Composée de 7 député·es et de 7 sénateurs, la Commission mixte paritaire (CMP) devrait désormais se réunir le 30 janvier pour proposer un texte de compromis qui serait, s’il aboutit, soumis au vote du Parlement. Si nul ne sait encore ce qu’il en sortira ni si cette CMP sera conclusive ou non, plusieurs enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés de ce début d’année.
Le gouvernement Bayrou a repris le projet de loi de finances (PLF) du gouvernement Barnier qui lui-même s’est inspiré des travaux préparatoires du gouvernement Attal. Si le projet a été quelque peu remanié, la continuité dans l’orientation politique saute aux yeux.
La stratégie gouvernementale revient à cadenasser le budget, notamment sa partie recettes. Les marges de manœuvre d’amélioration du texte sont en effet limitées : lorsqu’un article a été voté par l’Assemblée et le Sénat en termes identiques, une nouvelle disposition ne peut en effet pas revenir en discussion. La règle de l’entonnoir s’applique également : il est impossible d’introduire une disposition si le texte ne comporte aucun article sur le sujet.
Il est certes possible de procéder à une modification des recettes en CMP qui revêt ainsi une réelle importance. En effet, les « compromis » passés entre François Bayrou et le parti socialiste pourraient se retrouver en discussion lors de la CMP, puisqu’il sera alors possible de remodifier le PLF. Mais là encore les marges de manœuvre sont limitées, car les règles de l’entonnoir s’applique aussi en CMP.
Par ailleurs, le principe de non rétroactivité fiscale implique de ne pas changer en année N les règles applicables à l’imposition des revenus (pour les particuliers) ou des bénéfices (pour les sociétés) de N-1 par exemple. Une telle rétroactivité est en effet anticonstitutionnelle.
En définitive, le choix du gouvernement Bayrou de rependre le PLF du précédent gouvernement, malgré sa censure, apparaît comme un déni de démocratie : il revient ainsi à cadenasser le débat parlementaire, et notamment à balayer d’un revers de main les propositions visant à mieux imposer les plus riches et les multinationales qui avaient été formulées à l’Assemblée en première lecture. Certaines reprenaient d’ailleurs des propositions de justice fiscale essentielles formulées par Attac et ses partenaires.
La priorité de ce gouvernement, à l’instar des précédents, reste donnée à la baisse des dépenses publiques sans qu’aucun rééquilibrage du système fiscal vers plus de justice, ne soit envisagé et ce au mépris d’un débat démocratique, pourtant indispensable après la censure du gouvernement Barnier. Les acquis et privilèges fiscaux d’une petite minorité de super-riches et de multinationales ne seront pas remis en cause. La justice fiscale, sociale et écologique est foulée aux pieds.
D’autant que le gouvernement ne se contente pas de reprendre le projet de loi de finances de Michel Barnier : il y a ajouté de nouvelles coupes budgétaires, alors qu’il s’agissait déjà du budget le plus austéritaire depuis une vingtaine d’année.
Loin d’assister à un « recentrage », c’est plutôt d’un durcissement austéritaire que ce budget témoigne. D’autant qu’au Sénat, certaines promesses de François Bayrou au groupe socialiste n’ont pas fait long feu, avec le rétablissement de la suppression de 4 000 postes d’enseignants et la baisse de l’indemnisation des arrêts maladie des fonctionnaires. L’extrême droite, qui refuse toute hausse d’impôt pour les plus riches et qui plaide pour l’austérité, peut quant à elle être satisfaite. A ce stade, le recours à l’article 49-3 semble inéluctable. Et la censure du gouvernement possible... pour ne pas dire souhaitable !