« Verdir la finance » et « débloquer les financements publics et privés nécessaires pour la lutte contre les dérèglements climatiques » étaient deux des engagements majeurs pris en 2017 à Paris, à l’occasion de la première édition du One Planet Summit organisé par Emmanuel Macron. Neuf mois plus tard, l’absence d’entente sur les modalités de financement des pays les plus pauvres menace ni plus ni moins que la pérennité de l’Accord de Paris comme viennent de le montrer les négociations préparatoires à la COP24 tenues début septembre à Bangkok. Plus grave, le verdissement de la finance est au point mort.
Dans une note que nous publierons prochainement, nous montrons en effet qu’il faudrait plus de cent ans pour verdir la finance et envisager qu’elle devienne compatible avec les enjeux climatiques internationaux. En nous basant sur l’évolution du marché des obligations vertes, présenté comme la figure de proue du verdissement de la finance, nous calculons en effet qu’un siècle ne serait sans doute pas suffisant pour que l’ensemble des obligations émises à l’échelle de la planète puissent être considérées comme vertes.
Loin d’exploser, comme annoncé, le marché des obligations vertes n’a en effet progressé que de 4% entre le premier semestre 2017 et le premier semestre 2018 : organisé entre les deux, le One Planet Summit visait pourtant à accélérer « le verdissement de la finance ». Ne représentant qu’à peine 1% du marché obligataire mondial, soit une goutte d’eau au milieu d’un océan de finance non verte, les obligations vertes, souvent présentées comme l’exemple à suivre, ne sont en mesure ni de verdir la finance ni de fournir suffisamment de financements à la transition écologique et à la lutte contre les dérèglements climatiques.
Un constat accablant auquel il faut ajouter la possibilité offerte aux entreprises, mais aussi aux États et collectivités territoriales, de se payer, à peu de frais, grâce à ce nouveau produit financier, des opérations de greenwashing. Comme le constate Dominique Plihon, porte-parole d’Attac : « il n’existe en effet toujours aucune règle contraignante pour déterminer ce qui est vert de ce qui ne l’est pas, et les lobbys financiers, bien aidés par de nombreux décideurs politiques, font tout pour qu’il n’y ait pas de régulation contraignante du secteur. Résultat : comme nous l’avons montré dans notre rapport publié en décembre 2017, les obligations vertes financent de nouveaux aéroports, des grands barrages et des raffineries pétrolières. »
Champion de la Terre ? Champion du Climat ?
Dans une classe de cancres, il est toujours possible d’en trouver un qui soit un peu moins mauvais que les autres. Mais il n’en reste pas moins un cancre. Emmanuel Macron ne déroge pas à la règle. Avoir trouvé le meilleur slogan de l’année, #MakeOurPlanetGreatAgain, ne fait pas de lui un champion. Il fait de lui le meilleur des communicants ayant essayé de masquer de désastreuses décisions domestiques contraires à l’urgence écologique : retards sur les objectifs climatiques et les énergies renouvelables, refus d’interdire du Glyphosate, abandon des objectifs de réduction du nucléaire, mise en oeuvre du CETA, soutien aux projets destructeurs de biodiversité (GCO, EuropaCity, Montagne d’or, etc), confirmation du permis d’hydrocarbures pour Total en Guyane, importation d’huile de palme, abandon de la Taxe sur les transactions financières, etc.
Pour Maxime Combes, porte-parole d’Attac sur les enjeux climatiques : « au sursaut politique attendu et espéré, et alors que les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, Emmanuel Macron préfère donc se complaire dans des fantaisies croquignolesques qui nous font perdre un temps précieux. La démission de Nicolas Hulot a pourtant servi de grande clarification : la transition écologique ne peut s’accommoder des petits pas – et des grands renoncements – d’un gouvernement pro-Business qui n’a jamais renoncé aux politiques productivistes et néolibérales qui nous conduisent dans le mur. Un mois plus tard, rien n’a malheureusement changé face à cet implacable constat.
Les dirigeants de la planète, Emmanuel Macron en premier lieu, feraient donc mieux de prendre enfin les décisions visionnaires et courageuses dont nous avons besoin plutôt que s’auto-décerner des prix ridicules qui desservent la cause climatique et écologique. »