélas, confirmées. Le droit du travail, les normes environnementales, la protection des consommateurs sont exclus des dérogations au principe du pays d’origine prévues par le projet de directive. Ainsi, par exemple, une entreprise française, une fois son siège social transféré à Malte, appliquerait le droit maltais à ses activités en France. Le contrôle des entreprises échapperait à l’administration du pays d’accueil. Le projet de directive indique ainsi que « l’État membre d’origine est chargé du contrôle du prestataire et des services qu’il fournit, y compris lorsqu’il fournit ses services dans un autre pays membre ». Dans notre exemple, c’est donc l’administration maltaise qui en serait chargée. La portée pratique d’une telle proposition apparaît clairement : c’est la porte ouverte à une liberté d’action totale pour les entreprises qui pourront agir de fait sans aucun contrôle sérieux. Avec le principe du pays d’origine, le projet de la Commission viole l’article 50 du traité qui indique que la prestation de services dans un pays est fournie « dans les mêmes conditions que ce pays impose à ses propres ressortissants ». Il s’agit donc d’un véritable coup de force de la Commission qui entend modifier le traité par le biais d’une directive, et ce pour le plus grand profit des entreprises. Ce projet de directive est donc inacceptable. Le gouvernement français doit clairement se prononcer pour son rejet. Attac va s’adresser au président de la République et aux élus. Au-delà, il faut que les opinions publiques se mobilisent pour bloquer ce projet scélérat. Il s’agit de construire une large mobilisation au niveau local, national et européen. Au niveau national, Attac propose que se mette rapidement en place un cadre unitaire de lutte contre ce projet. Au niveau européen, une réunion de préparation du prochain Forum social européen aura lieu à Berlin à la mi juin. Lors de cette réunion, Attac proposera à ses partenaires européens de discuter des initiatives à prendre. Le 2 Juin 2004