Le G20 au chevet du malade européen

mercredi 26 octobre 2011, par Aurélie Trouvé

Comme chaque année, pendant une semaine, j’emmène mes étudiants faire le tour des institutions européennes. D’ordinaire les messages entendus visent invariablement à justifier les politiques de l’Union européenne. Mais cette année plus que toutes les autres, on sentait la gêne à vanter la convergence réussie entre États-membres et les objectifs de la Stratégie de Lisbonne : faire de l’Union « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable ». « La crise » est dans toutes les têtes du microcosme bruxellois. Et personne n’en connaît encore les conséquences politiques.

La crise économique de l’Europe a exacerbé sa crise politique. Les derniers votes des budgets européens se sont soldés par un refus de l’augmentation de la contribution des États-membres, pourtant nécessaire face aux nouveaux besoins de l’élargissement. La seule issue aujourd’hui est celle d’une politique à la carte, avec de moins en moins d’efficacité et de légitimité.

Quant à la politique régionale européenne, personne (sauf peut-être la Commission européenne) n’ose plus dire qu’elle a permis la réduction des inégalités entre les 27 pays.

La crise économique a exposé au grand jour les réticences à la solidarité européenne. Le Fonds européen de solidarité financière (FESF) a soulevé la même question dans de nombreux pays : pourquoi les contribuables des autres pays payeraient-ils la note grecque ? De même, quand la Commission européenne a proposé de relever les taux de cofinancement des politiques européennes pour les pays les plus en difficulté (Grèce, Portugal...), tous les pays les plus riches de l’Union se sont opposés, dont la France. Mais le plus grave est sans doute l’incapacité de l’Union et de la zone euro de mener une réelle politique monétaire et économique, qui puisse s’attaquer aux racines de la crise.

Combien de temps faudra-t-il pour que l’Union européenne abandonne ses œillères ? Engoncée dans les traités, la Banque centrale européenne ne peut prêter directement aux États — membres. Ce qui oblige ces derniers à emprunter sur les marchés financiers, à des taux usuriers qui frôlent les 20 % en Grèce sur 10 ans (contre 3 % en Allemagne). Aucune décision n’a permis de rétablir un peu de pouvoir des États sur la finance et de la faire contribuer à la crise : la taxe sur les transactions financières en reste à l’état de proposition de la Commission européenne, qui ne passera pas l’épreuve de l’unanimité requise au Conseil européen. De même, toutes les mesures qui permettraient de s’attaquer un tant soit peu aux marchés de gré à gré ou aux CDS (produits financiers qui ont nourri les spéculations sur les dettes publiques) en restent à l’état de propositions. Des propositions qui ne font qu’imiter, avec un temps de retard, le Dodd Franck Act promulgué en 2010 par les États-Unis. La régulation bancaire se borne à différer dans le temps le paiement des bonus : on est loin de mesures pourtant nécessaires comme la séparation des banques de dépôt et d’investissement. Évidemment, rien n’a été décidé contre les paradis fiscaux et judiciaires. Et toute harmonisation sociale et toute politique monétaire susceptibles de contrer les déséquilibres commerciaux entre États-membres sont hors de propos.

Pris de panique, les dirigeants européens multiplient en vain des initiatives inefficaces qui ne résolvent jamais les causes profondes de la crise. Même si la perspective d’annuler 50 % de la dette grecque est un premier pas pour mettre à contribution la finance, la socialisation des pertes, via le Fonds européen de stabilité financière, reste la stratégie essentielle. Et les plans d’austérité grèvent toute perspective de relance économique et aggravent les inégalités sociales.

À quelques jours du G20 de Cannes, un énième sommet européen « de la dernière chance » se réunit en catastrophe. Pauvre Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à présider un G20 où il va recevoir, avec ses collègues européens, les leçons des émergents et des États-Unis ! Les pays émergents proposent même d’aider les pays européens dans le cadre du FMI. Ironie de l’histoire, qui fait subir aux pays du Nord des plans d’austérité qu’ils avaient eux-mêmes imposé aux pays du Sud dans les décennies précédentes. Ce basculement des rapports mondiaux met l’Union européenne au pied du mur : elle a le choix de poursuivre sa chute politique vers une Europe réduite à une zone de libre-échange, ou de décider, éventuellement par l’intermédiaire de quelques pays volontaires, de promouvoir enfin des politiques économiques pour la solidarité sociale et la transition écologique, délivrées de l’étau des marchés financiers. Ce n’est certainement pas au G20 que se feront les avancées. Reste à espérer que les dirigeants européens soient bousculés par les mouvements sociaux, qui se multiplient aux quatre coins de l’Europe contre les plans d’austérité et pour la démocratie.

Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/idees/chroniq...

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