Chaque année, les multinationales comme Amazon ont recours à des opérations complexes pour payer toujours moins d’impôt. Le scandale de l’évasion fiscale, ce sont des dizaines de milliards d’euros qui manquent au financement d’hôpitaux, d’écoles, de crèches, de transports publics et de la nécessaire bifurcation écologique pour répondre au changement climatique.
Ces 29 et 30 novembre, à l’occasion du Black Friday, des centaines d’activistes se mobiliseront partout en France pour dénoncer les pratiques d’évasion fiscale de la multinationale. Ils afficheront, aux quatre coins du territoire, des visuels « L’évasion fiscale, c’est du vol ! » sur des centaines de lockers Amazon.
Pour organiser ces actions, Attac a déjà expédié plus de 500 envois de bandeaux, autocollants et affiches dans toute la France.
Ces initiatives visent également à promouvoir une revendication historique d’Attac : la taxation unitaire des multinationales (dont Amazon). Une pétition et une vidéo de campagne ont été publiées sur le site levasionfiscalecestduvol.fr.
Ces actions s’inscrivent dans une mobilisation internationale avec des actions dans plus de 30 pays dans le cadre de la campagne « Make Amazon Pay ».
Outre ses pratiques d’évasion fiscale massive, les raisons de stopper Amazon et son monde ne manquent pas : destruction d’emplois, dégradation des conditions de travail, activités climaticides… Les 29 et 30 novembre, mettons Amazon hors-service !
Amazon, champion de l’évasion fiscale
L’entreprise créée par Jeff Bezos est l’une des cinq plus grosses capitalisations boursières au monde pesant 1340 milliards de dollars en juillet 2023. Au troisième trimestre de 2023, elle explose tous les records et triple son profit net avec 9,9 milliards de dollars de bénéfice et un chiffre d’affaires de 143 milliards de dollars (+13 % par rapport à la même période en 2022) [1].
Ainsi Amazon Europe, basée au Luxembourg, n’a tout simplement… pas payé d’impôts en 2021. Amazon Europe a même bénéficié d’un milliard de crédits d’impôt cumulés dans différents pays européens. Malgré des ventes à hauteur de 51,3 milliards d’euros, en hausse de 17% par rapport à l’année précédente, elle affichait des pertes à hauteur de 1,2 milliard d’euros.
La perte résulte de « dépenses exceptionnelles » dont 15 milliards d’euros de « charges externes ». Les arrangements fiscaux de la firme de Jeff Bezos, et notamment ses accords secrets avec le Luxembourg, sont cependant dans le viseur de la Commission européenne [2].
La firme se vante d’avoir payé 1,7 milliards de « contribution fiscale » en France en 2022... Mais ce chiffre est artificiellement gonflé par les services de communication de la multinationale : il englobe les impôts des vendeurs tiers et sous-traitants, les cotisations sociales et la TVA (payée par les consommateurs) [3].
Une mesure emblématique : la taxation unitaire
Une solution existe pour en finir avec les pratiques d’évasion fiscale d’Amazon et des multinationales et des géants du numérique : c’est la taxation unitaire des entreprises transnationales. Le principe de la taxation unitaire est simple : imposer les multinationales dans les pays où elles réalisent véritablement leurs activités et leurs bénéfices.
Amazon fait partie de ces champions de l’évasion fiscale qui seraient tout particulièrement impactés par une taxation unitaire des multinationales. Depuis l’origine, Jeff Bezos a organisé son groupe de telle façon qu’il est très difficile de chiffrer l’étendue réelle de son activité pays par pays et l’évasion fiscale est en quelque sorte dans l’ADN de la multinationale. En 2019, nous avions démontré que la firme de Seattle dissimulait 57% de son chiffre d’affaires réalisé en France, ce qui lui permet de pratiquer une évasion fiscale massive en déplaçant une grande partie de ses bénéfices vers l’étranger.
Cette estimation n’a jamais été contestée par l’entreprise. Depuis, Amazon a même réussi l’exploit de payer zéro euro d’impôt sur les sociétés dans toute l’Union Européenne en 2020 et 2021 – malgré des ventes dopées par les confinements – et cela grâce notamment à sa filiale luxembourgeoise.
Mettre en place la taxation unitaire, c’est possible !
Mercredi 6 novembre, un amendement visant à mettre en place à l’échelle de la France une taxation unitaire des multinationales a été adopté en séance à l’Assemblée nationale. Selon le même principe, il s’agirait de taxer les multinationales à hauteur de leur bénéfice réellement réalisé en France, un premier pas pour la mise en place d’une taxation unitaire à une échelle plus large. Les recettes dégagées permettraient de restaurer nos comptes publics, la confiance de nos citoyens dans notre système fiscal, et surtout nos services publics, mis à mal par des années de néolibéralisme. Cet amendement, voté par la représentation nationale, doit être intégré dans le projet final de loi de finances, et en particulier ne doit pas être balayé par le biais du recours à l’article 49.3.
La Commission européenne a présenté le 12 septembre 2023 un projet de directive visant à proposer des règles harmonisées pour déterminer la base d’imposition des grandes entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs États membres. Une déclinaison européenne de la taxation unitaire, intitulée « BEFIT », pourrait voir le jour dans le cadre de cette directive. Mais il faudrait pour cela considérablement améliorer le projet, en élargissant son application à toutes les entreprises de dimension internationale (et pas seulement aux plus grands groupes). Un taux « plancher » d’impôt sur les sociétés (IS) pourrait être fixé à 25 % pour tous les États membres. L’objectif est de neutraliser la concurrence fiscale qui sévit. La France doit porter ces revendications dans le cadre des négociations de la directive BEFIT.