Le projet de loi de finances 2026 du gouvernement était marqué par la volonté de poursuivre dans la voie tracée par Emmanuel Macron : celle de l’injustice fiscale. Dans sa copie initiale, seules quelques mesures symboliques concernaient les grandes entreprises et les plus riches alors que l’essentiel des coupes budgétaires portaient sur les moyens alloués aux services publics.
Cette proposition a certes été largement amendée par l’Assemblée nationale : taxe sur les holdings (d’une portée très réduite), impôt sur la fortune improductive, doublement de la taxe sur les services numériques, relèvement de la contribution exceptionnelle sur les plus grandes entreprises et prolongation de la contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus…
Ces mesures sont loin de répondre aux aspirations de la population en matière de justice fiscale et restent très insuffisantes pour financer correctement l’action publique, réduire les inégalités ou faire face aux enjeux climatiques. Elles ont également servi de paravent pour rejeter l’impôt plancher proposé par Gabriel Zucman, au plus grand bonheur de Bernard Arnault et du Medef érigés en défenseur du capital et des grandes fortunes. Mais c’en était déjà trop pour de nombreux parlementaires qui s’y sont violemment opposées.
Au Sénat, ces propositions ont été méthodiquement détricotées (contribution exceptionnelle sur les plus grandes entreprises, taxe sur les holdings...) pour leur substituer des mesures injustes : réduction des moyens alloués à l’éducation, à l’écologie, durcissement des conditions permettant de bénéficier de l’aide médicale d’État (AME) et non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. La nouvelle version votée lundi par le Sénat, aurait ainsi des conséquences encore plus dramatiques que celle transmise par le gouvernement.
C’est de cette version que la commission mixte paritaire (CMP) réunie aujourd’hui partira pour proposer une nouvelle version de budget. Si la CMP s’avère conclusive, tout indique que l’accord radicalisera davantage l’orientation austéritaire initiale du gouvernement. En cas d’échec, le gouvernement pourrait recourir à deux options : l’adoption d’un budget au forceps par ordonnances ou l’adoption d’une loi spéciale, cette dernière permettant une poursuite des débats à l’Assemblée nationale en janvier 2026 (avec l’hypothèse d’un recours au 49.3).
Le RN : l’autre parti des ultra-riches
Un autre enseignement de cette séquence budgétaire est l’alignement des positions fiscales du Rassemblement national (RN) avec celles des macronistes et de la droite. Le RN s’avère bien l’autre parti des ultra-riches, la xénophobie et le racisme exacerbés en plus. Ainsi, le RN s’est frontalement opposé à l’impôt plancher sur la fortune (la « taxe Zucman »), a voté avec les groupes de droite la réduction de l’assiette de la taxe sur les holdings. A l’Assemblée nationale, la stratégie du RN a consisté à voter certains amendements souvent symboliques, dont il savait pertinemment qu’ils ne passeraient pas le Sénat.
Le RN a défendu ardemment son « contre-budget » largement inspiré par Donald Trump qui vise à réduire drastiquement les dépenses publiques, à réduire le nombre d’opérateurs de l’État, à s’attaquer à l’immigration ou encore à « l’assistanat » (remise en cause de l’AME et de nombreuses prestations sociales) tout en refusant tout rééquilibrage fiscal visant à faire contribuer davantage les plus riches et les grandes entreprises. Le RN multiplie les appels de pied aux milieux d’affaires qu’il veut également séduire.
C’est l’alliance des forces macronistes, de droite et d’extrême-droite qui a permis d’aboutir à un projet de budget 2026 plus injuste et réactionnaire que jamais. S’il parvenait à être adopté, Bernard Arnault et les ultra-riches pourraient passer de très belles fêtes, l’esprit tranquille, leurs privilèges fiscaux intacts. Mais rien n’est encore fait. D’autant que la revendication d’un impôt plus juste est désormais largement soutenue par la population et au centre des débats politiques. Plus que jamais, mobilisons-nous pour porter haut les exigences de justice fiscale !
Pour aller plus loin, retrouvez notre analyse et notre bilan de la séquence budgétaire : « Budget 2026 : une commission mixte paritaire à hauts risques ».

