La transposition de l’accord mondial de l’OCDE aurait été rendue possible par la levée du veto de la Hongrie, obtenue après de laborieuses négociations et un allègement de certaines sanctions que l’UE devait appliquer à la Hongrie. Il intervient également alors que les institutions européennes sont secouées par une affaire de corruption par le Qatar, paradis fiscal notoire. L’histoire ne s’encombre guère de paradoxes.
L’accord mondial pourrait désormais être transposé dans les droits nationaux dans les deux prochaines années sauf surprise de dernière minute. Difficile cependant d’y voir une bonne nouvelle, tant les mesures qu’il prévoit sont limitées.
A titre d’exemple, le taux plancher est si bas qu’il risque d’entériner une taxation plus faible pour les multinationales que pour les PME, qui n’ont pas de filiales dans des paradis fiscaux. Les recettes fiscales dégagées seraient largement insuffisantes pour répondre aux défis mondiaux sociaux, écologiques et économiques. Ce taux minimal de 15 % pourrait par ailleurs entraîner une course à la baisse des taux.
Certes, aucun accord de la sorte n’avait été trouvé antérieurement. Mais tout aussi historique est la faiblesse de l’impôt sur les sociétés : son taux nominal n’a jamais été aussi faible depuis plus d’un demi-siècle en France comme dans la plupart des États du monde, et singulièrement au sein des pays de l’OCDE. Il pesait 2,2 % du PIB en France en 2019 contre 3 % au sein de l’OCDE.
Tout aussi historique est l’ampleur de l’évitement de l’impôt, toujours permis par des voies légales (l’optimisation fiscale) et illégales (fraude). Cette dernière représente 80 milliards d’euros en France et environ 800 milliards d’euros au sein de l’Union européenne. Le tout dans une période de crise sanitaire qui a révélé à quel point l’évitement de l’impôt avait dégradé le système de santé.
S’agissant de l’accord sur l’imposition des multinationales, la suite est malheureusement prévisible. Une nouvelle fois, les gouvernements se féliciteront de cette « avancée historique » et s’en contenteront. Cela ne les empêchera pas de poursuivre la baisse du taux nominal de l’impôt sur les sociétés, qui sait jusqu’au plancher de 15 %.
Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, le débat sur les critères qui structureront les politiques budgétaires et les orienteront vers l’austérité est relancé. En France, la réforme des retraites, menée au nom des économies budgétaires, envoie un signal particulièrement inquiétant. Face aux politiques néolibérales, il y a urgence à réorienter les choix. En matière de politique fiscale notamment, l’accord de l’OCDE montre qu’il n’existe aucun obstacle à la mise en œuvre d’un dispositif international.
Pour Attac, il faut désormais tenir compte de la réalité du modèle économique des grands groupes et adapter l’impôt sur les sociétés en conséquence, de telle sorte que les multinationales ne puissent plus jouer des prix de transfert, y compris en les manipulant afin de délocaliser artificiellement et frauduleusement leurs bénéfices vers des paradis fiscaux.
La taxation unitaire et le renforcement des moyens juridiques, humains et matériels alloués à la lutte contre l’évasion fiscale constitueraient une réponse adaptée. Au-delà, la période nécessite une politique fiscale et budgétaire qui privilégie la bifurcation sociale et écologique telle qu’Attac l’a défendue dans sa note « Reprendre la main ».