« La France, dans son histoire, n’a jamais été aussi endettée qu’elle l’est aujourd’hui ». En agitant l’épouvantail de la dette, François Bayrou a ainsi fixé la priorité de son gouvernement : le désendettement. S’il a admis que « tous les partis de gouvernement, sans exception, ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières décennies », il a cependant déclaré que « cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social ».
Dans ce discours culpabilisateur sur la « dette morale », pas un mot sur la responsabilité écrasante des politiques de cadeaux fiscaux aux plus riches engagées depuis 2017 notamment - que François Bayrou a toujours soutenues. Sans revenir sur les causes de l’accroissement de la dette, il a désigné le « modèle social », c’est-à-dire les services publics et la protection sociale, comme la cible des coupes budgétaires à venir.
François Bayrou n’a pas hésité à déclarer souhaiter « reprendre l’étude des cahiers de doléances issus de la crise des Gilets jaunes ». Son gouvernement s’est pourtant déclaré opposé à l’instauration d’un impôt sur la fortune, une des principales revendications des Gilets jaunes. De la même manière, le nouveau Premier ministre et ses soutiens ont constamment soutenu les politiques consistant à baisser les moyens alloués aux services spécialisés en matière de lutte contre l’évasion fiscale alors que celle-ci était dénoncée par les Gilets jaunes.
Sur les projets de lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2025, il entend repartir des projets du gouvernement Barnier, qui ont pourtant conduit à la censure. Sur les retraites, il a de facto exclu toute suspension de la réforme de 2023, contestée et passée en force, en rendant notamment hommage à la première ministre de l’époque. Le « conclave » de renégociation de la réforme apparaît comme une grossière manœuvre de diversion, renvoyant tout changement à un hypothétique accord entre les syndicats et le Medef, alors que ce dernier a tout intérêt à faire échouer la négociation.
François Bayrou a également annoncé la création d’un « fonds spécial » se donnant pour objectif de brader le patrimoine public, notamment immobilier pour financer des politiques de « réforme de l’État » - un terme qui, depuis 2019, rime avec travail de sape de la fonction et des services publics. Quant à l’écologie, le Premier ministre a beau déclarer qu’elle « n’est pas le problème, c’est la solution », son projet de « grande conférence nationale » sonne d’autant plus faux qu’il soutient les promoteurs d’une agriculture et d’une industrie polluantes.
Pour Attac, il est urgent de rompre avec cette politique néolibérale zombie, incapable de répondre aux urgences du moment. Une bifurcation doit être engagée au plus vite avec pour objectif de rétablir la justice fiscale et sociale et de faire face aux enjeux climatiques, financés par une réforme fiscale d’ampleur et une réorientation des finances publiques. Dans le cadre de notre campagne pour la justice fiscale, Attac se mobilise pour que des mesures essentielles soient mises en œuvre dès maintenant dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2025.
Les mesures de justice fiscale portées par Attac
Pour une meilleure imposition des plus riches
En matière de fiscalité du patrimoine, plusieurs mesures s’imposent. Si l’ex-ISF avait été maintenu, il aurait rapporté plus de 4,5 milliards de plus que l’actuel impôt sur la fortune immobilière. Un impôt sur la fortune (sur les actifs immobiliers, mobiliers et financiers) rénové à l’assette élargi dégagerait davantage et permettrait de stopper la hausse des inégalités voire de les réduire. Par ailleurs, iIl faut préserver, repenser et renforcer les droits de donation et de succession, de telle sorte que les plus gros patrimoines soient davantage imposés et que l’accumulation des richesses soit stoppée. Ceci suppose de plafonner le pacte Dutreil afin de préserver les transmissions de PME mais de mettre à contribution les transmissions les plus importantes.
En matière d’impôt sur le revenu, la suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) permettrait de rétablir la progressivité de l’imposition des revenus financiers, ce qui dégagerait au moins 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires. En matière d’impôt sur le revenu, il faut prévoir la création de nouvelles tranches d’imposition et un relèvement du taux le plus élevé à 50%.
Pour une meilleure imposition des multinationales
En matière de fiscalité des entreprises, il faut instaurer une véritable taxe sur tous les superprofits qui permettrait de remettre en cause les positions de rente des grands groupes et inciterait les entreprises qui font des bénéfices exceptionnels à baisser leurs prix et à augmenter les salaires.
Pour neutraliser l’évasion fiscale des grands groupes (notamment en direction des paradis fiscaux), il faut instaurer une taxation unitaire des multinationales, pour qu’elles soient imposées là où elles réalisent leur activité. Un renforcement de l’ensemble des moyens (humains, juridiques et matériels) ainsi que de la coopération entre services et entre États est une condition nécessaire à une meilleure efficacité.
De manière générale, une revue les niches fiscales et sociales (qui coûtent environ 200 milliards d’euros par an) est indispensable pour supprimer les dispositifs dont le rapport « coût / efficacité / effets pervers » est défavorable.
Au-delà du seul contexte français, il faut engager un processus d’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne. Celui-ci pourrait, dans un premier temps, limiter les écarts de fiscalité grâce à l’instauration d’un « serpent fiscal européen » articulé autour d’une taxation unitaire des entreprises assorti d’un taux plancher, d’une harmonisation de la TVA intracommunautaire, de la création d’impôts européens (sur les entreprises, la fortune et les transactions financières) et du renforcement de la coopération internationale (avec la création d’un cadastre financier mondial, un véritable statut pour les lanceurs et lanceuses d’alerte, etc).