Le budget Bayrou reprend pour l’essentiel le projet de loi de finances du gouvernement de Michel Barnier... en y ajoutant des coupes supplémentaires.
Parmi les mesures conservées dans le volet des recettes budgétaires figure la contribution différentielle sur les hauts revenus pour un rendement estimé à 2 milliards d’euros. Si ce projet constitue l’aveu de la régressivité de l’imposition des très hauts revenus, le rendement annoncé paraît très ambitieux (lien vers l’article de l’Observatoire). En recul par rapport au projet Barnier, cette contribution (comme celle sur les bénéfices des plus grandes entreprises) ne s’appliquera qu’un an au lieu de deux.
Ont été conservées d’autres mesures symboliques, comme la taxe sur les rachats d’actions pour un rendement initialement évalué à 200 millions d’euros, un montant à rapprocher des près de 100 milliards d’euros de distribution de dividendes.
Ou encore celle sur les transactions financières (TTF), dont le taux passe de 0,3 à 0,4 %. Son rendement, évalué à 1,8 milliard d’euros au taux de 0,3 % pourrrait augmenter de 450 à 500 millions d’euros. Enfin, la taxe de solidarité sur les billets d’avions est passée de 2,63 euros à 7,30 euros pour un billet en classe économique vers une destination européenne ou française.
La survalorisation de ces mesures dans la communication gouvernementale résonne comme un hommage du vice à la vertu. La nécessité d’une plus grande justice fiscale, largement partagée dans la population, est reconnue. Mais les dispositions sont très insuffisantes s’agissant des recettes attendues et de l’impact sur la répartition des richesses. De ce point de vue, le volet « recettes » de ce texte maintient les déséquilibres et les injustices du système fiscal.
S’agissant du volet « dépenses », la version de la CMP ajoute de nouvelles coupes budgétaires à celles prévues par le gouvernement Barnier. Il en va ainsi des budgets alloués à l’écologie, au logement, aux collectivités locales ou encore de la baisse de l’indemnisation des arrêts maladie des fonctionnaires. Les secteurs visés par la baisse des dépenses est tristement révélateur et éloquent.
En résumé, ce projet de budget est en repli par rapport au projet de loi de finances initial sur les mesures et il maintient un niveau inédit de réduction des dépenses publiques. Pour Attac, ce budget va à rebours des enjeux.
Un budget à contre-sens des urgences sociales et écologiques
Les inégalités atteignent des niveaux records, comme l’a pertinemment démontré la note de la Direction générale de finances publiques sur les revenus et les patrimoines des foyers les plus aisés en France. Cette étude confirme ce que de précédents travaux, dont ceux d’Attac, ont déjà révélé : la hausse des inégalités est spectaculaire, la fiscalité joue un rôle d’accélérateur dans cette évolution. Réduire les inégalités, par la fiscalité notamment devrait être l’une des grandes priorités politiques. Ce gouvernement en a décidé autrement.
Le réchauffement climatique et les dégâts environnementaux provoque des effets de plus en plus fréquents et préoccupants. Le gouvernement a décidé de ne dégager aucun moyen supplémentaire pour y faire face. Le « vivre ensemble » nécessite des services publics aisément accessibles et dotés de moyens suffisants. Le gouvernement a décidé de les pressuriser et d’ignorer les besoins de la population en la matière.
La séance de ce lundi 3 février
François Bayrou a d’ores et déjà annoncé actionner l’article 49-3, ce qui provoquera le dépôt d’une motion de censure. Celle-ci peut être votée, ce qui provoquerait la chute du gouvernement, ou être repoussée, le texte étant alors réputé être adopté par l’Assemblée nationale. Contrairement à ce qu’annoncent les soutiens du gouvernement, la censure ne poserait pas de problème majeur sur le plan budgétaire : des dispositions existent pour passer des mesures d’urgence nécessaires, comme l’a rappelé le président de la commission des Finances Eric Coquerel sur France Inter le 2 février.
François Bayrou a par ailleurs déclaré que la population attendait davantage de stabilité. Or son budget va déstabiliser les services publics et continuer de nourrir les inégalités. Une stabilité digne de ce nom ne peut s’entendre que si elle est juste. Tel n’est pas le cas
Dans une note du 20 février 2024, Attac a montré qu’il est possible de dégager 60 milliards d’euros de recettes supplémentaires sans faire contribuer davantage l’immense majorité de la population ni les PME. Les mesures que nous préconisons correspondent aux attentes d’une large partie de la population. Elles permettraient non seulement de faire face aux besoins sociaux et environnementaux mais également de contribuer à »refaire société ». Elles s’inscrivent dans une orientation faisant de la justice fiscale, sociale et écologique une réalité et seront la boussole de l’association à l’avenir.