Accord de libre-échange transatlantique : la démocratie en danger !

mardi 12 novembre 2013, par AITEC, Attac France

Alors que s’est ouvert hier la deuxième session de négociation d’un Pacte transatlantique sur le commerce et l’investissement (PTCI) entre les États-Unis et l’Europe, l’Aitec et Attac alertent sur les risques qu’implique un tel accord pour les droits fondamentaux des citoyens d’Europe et d’Amérique. Elles publient à cette occasion une lettre d’interpellation adressée à la Ministre du commerce extérieur N. Bricq [1] demandant au gouvernement de suspendre leur engagement dans ce processus tant qu’un véritable débat public n’a pas eu lieu et que les documents négociés et positions du gouvernement français ne sont pas rendus publics.

En effet, ces négociations, comme celles de l’Accord avec le Canada, se sont engagées dans la plus grande opacité : ni l’opinion publique ni ses représentants n’ont eu accès au mandat de négociation. A contrario, les entreprises et leurs groupes d’intérêt jouissent d’un accès privilégié aux négociateurs européens, puisque sur 130 réunions organisées avec les « parties prenantes », l’organisation CEO nous apprend que la Commission européenne a reçu 119 fois les représentants des multinationales [2].

Nos organisations unissent leurs voix pour dénoncer ce processus anti-démocratique, à celles de dizaines d’autres organisations au niveau français, européen et aux États-Unis. Elles s’engagent à faire connaître d’ores et déjà les dangers sociaux, environnementaux et sanitaires que comporte cet accord et interpeller leurs députés sur les enjeux de cet accord. 

Un accord qui vise avant tout l’harmonisation des normes

Cet accord s’attaque aux droits de douanes, en particulier dans les secteurs où ils sont restés importants, comme dans l’agriculture. Mais il vise avant tout une harmonisation des règles en matière de production agricole ou industrielle, protection des données numériques et licences, mesures de prévention des risques environnementaux et sanitaires, etc. Sous couvert de cette harmonisation, le PTCI menace en réalité des choix collectifs historiques en France. Qu’en sera-t-il, par exemple, de l’interdiction d’exporter vers l’Union européenne de la volaille désinfectée avec des solutions chlorées ou du bœuf aux hormones ? Des réglementations sur les produits chimiques (telle que la directive REACH), beaucoup plus contraignantes en Europe qu’aux États-Unis ? Ces risques sont clairement avérés dans un rapport commandité par la Commission ENVI du Parlement européen qui recommande aux parlementaires européens de redoubler de vigilance quant aux risques pour l’Europe de perdre ses standards de protection dans le domaine de l’environnement et de la sécurité alimentaire [3].

Un accord qui consacre la suprématie des droits des investisseurs sur nos droits démocratiques

D’après les fuites, le mandat inclurait l’inacceptable mécanisme d’arbitrage des différends États-investisseurs. Ce type de mécanisme, dit de « protection des investissements », ouvre le droit à une entreprise de poursuivre un État ou une collectivité locale si une réglementation fait entrave au commerce et la prive de bénéfices escomptés ; le différend sera arbitré par un panel d’experts privés, de façon discrétionnaire et en dehors des juridictions publiques nationales, régionales ou multilatérales. Les entreprises multinationales accéderaient ainsi à un puissant outil pour contester et décourager toutes décisions politiques affectant leurs profits. Nos organisations viennent à ce titre de publier un rapport « Une déclaration transatlantique des droits des entreprises » [4] alertant sur ces dangers et les risques de voir une inflation de ces conflits. Il revient sur certains cas emblématiques telles que les poursuites du géant du tabac Philip Morris contre l’Uruguay et l’Australie relatives aux avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes ou la plainte récemment déposée par la société états-unienne Lone Pine contre le Québec concernant son moratoire sur l’extraction (fracturation) controversée du gaz de schiste.

Un accord qui aura des répercussions mondiales

En outre, les retombées de cet accord dépassent largement nos frontières puisqu’il s’agit à terme d’articuler l’AECG (Accord économique et commercial global) entre l’Union européenne et le Canada et le PTCI pour aboutir à la construction d’une vraie zone de libre-échange transatlantique qui couvrirait plus de la moitié de l’économie mondiale. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard de calendrier si le 18 octobre dernier a été acté publiquement un accord politique sur l’AECG. La négociation parallèle d’un accord de commerce et d’investissement entre les États-Unis et 12 pays de zone Pacifique (TPPA) permettra encore d’élargir la superficie et l’hégémonie de ce « supermarché » global, afin à terme d’imposer ses règles à l’ensemble de la planète.

Le Commissaire européen au commerce, Karel De Gutch, ne s’en cache d’ailleurs pas : « Avec le Canada, ces deux pays nous donneront la masse critique – plus de la moitié de l’économie mondiale - qui nous permettra d’élaborer des normes qui ont vocations à devenir mondiales » (K. De Gutch, entretien dans Libération du 29 octobre 2013)

Les enjeux de cet accord sont donc gigantesques. Mais pour quels bienfaits ? Appliquant les projections très optimistes proposées dans l’étude d’impact préalable commandée par la Commission européenne [5], l’économiste Dean Baker, du Center for Economic and Policy Research , basé à Washington, a conclu que le PTCI générerait une augmentation moyenne de pouvoir d’achat individuel... de 50$ annuels, ou 15 cents par jour ! Nos droits les plus fondamentaux ne valent-ils pas plus que ça ?

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