Raison pour laquelle les grèves et manifestations pour le climat de ces 20 et 21 septembre sont décisives : loin du cynisme affiché par certains, se mobiliser ensemble pour le climat est le meilleur moyen de faire refluer les sentiments d’impuissance et de sidération qui peuvent gagner chacun.e d’entre nous face à l’immensité de la tâche. Ce ne sont pas les objectifs de 1,5°C ou 2°C qu’il faut enterrer mais les décisions politiques et économiques qui nous en éloignent de manière irréversible.
Les 5225 évènements organisés dans 156 pays – dont plus de 150 en France – (voir la carte interactive) vont faire de ces journées la plus grande mobilisation pour le climat jamais organisée. Le message envoyé aux chefs d’État et de gouvernement de la planète entière – et plus largement à l’ensemble des décideurs politiques et économiques – sera limpide : pour paraphraser Winston Churchill, « il ne s’agit pas de faire de votre mieux mais de faire ce qui est requis ».
En France, autour du mot d’ordre collectif « climat, justice sociale : mobilisation générale », nous voulons offrir la possibilité à tous les citoyen-ne-s, tous les jeunes inquiets pour le présent et l’avenir de la planète, d’apporter leur pierre à l’édifice. Parce que les inégalités sociales, les discriminations, la précarité s’aggravent sous l’effet de la crise écologique, il s’agira également d’appuyer les rapprochements et convergences entre mouvements écologistes, féministes, syndicaux, des quartiers populaires, de gilets jaunes, de gilets noirs et bien d’autres, qui souhaitent agir avec le mouvement pour le climat.
Le 23 septembre à New-York, un énième sommet inutile pour le climat ?
Agacé par l’inertie des États, inquiet par l’aggravation de la crise climatique, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a voulu organiser un sommet de l’action pour le climat afin de « rompre avec la paralysie » : il a demandé aux États d’arriver à New-York avec « des plans concrets » et des objectifs plus élevés que ceux qu’ils avaient annoncés à Paris en 2015. Et non des « beaux discours ». A ce jour, seules les îles Fidji et Marshall ont pris de tels engagements.
Sans pouvoir de coercition permettant de sanctionner les États récalcitrants, Guterres en est réduit à appeler au renforcement de la mobilisation citoyenne pour faire pression sur les États. Découpé en 10 thématiques (Neutralité carbone, Charbon, petites îles, etc), ce "sommet de l’action" verra des Chefs d’État et de gouvernement, mais aussi des dirigeants d’entreprises (Bloomberg, Allianz, Engie, etc) se succéder à la tribune. Si quelques pays emblématiques de l’inaction climatique sont invités à ne pas s’exprimer (Japon, États-Unis, Australie, Brésil etc), grand est néanmoins le risque que ce sommet se transforme en une nouvelle longue litanie de discours et en un catalogue de bonnes intentions où les engagements précis, chiffrés et vérifiables feront exception.
Emmanuel Macron, « champion de la Terre » ou « champion du blabla et de la procrastination » ?
Il y a tout juste un an, Emmanuel Macron recevait du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) le titre de « champion de la Terre ». Le bilan français est pourtant mauvais : les émissions de GES en 2018 ont dépassé de 4,5% le budget carbone qui a été fixé, et ce pour la deuxième année consécutive. Là où la baisse des émissions domestiques n’est en moyenne que de 1% par an depuis quatre ans, il faudrait qu’elle soit a minima trois fois plus forte selon le Haut Conseil pour le climat.
« Je m’engage au nom de la France à réviser au plus tard en 2020 nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre » avait affirmé François Hollande en conclusion de la COP 21. Cet engagement est depuis resté lettre morte. Pire, la loi Energie-climat écarte jusqu’ici toute possibilité de donner plus d’ambition à l’objectif de 40% de réduction d’émissions de GES d’ici à 2030 par rapport à 1990. Comme si Emmanuel Macron, préférant repousser à plus tard ce qui devrait être fait aujourd’hui, instituait la procrastination comme boussole de la politique climatique de son gouvernement.
Les financements climat : loin des 100 milliards promis
En 2009, à Copenhague, les pays riches s’étaient engager à dégager 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour financer les politiques climatiques (atténuation et adaptation) des pays dits « en développement ». Dix ans plus tard et à la veille de 2020, on en est encore loin. Ces financements devaient être nouveaux, additionnels, prévisibles et majoritairement publics. Résultat : les États se défaussent derrière des financements privés, recyclent des lignes de financement "développement" en financement climat et n’ont, pour la plupart, pas de feuille de route prévisible. Par ailleurs, les estimations de l’OCDE, discutables du point de vue de la méthodologie suivie, indiquent un montant total de 72 milliards pour 2017.
L’OCDE elle-même préconise « de redoubler d’efforts de toute urgence pour assurer le financement public de la lutte contre le changement climatique ». La part de ces fonds (19%) qui va à des politiques d’adaptation – généralement jugées non rentables – est toujours très insuffisante, tandis que les prêts représentent une part trop conséquente du total comparée aux dons. Ainsi, la France, qui doit annoncer augmenter sa contribution, est invitée à l’orienter vers des dons plutôt que des prêts. Il est temps d’arrêter de se cacher : si nous voulons que les pays les moins riches aient les moyens de faire face aux dérèglements climatiques tout en développant des activités qui ne soient pas nocives, sans doute faudrait-il enfin débloquer les moyens qui leur sont nécessaires.
Les États et le secteur privé vont-ils continuer à financer les énergies fossiles plutôt que la transition ?
Depuis 2015 et la COP 21, l’ordre de grandeur est resté le même : à l’échelle internationale, quand un dollar est investi dans les énergies renouvelables, deux à trois dollars sont investis dans les énergies fossiles (exploration, exploitation, distribution). Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie, les investissements dans les énergies renouvelables étaient en effet en baisse de 7 % en 2017, tombant à 318 milliards de dollars, tandis que les investissements dans les énergies fossiles étaient orientés à la hausse, pour la première fois depuis de nombreuses années, à 790 milliards de dollars. Le ratio espoir-déluge est donc très mal-orienté. Selon l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), rester en deçà de 2°C de réchauffement climatique implique que 700 milliards de dollars annuels soient débloqués pour que la part des énergies renouvelables dans l’offre mondiale d’énergie primaire atteigne 65 % en 2050 (contre 15% aujourd’hui).
Ces deux données illustrent l’urgence avec laquelle les investissements dans les énergies fossiles doivent tendre rapidement vers zéro : il ne s’agit pas simplement de financer les énergies renouvelables, mais d’arrêter de financer les activités qui contribuent massivement et directement au réchauffement climatique. Malgré les succès, dont certains retentissants, du mouvement pour le désinvestissement des énergies fossiles, les multinationales de l’énergie et les acteurs financiers qui les financent n’en prennent pas le chemin. Pas plus que les États : les pays du G20 ont accordé 147 milliards de dollars de soutien au secteur des énergies fossiles en 2016 contre 75 milliards de dollars en 2007. Soit 96% d’augmentation alors que les pays du G20 avaient pris l’engagement en 2009 de supprimer ces subventions. En France, on compte toujours 11 milliards de soutien annuel aux énergies fossiles.
Nous sommes signataires de la déclaration endossée par des centaines d’organisations et personnalités exigeant une interdiction mondiale de l’exploitation des hydrocarbures de schiste.
La finance verte est-elle écologique ? Peut-elle sauver le climat ?
Depuis l’organisation du premier “One planet Summit” en décembre 2017, Emmanuel Macron se présente comme le promoteur du financement de la lutte contre les dérèglements climatiques et du verdissement du capitalisme : il veut faire de la place financière de Paris la capitale de la finance verte. Les financements nécessaires pour mettre en œuvre la transition énergétique mondiale, rendre l’économie mondiale soutenable et faire face aux conséquences des dérèglements climatiques sont colossaux. Ils sont généralement estimés dans une fourchette allant de 2 à 5% du PIB mondial, soit plusieurs milliers de milliards de dollars annuels. Les promoteurs de la “finance verte” prétendent que les nouveaux outils financiers verts, comme les obligations vertes, vont permettre de « shifting the trillions » – littéralement déplacer les milliers de milliards de dollars – et de relever le défi du financement de la transition écologique.
La réalité est moins nette. Si le marché des obligations vertes continue de s’étendre - à grands renforts de communication - il grossit beaucoup moins vite qu’annoncé. Il ne représente toujours qu’à peine 1% du marché obligataire mondial, soit une goutte d’eau au milieu d’un océan de finance non verte. Les obligations vertes, souvent présentées comme l’exemple à suivre, ne sont en mesure ni de verdir la finance ni de fournir suffisamment de financements à la transition écologique et à la lutte contre les dérèglements climatiques. A ce rythme-là, il faudrait plus de 100 ans pour verdir la finance. Par ailleurs, ces nouveaux outils ont permis de financer des projets (grands barrages, aéroports, rénovation de raffineries, opération de greenwashing) qui ne sont absolument pas compatibles avec la lutte contre les dérèglements climatiques. Sans une régulation drastique et précise des pouvoirs publics, le verdissement de la finance restera une chimère et la finance un secteur structurellement non climato-compatible.
Notre Rapport : La « finance verte » est-elle vraiment verte ?
Feux de forêt et déforestations : quelles réponses de la communauté internationale ?
Face à l’émotion internationale suscitée par les feux de forêts en Amazonie et à l’indifférence de Jair Bolsonaro, Emmanuel Macron a annoncé, à la veille du G7 de Biarritz, que la France ne soutenait plus l’accord de commerce controversé entre l’Union Européenne et le Mercosur. Cette annonce représente le strict minimum attendu mais elle ne permet de pas s’attaquer aux vecteurs de déforestation qui sont de la responsabilité de la France et de l’UE. L’initiative conjointe de la France et du Chili pour l’Amazonie, que la France souhaite voir étendue à l’ensemble des forêts humides de la planète lors du sommet pour le climat de New York, est loin d’être satisfaisante : elle non plus ne s’attaque pas aux vecteurs de déforestation qui sont de notre responsabilité, et aux violations des droits humains qui en découlent. N’est-il pas temps et urgent d’engager une “re-régulation” du commerce international, dans l’optique d’interdire à terme toute importation en France de produits agricoles et forestiers (soja, éthanol, huile de palme, etc) dont la production est directement liée à la déforestation en Amazonie ou ailleurs ?
Notre rapport : Amazonie, quelle politique commerciale et quelles régulations des multinationales pour s’attaquer aux racines du problème ?
Depuis vingt ans, l’emprise des multinationales sur les sommets du climat s’étend
En 1999, Koffi Annan, alors secrétaire général des Nations-Unies, créait le Global Compact (Pacte Mondial) qui regroupe, essentiellement, des entreprises multinationales. Il a contribué à faire d’elles des acteurs majeurs du processus onusien et des relations internationales au détriment de la capacité des États et de l’ONU à réguler leurs activités. Vingt ans plus tard, ce sommet du climat illustre à nouveau l’omniprésence des acteurs privés et de la défense de leurs intérêts dans les sommets dédiés à la lutte contre le réchauffement climatique : plusieurs multinationales, dont certaines sont mises à l’index pour leurs activités, vont être mises à l’honneur.
Alors qu’elles sont à la fois celles qui manœuvrent en coulisses pour éviter toutes réglementations contraignantes – notamment en matière climatique – et celles qui profitent largement d’une globalisation néolibérale totalement insoutenable, les entreprises multinationales sont à nouveau invitées à se positionner comme celles qui peuvent résoudre la crise climatique alors que leurs activités – notamment celles des entreprises du secteur des énergies fossiles – ne cessent de l’aggraver : a-t-on besoin qu’Engie & co se servent à nouveau d’un sommet du climat pour faire du greenwashing ou bien que les États-membres de l’ONU prennent des dispositions contraignantes pour limiter et réguler les activités des entreprises du secteur des énergies fossiles (ce qui n’a jamais été fait en près de 30 ans de négociations sur le climat) ?
Nous sommes signataires de la déclaration "La gouvernance globale sous l’emprise des entreprises ! L’accord de partenariat entre le Forum économique mondial (FEM) et l’ONU est une menace dangereuse pour le système onusien" publiée le 22 septembre 2019.