Comme toutes les organisations, personnalités et citoyen·nes, Attac a dû se poser la question : rester ou quitter X (ex-Twitter) ? Le débat concerne en réalité notre rapport général à tous les réseaux sociaux. Des discussions qui ne sont pas nouvelles au sein de notre association mais qui sont exacerbées par les évènements récents et la croissance exponentielle des idées d’extrême droite partout dans le monde et en France.
Après l’élection de Donald Trump et la nomination d’Elon Musk à son gouvernement, le vent a commencé à tourner pour Twitter. Plusieurs de celles et ceux qui se réclament de la transformation sociale et écologique ont annoncé leur départ du réseau social afin de ne plus nourrir l’algorithme d’X (qui, par ailleurs, les défavorise) et donc Elon Musk lui-même, ne plus subir les insultes et le harcèlement de la fachosphère.
Ce mouvement rappelle celui de 2022, lors du rachat de la plateforme par le milliardaire mégalo. Son ampleur n’avait alors pas été suffisante pour que Twitter tombe de son piédestal et ne soit plus le lieu de discussion, d’annonces et d’échanges politiques, médiatiques et militants. Attac a, pour le moment, fait le choix politique de rester sur la plateforme mais de renforcer sa présence sur les alternatives. Explications.
1- Les réseaux sociaux, un outil important pour la diffusion de nos idées et l’existence de notre association
Aujourd’hui, plus de 6 Français·e sur 10 déclarent s’informer via les réseaux sociaux. Si la confiance accordée à ces sources est faible, ce chiffre montre l’importance des plateformes dans la diffusion des idées dans la société. C’est bien pour cela qu’X reste jusqu’à présent un lieu de présence majeur des journalistes, des politiques et des militant·es. Cela vaut pour nos campagnes comme pour les dons que nous recevons.
Notons d’ailleurs qu’agir et publier en tant qu’organisation ne recouvre pas les mêmes enjeux que de publier en tant qu’individu. L’organisation doit notamment réfléchir à son positionnement, sa stratégie de communication globale, ses sources de financement, le nombre de personnes dans sa base mails comparés au nombre de « followers » sur les réseaux... Et à la capacité de toucher toujours plus de monde.
Les enjeux pour chaque organisation diffèrent donc pour chacune, quand bien même les luttes sont communes. C’est pour cela que ces discussions ne sont pas récentes au sein d’Attac, et qu’elles reviennent régulièrement sur le tapis par exemple des groupes de travail de la communication, celui sur les usages numériques, au bureau et au conseil d’administration de l’association.
Faire le choix de quitter telle ou telle plateforme a donc un impact très concret sur la diffusion de nos idées comme nos finances.
2- Une bataille d’opinion à mener contre l’extrême-droite
Nous avons parfaitement conscience que les plateformes sont aussi investies par nos ennemi·es d’extrême-droite. Un investissement qui, en ce qui concerne X, est rentabilisé par les logiques algorithmiques du « buzz » et de captation de l’attention.
Nous ne pouvons néanmoins oublier les mouvements #MeToo, #BlackLivesMatters, les gilets jaunes ou encore l’affaire Benalla ou toutes les victimes de violences policières dont les histoires ont été documentées par ces biais. Il ne saurait donc y avoir une vision trop manichéenne de ces plateformes.
Les réseaux sociaux sont, comme les médias ou la rue, un terrain d’affrontement entre différentes visions du monde. En fonction des réseaux, l’audience est plus ou moins jeune, et plus ou moins féminine. Pour le moment, l’extrême-droite a tendance à s’imposer : elle domine le champ politique actuel, les médias sont à la fois acteurs et reflets de ce constat.
Mais comme nous ne voulons pas laisser tranquillement l’extrême droite opérer dans la rue, dans les urnes et dans nos médias, nous ne lui laisserons pas les réseaux sociaux. Nous nous devons de continuer à montrer une voix dissidente et résolue, mettre en avant nos analyses économiques et sociétales, rappeler qu’il y a d’autres visions du monde que l’égoïsme et les idéologies réactionnaires et que celles et ceux qui désirent une bifurcation écologique et sociale ne sont pas seul·es.
Quitter ces plateformes serait certes éthiquement plus satisfaisant mais reviendrait aussi à laisser l’entièreté d’un champ médiatique aux ennemi·es de notre camp social et de la planète. Rester est un choix politique combatif de la bataille culturelle.
3- L’absence d’alternative à l’heure actuelle
À ce jour, il n’existe aucune alternative, autre que formelle, aux réseaux sociaux X, Facebook ou Instagram. Si Bluesky, réseau fondé par des ancien·nes de Twitter, possède un algorithme différent de X, il n’en reproduit pas moins le fonctionnement et ne donne aucune garantie pour l’avenir ! Quand bien même Musk ne pourrait plus se reposer sur l’influence de X si Bluesky prenait le pas, les interrogations sur l’usage de ce nouveau réseau seraient les mêmes.
Il est d’ailleurs à noter que les arguments contre Twitter valent pour tous les réseaux sociaux : des fondateurs/propriétaires à la recherche de nos données et de notre attention, milliardaires, cryptomonnaie, admiration pour Trump et autres réactionnaires autoritaires, méfaits des algorithmes dans l’équilibre démocratique, manque de modération criant, difficulté de prendre du recul sur les (fausses) informations pour les usager·es...
Attac a bien sûr investi la plateforme libre Mastodon. Mais cette dernière ne couvre qu’un public extrêmement restreint qui relève d’un entre-soi militant avec des biais sociaux extrêmement forts. Elle ne permet pas de toucher largement la population et notamment les jeunes, les femmes, les personnes les moins diplômées.
À ce jour, si nous le regrettons, le constat est sans appel : il n’existe aucune équivalence, qui vaudrait alternative, aux 3 grands réseaux que sont X, Facebook et Instagram. Attac a néanmoins décidé de renforcer dès à présent sa présence sur Bluesky et Mastodon.
4- Attac assume les contradictions qu’impose la société capitaliste et participera à organiser l’après
Pour Attac, les coordonnées de la situation imposent un choix contraint : soit nous restons intransigeant·es sur nos principes et quittons les réseaux sociaux, perdant ainsi un espace majeur de popularisation de l’association et des idées qu’elle transmet, soit nous acceptons les contradictions que nous imposent le système et nous nous battons sur leurs espaces.
Nous faisons, en conscience, le choix de rester, pour le moment, sur X. Nous l’assumons au vu des enjeux : il est impossible pour notre association de laisser des pans entiers de l’information aux mains de l’extrême-droite.
Nous voulons néanmoins entamer une réflexion collective avec l’ensemble des organisations du mouvement social pour agir et ne plus subir. Car si nous ne choisissons pas quelles sont les plateformes mainstream, nous pouvons néanmoins mener campagne ensemble pour aller vers des réseaux sociaux plus désirables. Il faut prendre le temps de discussions permettant évolutions engageantes et pérennes, avec nos camarades du monde entier, sans qui des départs plus ou moins isolés d’organisations ou personnalités françaises ne devraient pas trop ennuyer le patron d’X outre-atlantique !
Attac participera donc aux initiatives visant à discuter et renforcer la construction d’alternatives à la hauteur des enjeux : avoir des réseaux sociaux éthiques qui touchent l’ensemble de la population et permettent, à terme, de quitter ceux des GAFAM. En attendant, continuons de nous soutenir les un·es les autres dans nos luttes, quelque soit les plateformes choisies !